lundi 30 septembre 2013

Voir la Vierge en train de lire...




L'Annonciation de Simone Martini est peut-être la seule oeuvre où Marie tient un livre. La Marie de Martini est  en train de lire, juste avant l'arrivée de l'ange, où précisément, il lui annonce son destin: "Voici, la jeune fille est enceinte et elle va enfanter un fils qu'elle appellera Emmanuel" (Isaïe).

Le livre que tient Marie dont le texte nous est caché est comme une tentative de restaurer le pouvoir intellectuel dénié à la vierge.  Soudain, à cette lumière, l'Annonciation de Martini devient subversive.

Moi, ce que j'aime dans cette représentation de Marie, c'est l'ennui profond qu'elle semble manifester vis-à-vis  l'ange qui la dérange dans sa lecture!!!


Je lis L'Histoire de la lecture de Alberto Manguel 


Le fait de connaître un lecteur peut affecter notre opinion d'un livre.

"Je le lisais à la lumière d'une bougie, ou au clair de lune à l'aide d'une grosse loupe" raconte Adolf Hitler à propos de l'auteur d'un roman d'aventures Karl May, condamnant ainsi cet auteur de récits tels que The treasure of Silver Lake au même sort que Richard Wagner, dont pendant des années la musique ne fut pas jouée en public en Israël, parce qu' Hitler l'avait admirée.

Au cours des premiers mois de la fatwa contre Salman Rushdie, quand il fut devenu de notoriété publique qu'un auteur avait été menacé de mort pour avoir écrit un roman, le journaliste américain de télévision John Innes garda sur son bureau un exemplaire des Versets sataniques chaque fois qu'il présentait ses commentaires sur quelques sujets que ce fut. Il ne faisait allusion ni au livre, ni à Rushdie, ni à l'Ayatollah, mais la présence du roman sous son coude manifestait la solidarité d'un lecteur avec le destin du livre et de son auteur.

dimanche 29 septembre 2013

Lire pour vivre!




Le scribe

Extrait du livre L'Histoire de la lecture de Alberto Manguel


"L'image d'un individu pelotonné dans un coin, oublieux en apparence des grondements du monde, suggère d'une intimité impénétrable, un oeil égoïste et une occupation singulière et cachottière. "Sors, va vivre!" me disait ma mère quand elle me voyait en train de lire, comme si mon activité silencieuse contredisait sa conception de l'existence.

La commune inquiétude de ce que pourrait accomplir un lecteur entre les pages d'un livre ressemble à la crainte éternelle qu'éprouvent les hommes à l'idée de ce que pourraient accomplir les femmes aux lieux secrets de leur corps, de ce que pourraient accomplir dans l'obscurité, sorcières et alchimistes derrière leur porte verrouillée.

Les régimes populaires exigent de nous l'oubli, et par conséquent ils traitent les livres de luxe superflu; les régimes totalitaires exigent que nous ne pensions pas, et par conséquent ils bannissent et censurent. Ils ont besoin que nous devenions stupides et que nous acceptions avec docilité notre dégradation et par conséquent ils encouragent la consommation de bouillie. Dans de telles circonstances, les lecteurs ne peuvent être que subversifs".

Enfant et adolescente, je lisais tout le temps. J'avais toujours un livre à la main. Un jour, j'ai gagné un deuxième prix en français et toutes mes prières se sont avérées inutiles car la gagnante du premier prix choisit le livre, le beau livre!!! La religieuse, après la réception est venue me demander pourquoi j'avais choisi un petit feuillet donné gratuitement sur l'épopée fantastique des saumons des rivières. JE VOULAIS LIRE! Les petites choses intéressantes que j'aurais pu choisir ne m'intéressaient pas. Plus tard, je suis allée au presbytère pour dire au curé que je voulais travailler à la bibliothèque paroissiale - les bibliothèques municipales n'existaient pas - il n'y avaient de livres à la maison, que la sélection des Reader Digests, lus mille fois. J'ai donc travaillé à la bibliothèque tous les jeudis soirs et je recevais chaque fois un beau vingt cinq cents. Et là, j'ai lu tout mon soûl.

Lire, c'est ma passion. "Lisez pour vivre!" disait Gustave Flaubert


Le chemin de la bibliothèque du film Le nom de la rose

Les cathédrales, les belles bibliothèques et même mes propres bibliothèques qui ploient sous le poids des livres ont le don de m'émouvoir. J'aime vraiment ces hauts lieux. Une bibliothèque n'est pas uniquement un ensemble de livres. Celle du film Le Nom de la Rose n'est accessible que par un labyrinthe mystérieux nimbé d'une  lumière tamisée où l'étrangeté mystérieuse de la vie, de la connaissance et de la spiritualité s'entrecroisent. Quand un incendie détruisit cette bibliothèque aussi vibrante que fantastique, j'avais les larmes aux yeux et le coeur en larmes. À croire que j'ai déjà été scribe....

samedi 28 septembre 2013

Les toutes premières écritures...



La photo de cette  tablette pictographique sumérienne est tirée du livre L'Histoire commence à Sumer. J'ai été, comme Manguel, puissamment interpellée par ce petit bout d'argile. J'ai lu ce livre il y a trente ans environ et cette image je l'ai sculptée dans le bois, dans l'argile, je l'ai fait laminée et l'ai accrochée au mur; je la regarde encore avec émotion. Y a comme une affinité qui tient du mystère entre ces toutes premières lignes d'écriture et moi. C'est pourquoi je trouve ce texte de Manguel si interpelant ... un écho à ma propre émotion.


"En 1984, on a découvert à Tell Brak, en Syrie, deux petites tablettes datant du quatrième siècle avant notre ère. Je les ai vues, l'année avant la guerre du Golfe, dans une banale vitrine du Musée archéologique de Bagdad. Toute notre histoire commence avec ces deux modestes tablettes. Elles constituent - si la guerre les a épargnées - l'un des plus anciens spécimens d'écriture que nous connaissions. Elles ont quelque chose de profondément émouvant. 

Peut-être que, lorsque nous contemplons ces morceaux d'argile roulés par une rivière qui n'existe plus et observons les incisions délicates figurant des animaux devenus poussière voici des milliers et des milliers d'années, une voix est évoquée, une pensée, un message qui nous dit: il y avait ici dix chèvres, il y avait ici dix moutons - le trou dans l'argile représente le chiffre dix - Par le simple fait d'avoir regardé ces tablettes, nous avons prolongé une mémoire datant des origines de notre temps, préservé une pensée bien après que le penseur ait cessé de penser, nous avons pris part à un acte de création qui demeure ouvert aussi longtemps que les images gravées sont vues, déchiffrées, lues.

Tels mes nébuleux ancêtres sumériens lisant ces petites tablettes par un après-midi incroyablement lointain, je lis, moi aussi, dans ma chambre, par delà les siècles et les mers. Assis à mon bureau, les coudes sur la page, je vois, j'écoute, je poursuis une histoire, une description, un raisonnement. Rien ne bouge à part mes yeux et ma main qui tourne une page, et pourtant quelque chose se déploie, progresse, croît et s'enracine tandis que je lis".

"Lire, c'est aller à la rencontre d'une chose qui va exister". (Italo Calvino)

Texte tiré du livre Une histoire de la lecture d'alberto Manguel

lundi 23 septembre 2013

Chihuly, le céleste souffleur de verre












Après quatre tentatives, celle-ci fut la bonne. Guy a finalement accepté que je le trimbale en chaise roulante dans les salles d'exposition du Musée des Beaux-Arts de Montréal. Dale Chihuly a réalisé une éblouissante exposition, composée uniquement d'installations spectaculaires en verre. Périple d'une beauté fabuleuse dans un univers féérique. Expérience visuelle grandiose! Les mots me manquent... Je suis émue.

Né en 1941, Dale Chihuly est mondialement reconnu, il a hissé l'art du verre soufflé au rang de la sculpture monumentale. Grâce à lui, le verre est passé du monde artisanal à celui des Beaux-Arts. "Aucun artiste avant lui n'avait poussé le verre, à de telles limites. Il faut le voir pour le croire" (Nathalie Bondil). Chargées de merveilleux, ses oeuvres sont le fruit d'une exploration astucieuse de la couleur, de la forme, de la lumière et de l'espace. Chihuly transcende la matérialité du verre et révèle un imaginaire foisonnant de lumière. (Extraits d'un texte écrit par Diane Charbonneau et Thomas Bastien)


J'adore la beauté du verre coloré quand le matin, le soleil illumine et incendie  tour à tour, le bleu, le rouge, le pourpre et l'ambré des bouteilles posées sur le rebord de mes fenêtres. Alors.... cette exposition, je l'ai savourée. C'est une expérience qui nous rend meilleurs tellement la beauté... est belle. Je manque de mots, ai-je dit?  

mercredi 18 septembre 2013

La fête de la Grande Gaîté



J'ai cloué mon pareo sur le mur du garage...  magnifique!


Julia, Marie-héllène, et Jeannie en train de perdre une dent de lait


Un millier de pommes rougissaient le pommier. C'était le signal de la rencontre familiale de fin d'été. Je donne un nom à cette fête. Cette année, j'ai choisi un nom qui fait du bien: la Fête de la Grande Gaîté. J'ai décoré le pommier de guirlandes et de ballons, j'ai acheté des douzaines de maïs, fait cuire un jambon et un gâteau. J'étais dans une fébrilité jubilatoire.

Autour de la table, les parents appellent les enfants éparpillés, le calme se fait, les mains se joignent pour la grande chaîne de l'énergie et je parle à mes enfants. J'ai un message pour eux: "Mes enfants, j'ai finalement compris que cela sera de plus en plus difficile d'avoir autour de moi, tous mes petits-enfants à ma table. Cette fois-ci, Rosalie, Alice et Stéphanie n'y sont pas, Mimi, Lou-Hélène et la petite Rose non plus. J'ai travaillé cette peine avec entêtement, c'est placé en moi maintenant. Mais sachez bien quand même que le sentiment de plénitude qui m'habite quand vous êtes tous là est ce que je connais de plus délicieux et de plus parfait comme joie".

Puis j'ai dit à Danielle et Lee qui m'ont offert leur Floride, ce printemps-ci : ... et parce que je  vous aime, je vous offre ce que j'ai de plus précieux: un moment de vie avec ma famille. Je me suis adressée à son père, l'invité surprise: ... Et Danielle est facile à aimer, elle est de même essence d'âme que Pierre, son frère adorable. 

Ici, l'amour circule et "les enfants sont les gardiens de l'âme"  dit Zaz dans sa chanson On ira. J'ai le goût de vous réciter la plus sublime poésie que je connaisse. Je les ai regardés intensément, l'un après l'autre avec dans le regard une intense dose d'amour,  et lentement j'ai récité cette si belle litanie: ... Alice, Rosalie, David, Joé, Stéphanie, Michelle, Jeannie, William,  et là, Mathieu tout heureux a regardé William et lui a dit : Elle a dit ton nom, William! émouvant petit bonhomme! et j'ai continué... Mathieu... il est devenu tout intimidé, j'avais dit son nom aussi, Rose et la Julia qui me souriait. Et je joins le nom de Hugues, cet homme de ma famille cosmique, si magnifique, enfin là avec nous. Il avait vingt ans quand je l'ai connu et je n'ai jamais cessé de l'aimer.



Maintenant, j'aimerais bien qu'on se recueille en sachant bien que les absents sont présents et ma pensée rejoint ton ami, Dominicke, ce cher Pierre Lemay, cet autre aimé cosmique...

Et, la finale habituelle...." Soyons attentifs... le bonheur passe!"



Frédérique-Anne, marie-Héllène, moi, Danielle

Mon amie Diane

William

C'est bon manger quand on est est heureux. C'est bon danser une farandole avec les enfants quand on est heureux. C'est bon écouter la singulière musique techno de David et la guitare joyeuse de Dominicke; ça rend encore plus heureux!


William et David


Dominicke à la guitare


                                           
La  Fête de la Grande Gaîté, la bien nommée!

dimanche 15 septembre 2013

Oscar Wilde, lettres écrites en prison...



Oscar Wilde(1854-1900)


André Gide: "... le sanglot d'un blessé qui se débat. je n'ai pu l'écouter sans larmes; je voudrais pourtant en parler... 


Extraits de lettres d'Oscar Wilde lors de sa captivité et de sa sentence aux travaux forcés.

"Les dieux m'avaient presque tout donné. Je possédais du génie, un nom illustre, une haute situation sociale, de la gloire, de l'éclat et l'audace de la pensée. J'ai enseigné aux hommes une manière de penser différente et donné aux choses d'autres couleurs. J'éveillai la fantaisie de mon siècle, de sorte, qu'autour de moi, mythes et légendes se formèrent. Je vivais jadis entièrement pour le plaisir. Jusqu'au bord j'emplissais ma vie de plaisirs, comme on emplit jusqu'au bord une coupe de vin. Il ne me reste plus qu'une chose: l'humilité absolue. Ce quelque chose, caché au plus profond de moi, comme un trésor dans un champ, l'humilité! Le point de départ d'un développement nouveau. J'espère être capable de recréer ma faculté créatrice.

Il me faut rendre bon pour moi tout ce qui m'est arrivé. Le lit de planches, la nourriture nauséabonde, les durs cordages qu'on déchiquette en étoupe, les viles corvées avec lesquelles commencent et finissent les journées, les durs commandements que la routine paraît nécessiter, l'horrible vêtement qui rend la douleur grotesque à voir, le silence, la solitude, la honte, il me faut les transformer en expériences spirituelles. Il n'est pas une seule dégradation du corps qui ne doive contribuer à spiritualiser l'âme. Après n'avoir, pendant la première année de mon emprisonnement, fait autre chose à mon souvenir que de me tordre les mains en un désespoir impuissant et m'écrier: Quelle fin! Quelle effroyable fin! J'essaie maintenant de me dire sincèrement: Quel commencement! Quel merveilleux commencement! L'un des premiers points auxquels je doive atteindre est de ne pas être honteux d'avoir été puni, ne pas avoir honte de mon châtiment. Ensuite, il me faudra apprendre à être heureux, mais le bonheur m'est souvent extrêmement difficile à percevoir. Ils ont pris mon âme: je ne sais pas ce qu'ils en ont fait... Tout dans ma tragédie a été hideux, mesquin, repoussant, dénué de style.

La permission n'a été que peu ou pas donnée à mes amis de me rendre visite; par contre, mes ennemis ont pu trouver pleinement l'accès vers moi. Les deux fois où je fus publiquement transféré d'une prison à l'autre, j'ai été, dans des conditions indiciblement avilissantes, donné en pâture aux quolibets de la foule. Je fus complètement isolé, mis à l'écart de tout ce qui eût pu m'être de quelque consolation. J'ai dû supporter l'insupportable peine du dénuement et des remords que ma mère évoquait en moi. Le temps a quelque peu cicatrisé cette blessure et voici qu'au nom de la loi, on s'empare de mes deux fils. Ceci me cause une peine infinie, un soucis sans nom; la loi  décide qu'il ne m'appartient plus d'être auprès de mes propres enfants. Cette pensée a pour moi quelque chose d'épouvantable. Auprès de ceci, l'opprobre de la prison n'est plus rien.


Gide: Ceux qui n'ont approché Wilde que dans les derniers temps de sa vie imaginent mal, d'après l'être affaibli, défait, que nous avait rendu la prison, l'être prodigieux qu'il fut d'abord.

Oscar Wilde, In Memoriam (Souvenirs) écrit par André Gide

Pathétiquement triste....


Les restes d'Oscar Wilde sont transférés au Père Lachaise, à Paris en 1909. Son tombeau, sculpté par Jacob Epstein, s'inspire du taureau ailé assyrien  du British Museum. Le monument a été classé monument historique en 1997 et restauré en 2011 grâce à la famille Wilde et du gouvernement irlandais. Des vitres en plastique de deux mètres de hauteur ont été apposées sur les parois de pierre pour empêcher que ses admirateurs ne déposent le baiser traditionnel laissés sur ce haut lieu du romantisme. La pierre du monument était couverte de rouge à lèvres.

samedi 14 septembre 2013

L'Évangile selon Oscar Wilde


Oscar Wilde s'est converti au catholicisme à la fin de sa vie


André Gide: L'Évangile inquiétait et tourmentait Oscar Wilde. Il m'a raconté...
  
Quand Jésus voulut entrer dans Nazareth, Nazareth était si changée, qu'il ne reconnut plus sa ville. La Nazareth où il avait vécu était pleine de lamentations et de larmes; cette ville était pleine d'éclats de rire et de chants. Et le Christ, errant dans la ville, vit des esclaves chargés de fleurs qui s'empressait vers l'escalier de marbre blanc. Le Christ entra dans la maison, et au fond d'une salle de jaspe, couché sur une couche de pourpre, il vit un homme dont les cheveux défaits étaient mêlés aux roses rouges et dont les lèvres étaient rouge de vin. Le Christ s'approcha de lui, lui toucha l'épaule et lui dit: - Pourquoi mènes-tu cette vie? - L'homme se retourna, le reconnut et répondit :- J'étais lépreux et tu m'as guéri. Pourquoi mènerais-je une autre vie?


 Le Christ sortit de cette maison. Et voici que dans la rue, il vit une femme dont le visage et les vêtements étaient peints, et dont les pieds étaient chaussés de perles; et derrière elle marchait un homme dont l'habit était de deux couleurs et dont les yeux se chargeaient de désirs. Et le Christ s'approcha de l'homme, lui toucha l'épaule et lui dit: - Pourquoi suis-tu cette femme et la regardes-tu ainsi? - L 'homme se retourna, le reconnut et répondit: - J'étais aveugle et tu m'as guéri. Que ferais-je d'autre de ma vie?

Et le christ s'approcha de la femme: - Cette route que tu suis, lui dit-il, est celle du péché; pourquoi la suivre? - La femme le reconnut et lui dit en riant: - La route que je suis est agréable et tu m'as pardonné tous mes péchés.

Alors le Christ sentit son coeur plein de tristesse et voulut quitter la ville. Mais comme il en sortait, il vit enfin, au bord des fossés de la ville, un jeune homme qui pleurait. Le Christ s'approcha de lui, et touchant les boucles de ses cheveux, il lui dit: - Mon ami, pourquoi pleures-tu? "Le jeune homme leva les yeux, le reconnut et répondit: - J'étais mort et tu m'as ressuscité; que ferais-je d'autre de ma vie?

Wilde continua : - Je ne peux pas penser autrement qu'en contes. Le sculpteur ne cherche pas à traduire en marbre sa pensée; il pense en marbre, directement.


Je lis Oscar Wilde, In Mémoriam (souvenirs) et j'aime ses histoires!

mercredi 11 septembre 2013

Oscar Wilde raconte...



Oscar Wilde, auteur du Portrait de Dorian Gray


Dès qu’Oscar Wilde ne brillait plus tout seul, il s'effaçait. On ne le retrouvait alors qu'en se retrouvant seul avec lui. Mais sitôt seuls, il commençait: - "Qu'avez-vous fait depuis hier?" Et comme ma vie s'écoulait sans heurts, le récit que je pouvais en faire ne présentait nul intérêt. Je redisais docilement de menus faits, observant, tandis que je parlais, le front de Wilde se rembrunir. - C'est vraiment là ce que vous avez fait? - Oui. - Et ce que vous dites est vrai! - Oui, bien vrai. - Alors pourquoi le redire? Vous voyez bien, cela n'est pas du tout intéressant. - Il y a deux mondes, celui qui est, sans qu'on en parle, on l'appelle le monde réel parce qu'il n'est nul besoin d'en parler pour le voir. Et l'autre, c'est le monde de l'art; c'est celui dont il faut parler, parce qu'il n'existerait pas sans cela. - Et il raconta...

"Il y avait un jour un homme dans un  village que l'on aimait parce qu'il racontait des histoires. Tous les matins, il sortait du village, et quand le soir il y rentrait, tous les travailleurs du village, après avoir peiné tout le jour, s'assemblaient tout autour de lui et disaient: Allons! raconte: qu'est ce que tu as fait aujourd'hui? - Et il racontait: J'ai vu dans la forêt un faune qui jouait de la flûte, et qui faisait danser une ronde de petits sylvains. - Raconte encore: qu'as-tu vu? disaient les hommes. - Quand je suis arrivé sur le bord de la mer, j'ai vu trois sirènes au bord des vagues, et qui peignaient avec un peigne d'or leurs cheveux verts. - Et les hommes l'aimaient parce qu'il leur racontait des histoires.

"Un matin il quitta, comme tous les matins, son village - mais quand il arriva sur le bord de la mer, voici qu'il aperçut trois sirènes. Trois sirènes au bord des vagues qui peignaient avec un peigne d'or leurs cheveux verts. Et comme il continuait sa promenade, il vit, arrivant près du bois, un faune qui jouait de la flûte à une ronde de sylvains... Ce soir-là, quand il rentra dans son village et qu'on lui demanda comme les autres soirs: Allons! raconte: qu'as-tu vu? Il répondit: - Je n'ai rien vu."

Wilde s'arrêta un peu, laissant descendre en moi l'effet du conte. 

André Gide

Première rencontre Gide/Wilde



André Gide


Oscar Wilde, écrivain irlandais

Souvenirs d'André Gide:

Oscar Wilde, ses livres étonnaient, ses pièces de théâtre allaient faire courir Londres. Il était riche, il était grand, il était beau, gorgé de bonheurs et d'honneurs. Le fait est qu'il rayonnait! Je souhaitais le connaître. Un ami m'invita au resto, nous étions quatre, mais Oscar Wilde fut le seul qui parla. C'était un brillant causeur. Il contait doucement, lentement, même sa voix était merveilleuse. Il savait admirablement bien le français, le peu d'accent qu'il avait, donnait à ses mots un aspect parfois neuf et étrange. Il ne livrait jamais que ce qu'il croyait qu'en pourrait goûter l'auditeur, ceux qui n'attendaient rien de lui n'avaient rien, ou qu'un peu de mousse légère. Le repas fini, Wilde me prit à part: 
- Vous écoutez avec les yeux, me dit-il assez brusquement; c'est pourquoi je vous raconterai cette histoire:

Quand Narcisse fut mort, les fleurs des champs se désolèrent et demandèrent à la rivière des gouttes d'eau pour le pleurer. - Oh! leur répondit la rivière, quand toutes mes gouttes d'eau seraient des larmes, je n'en aurais pas assez pour pleurer moi-même Narcisse: je l'aimais. - Oh! reprirent les fleurs des champs, comment n'aurais-tu pas aimé Narcisse? Il était beau. - Était-il beau? dit la rivière. - Et qui mieux que toi le saurais? Chaque jour penché sur ta rive, il mirait sa beauté dans tes eaux... 

Wilde s'arrêtait un instant...

- Si je l'aimais, répondit la rivière, c'est que, lorsqu'il se penchait sur mes eaux, je voyais le reflet de mes eaux dans ses yeux.

Puis Wilde, se rengorgeant avec un bizarre éclat de rire, ajoutait: - Cela s'appelle: Le Disciple.

Cette année suivante, je le vis souvent et partout.

Ses histoires, je les savoure! Quel intéressant personnage!

mardi 10 septembre 2013

Oscar Wilde, vu par André Gide



Oscar Wilde (1854-1900) est décédé en France à l'âge de 46 ans


Je lis Oscar Wilde, in memoriam (souvenirs) écrit par André Gide

C'est à Biskra (Algérie) que j'appris par les journaux la lamentable fin d'Oscar Wilde. L'éloignement ne me permit pas de me joindre au maigre cortège qui suivit sa dépouille jusqu'au cimetière de Bagneux. Maintenant que toute indiscrète rumeur autour de ce nom si tristement fameux s'est calmée, que la foule s'est lassée après avoir loué, de s'étonner, puis de maudire, peut-être qu'un ami pourra-t-il exprimer une tristesse qui dure, apporter, comme une couronne sur une tombe délaissée, ces pages d'affection, d'admiration et de respectueuse pitié.

Lorsque que le monstrueux procès, qui passionna l'opinion anglaise, menaça de briser sa vie, quelques artistes tentèrent une sorte de sauvetage au nom de la littérature et de l'art. On espéra qu'en louant l'écrivain on allait faire excuser l'homme. Hélas! il faut bien le reconnaître, Wilde n'est pas un grand écrivain. La bouée de plomb qu'on lui jeta ne fit donc qu'achever de le perdre; ses oeuvres semblèrent foncer avec lui. En vain quelques mains se tendirent. Le flot du monde se referma; tout fut fini. Au lieu de cacher l'homme derrière son oeuvre, il fallait montrer l'homme d'abord admirable - puis l'oeuvre même en devenant illuminée.-

 "J'ai mis tout mon génie dans ma vie; je n'ai mis que mon talent dans mes oeuvres", disait Wilde. Il causait et vivait sa sagesse, la confiant imprudemment à la mémoire des hommes, et comme l'écrivant sur de l'eau.

Ce texte est un extrait de la préface écrite par André Gide

J'aime ce texte, il invalide celui écrit par Odon Valet au sujet de la lâcheté de Gide.

Blog antérieur sur Oscar Wilde:
http://www.blogger.com/blogger.g?

lundi 9 septembre 2013

Les corps subtils


Lynn Mc Taggart

Lynn Mc Taggart explique qu'au niveau quantique, nous sommes comme des petits noeuds sur la même corde, nous faisons partie d'un immense champ d'énergie auquel nous sommes tous reliés. C'est ça la réalité qui nous entoure. Nous envoyons en permanence des informations à ce champ. C'est un réseau géant. La guérison à distance est incompréhensible sans ça. Les différents corps subtils contiennent toute l'information relative à chaque individu.

Le corps énergétique est une aura, un corps lumineux qui entoure le corps physique. Barbara Anne Brennen divise cette aura en plusieurs couches successives appelées "corps subtils" qui s'interpénètrent et se superposent. Chaque couche est plus ténue que la précédente et ses vibrations plus élevées que celles du corps qu'elle entoure. Ces couches structurées contiennent toutes  les informations du corps physique, y compris les organes, les vaisseaux sanguins... et d'autres informations que le corps physique ne contient pas. Il s'agit d'une version expansive de notre moi: le corps éthérique, émotionnel, mental, astral, spirituel, céleste kéthérique. 

Et les guérisseurs dialoguent avec les corps subtils. En percevant cette enveloppe bioplasmique, les guérisseurs auraient accès à des données invisibles; tel un scanner, cette capacité leur permettrait de déceler des dysfonctionnements qui ne se sont pas encore manifestés, mais aussi de ressentir d'anciens traumatismes inscrits dans le corps énergétique.

Lors de chocs suivis de coma, le corps physique et le corps énergétique se séparent, ce dernier se déplaçant du côté opposé au choc. Ce qui peut être vu par certains guérisseurs.

Nous devons nous concevoir comme autre chose qu'un ensemble d'éléments solides.


Les écrits de Lynn Mc Taggart m'enchante, j'apprécie énormément cette femme, voir:
http://www.blogger.com/blogger.g?blogID=3318240687071079208#editor/target=post;postID=4061816631398387227



Je lis Le mystère des guérisseurs, une enquête à la frontière des médecines par Audrey Mouge et S. Allix


dimanche 8 septembre 2013

Grands guérisseurs qui ont marqué les mémoires



Le curé d'Ars


Le curé d'Ars, canonisé par le pape Pie XI, se forge durant la première moitié du XIXe siècle, une réputation de faiseur de miracles. Des milliers de gens continuent de témoigner de guérisons surnaturelles réalisées depuis l'au-delà.

À la fin du XIXe siècle, le seul guérisseur à avoir une statue à son effigie dans un village de France est Pierre Brioude, cela même s'il dut comparaître devant les tribunaux pour pratique illégale de la médecine. Certains malades dormaient dans la rue pour attendre de passer entre ses mains.

Au XXe siècle, des guérisseurs deviennent célèbres en soulageant des personnalités qui ont marqué l'Histoire.: Suédois d'origine estonienne, Félix Kersten s'est occupé de la famille royale de Hollande, mais aussi du criminel de guerre Heinrich Himmler, chef de la SS, pour des problèmes de dos. Ces services auprès du Reichsfürer lui permettront d'obtenir l'annulation de la déportation de milliers de juifs hollandais en Pologne et la libération de nombreux prisonniers des camps de concentration. Des actes héroïques pour lesquels la France lui décerna la Légion d'honneur.

Dès l'après-guerre, jusqu'à la fin des années 1970, Serge-Léon Alalouf devient l'un des guérisseurs les plus célèbres de France. En quarante ans d'exercice, il aurait traité plus de quarante millions de personnes, soit près de 300 malades par jour, qu'il recevait par groupe de trente. Profondément religieux, il a consacré toute sa vie aux autres qu'il réussissait à soulager en quelques minutes. Il aurait même reçu le Mahatma Gandhi chez lui pendant huit jours. Accusé à plusieurs reprises d'exercice illégal de la médecine, il demeure le seul guérisseur de France qui, à la suite de plusieurs jugements devant les tribunaux, sera qualifié de "bienfaiteur de l'humanité".

À la même époque, un autre guérisseur, Jean-Louis Noyès, guérisseur de renom, surnommé le "guérisseur aux doigts d'or" traitait André Malraux, le général de Gaule, Jean Gabin, Charlie Chaplin, Maurice Chevalier, Édith Piaf, Marcel Cerdan etc...


Le frère André

Si ce livre avait été écrit par un Québécois, le nom du frère André, l'humble portier de l'Oratoire Saint-Joseph, aurait eu une place de choix parmi les grands guérisseurs du monde. Il a été canonisé en 2010 par le pape Benoît XVI

vendredi 6 septembre 2013

Les guérisseurs sont de toutes les civilisations



Stéphane Allix


Je lis Le mystère des guérisseurs, une enquête à la frontière des médecines par Stephane Allix et Audrey Mouge

Dans l'histoire de l'humanité, toutes les civilisations ont fait appel à l'action curative des guérisseurs. Dans l'Ancienne Égypte, on agissait déjà sur le physique par l'imposition des mains. Le plus ancien papyrus fut retrouvé à Thèbes; vieux de 3 500 ans, on y lit: "Pose ta main sur la douleur et dis que la douleur s'en aille." Dix-huit siècles plus tard, Hippocrate, père de la médecine moderne, utilisait lui-même l'imposition des mains pour manifester ce qu'il appelait "la force curative de la nature".

Aux environs de l'an mille, en France, mais aussi en Angleterre, et pendant près de huit siècles, le magnétisme devient, une affaire royale. Par imposition des mains, les rois "thaumaturges" étaient censés guérir leurs sujets à la sortie des cérémonies religieuses. Au XIIIe siècle, des écrits racontent que saint Louis touchait une personne et prononçait ces mots: "Le roi touche, que Dieu te guérisse!"

C'est à partir du XVIe siècle, avec  Paracelse, qu'on entend parler pour la première fois de "magnétisme" pour désigner la faculté à produire des effets curatifs ou de soulagement par l'imposition des mains. Médecin, philosophe et alchimiste suisse, il prétendait qu'il existait une force intérieure de guérison en chaque être humain. Il affirmait qu'il pouvait guérir des malades à distance.


Messmer, le fascinateur

Deux siècles plus tard, un autre médecin, Franz Anton Mesmer, autrichien, va également jouer un rôle dans l'histoire du magnétisme. C'est lui qui la première fois évoque l'existence d'un "fluide magnétique universel" que les magnétiseurs seraient capables de puiser dans l'univers et de retransmettre aux malades à des fins thérapeutiques. Véritable phénomène de société, ce qu'il appelle le "magnétisme animal" ou "mesmérisme" fera l'objet de polémiques, notamment en France. De nombreux guérisseurs contemporains s'y réfèrent encore aujourd'hui.



jeudi 5 septembre 2013

Charles Darwin expliqué par Jay Gould


Charles Darwin (1809-1882), un naturaliste anglais dont les travaux sur l'évolution des espèces vivantes ont révolutionné la biologie


Stephen Jay Gould: Au niveau cosmique, la conception de la Vie est un détail dans un vaste univers qui n'est de toute évidence pas conçu en fonction de notre présence. L'Homo sapiens  représente une si petite chose dans un vaste Univers, un fait d'évolution extrêmement improbable, et nullement le point d'un dessein universel. Nous sommes des rejetons de l'Histoire et devons trouver notre propre voie dans le plus divers et le plus intéressant de tous les univers concevables. Un Univers indifférent à nos souffrances et qui, de ce fait même, nous laisse la plus grande liberté pour tenir bon ou lâcher pied dans la voie que nous aurons choisie nous-mêmes.

Et voilà que la ronde de mes incessants questionnements sur l'après-vie redémarre...


Je lis Et Dieu dit: Que Darwin soit!  de Stephen Jay Gould

Darwin, la naissance et la mort...



Darwin


NOMA c'est le "non empiétement" de deux magistères. Exemple la science et la religion.

Darwin: " Je ressens profondément que toute cette question est  trop profonde pour l'intellect humain. Autant demander à un chien de spéculer sur l'esprit de Newton". Darwin avait compris que le pouvoir de la science ne pouvait s'étendre et se consolider que sur la terre fertile de son propre magistère.  Il n'encouragea jamais l'évolution pour encourager l'athéisme, ni l'idée que  l'évolution pouvait impliquer la non existence de Dieu. La position de Darwin, fondée sur le principe de Noma, est courageuse, énergique, et au bout  du compte, libératrice.

Nous ne pouvons pas tirer de messages moraux ou de conclusions religieuses de la nature. La nature est amorale - non pas immorale - mais ordonnée sans référence à cette notion strictement humaine. La nature existait depuis un temps infini avant que n'arrivions, elle ignorait que nous allions venir et ne se souciait absolument pas de nous. La nature se contente d'être dans toute sa complexité et sa diversité, et dans sa sublime indifférence à nos désirs. C'est pourquoi nous ne pouvons pas compter sur elle pour notre édification morale ou tout autre question relevant du magistère de la religion. Darwin soutient qu'il faut simplement admettre que la nature ne nous offre absolument aucun enseignement moral. Il réfute la vieille illusion selon laquelle la Nature, intrinsèquement bonne, témoignerait en faveur de l'existence et des attributs de Dieu.

"J'avoue que je ne vois pas les indices d'un dessein général et d'une bienveillance à notre égard. La science n'a pas accès aux questions sur le "pourquoi" suprême, le dessein suprême ou la valeur éternelle. L'éclair tue un homme, qu'il soit bon ou mauvais, à cause de l'action excessivement complexe des lois naturelles. Le décès de cet homme n'aurait pu être prédit avec précision au moment de sa naissance ou même deux heures avant  ni surtout qu'un tel malheur a un rapport avec la moralité et du sens ultime des choses. Ce pauvre homme se trouvait simplement au mauvais endroit. La nature, comme toujours aveugle à la morale, n'a fait que suivre ses lois habituelles".

Si une telle mort naturelle tragique est dépourvue de signification morale, que dire d'une naissance naturelle tragique? Darwin montre que si un enfant est mentalement handicapé, cela renvoie aux lois de la génétique et de l'embryologie. Seul un pervers pourrait croire que la simple existence de cet handicap signifie que Dieu avait destiné cet enfant à souffrir, ou qu'Il tient un registre de la moralité générale pour parsemer à dessein nos existences de tels ou tels malheurs.

Je lis Et Dieu dit: Que Darwin soit!  écrit par Stephen Jay Gould

mercredi 4 septembre 2013

Stephen Jay Gould et l'histoire de l'apôtreThomas, l'incrédule




 Stephen Jay Gould (1941-2002). paléontologue, professeur de géologie et d'histoire des sciences à l'Université Harvard, a beaucoup oeuvré à la vulgarisation de la théorie de l'évolution depuis Darwin; il a aussi mené campagne contre les créationnistes


Je lis Et Dieu dit: "Que Darwin soit! écrit par Stephen Jay Gould. Son livre commence par un commentaire intéressant sur un extrait de l'Évangile.


L'Apôtre Thomas, l'incrédule

L'apôtre Thomas fait trois apparitions remarquables dans l'Évangile selon saint-Jean, chaque fois pour énoncer un important principe moral ou théologique.

On rencontre l'homme au chapitre 2, Lazare est mort et Jésus veut retourner en Judée pour ramener son ami à la vie. Les disciples tentent de l'en dissuader: ils lui rappellent la violente hostilité qu'a suscité sa dernière visite, mais Jésus persiste. Thomas s'avance pour tirer les disciples de cette impasse et leur redonner courage. Sur quoi Thomas, appelé "Didyme" dit aux autres disciples: "Allons aussi, afin de mourir avec lui".

Le deuxième épisode se produit après celui de la sainte Cène, où Jésus révèle qu'il va être trahi et, de ce fait, devra mourir physiquement. Au chapitre 14, il déclare: "ll y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père: si ce n'était le cas, je vous l'aurais dit. Je vais vous préparer une place". Thomas dérouté, lui demande: "Seigneur, nous ne savons pas où tu vas; comment pouvons-nous savoir le chemin?" Et Jésus de répondre dans un des passages les plus connus de la Bible: "Je suis le chemin, la vérité, et la vie".

La légende rapporte que, après la mort de Jésus, Thomas vécut une vie courageuse, propageant l'Évangile jusqu'aux Indes. Pourtant, il nous est surtout connu pour sa troisième manifestation et par l'épithète négative que celle-ci lui a valu - il devint Thomas l'incrédule de nos traditions. Au chapitre 20, Jésus ressuscité apparaît d'abord à Marie-Madeleine, puis à tous ses disciples sauf Thomas, alors absent. S'ensuit le célèbre récit.

Thomas appelé Didyme, l'un des douze, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. Les autres lui dirent donc: Nous avons vu le Seigneur! Mais Thomas leur dit: "Si je ne vois pas dans ses mains la marques des clous, et si je ne mets mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai pas". Jésus vint une semaine plus tard.

Jésus vint, les portes étant fermées, et se présenta au milieu d'eux et dit: la paix soit avec vous! puis il dit à Thomas: avance ici ton doigt et regarde mes mains; avance aussi ta main et mets-la dans mon côté; et ne sois pas incrédule mais crois! Thomas lui répondit: Mon Seigneur et mon Dieu!

Ce passage revêt une grande importance, c'est la première fois où l'un des disciples identifie Jésus comme Dieu. Jésus lui dit: Parce que tu m'as vu, tu as cru! Et Thomas se repent. Mais son doute est un signe de faiblesse, car la foi aurait dû lui faire connaître le vrai.

Je n'imagine pas d'énoncé plus étranger aux normes de la science et plus contraire à l'éthique que cette admonestation: "Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru!" Une attitude sceptique, doublée de l'exigence de preuves directes est le premier commandement de la procédure scientifique.

Pauvre Thomas l'incrédule! À l'instant décisif qui lui valut ce surnom, Thomas se comportait de façon admirable mais pas dans le magistère qu'il aurait fallu. Il adopte le principe fondamental de la science alors qu'il évoluait dans le magistère de la foi. Les deux magistères, entièrement différents mais également essentiels, se doivent de devenir indépendant.

Ce que j'aime ça!

Jean Daniel et les Juifs


Jean Daniel


Je continue de lire avec autant d'intérêt ce livre Miroirs d'une vie de Jean Daniel

Voici des extraits tirés de ce livre écrit par Salah Stétié

Jean Daniel natif d'Algérie, répondant de son nom originel arabe Bensaïd qui signifie le Fils de l'Heureux ou du bienheureux et qui vécut comme une partie de lui-même et de sa conscience la terrible guerre d'Algérie, terrain miné à mort et sur plusieurs niveaux: ce qui fit de lui l'irremplaçable journaliste qu'il est devenu. Un défricheur et un déchiffreur d'événements.

C'est sur un lit d'hôpital, d'une écriture étrangement mystique chez un non-croyant, éclairé cependant par un sens aigu du sacré: "Qu'est-ce qu'une vie que l'on n'est pas prêt à donner à chaque instant? Il faut aller à la vérité de toute son âme, "la liberté libre" comme dit Rimbaud."

Jean Daniel: "La puissance de l'entité israélo-américaine, au moment où les États-Unis en ont le monopole, protège sans doute les Juifs d'un nouveau génocide mais leur donne en même temps une mission morale mille fois plus impérative. Eux, plus que les autres. Et s'ils tiennent encore à être des élus, ils ont l'obligation absolue d'être des "témoins et des prêtres" en souvenir de leur passé de souffrance. La réparation d'un calvaire ne saurait en justifier un autre."

Jean Daniel pourrait poser une autre question d'ordre plus général - comme tel acteur royal semi-légendaire de cette terre martyrisée d'Irak, Gilgamesh. Gilgamesh s'adresse au ciel au bout de ses longues et difficiles pérégrinations: Je suis venu sur cette terre pour changer quelque chose, mais si vraiment cela n'est pas possible, pourquoi, mon Dieu, m'en avez-vous insufflé le désir inquiet?

Trois millénaires après, chacun attend toujours la réponse.

Gilgamesh, mon héros personnel, toujours en filigrane dans mes pensées et mes lectures... chaque référence fortuite me réjouit vraiment.

dimanche 1 septembre 2013

Jean Daniel et Abraham Serfaty, un homme immense, célèbre, admirable




Abraham Serfaty, le plus célèbre des opposants marocains au régime du roi Hassan II


Je lis Miroirs d'une vie écrit par Jean Daniel

L'Histoire de l'Algérie, c'est toujours une histoire d'ombre et de soleil. Du côté du soleil, j'ai découvert que tous les Marocains avaient lu les romans d'Edmond Amram El Maleh et qu'ils avaient trouvé une partie de l'âme de leur peuple, mais un grand nombre d'entre eux connaissaient aussi la prodigieuse histoire du militant Abraham Serfaty qui avait passé dix-sept ans de sa vie dans les geôles de Hassan II  et avait refusé les grâces qu'on lui avait offertes parce qu'il n'avait aucun pardon à demander et qu'il s'octroyait la liberté de défendre à la fois le Saharouis et les Palestiniens! Dans ces moments où la sagesse irrépressible des idées domine la folie meurtrière des passions, on retrouve les étroits chemins de la raison. Les Juifs arabes du Maroc sont de vrais patriotes et découragent tous les fanatiques.

Très vite, j'ai ressenti l'injustice profonde et insupportable dont les Algériens étaient les victimes, ils étaient considérés comme des étrangers dans leur propre pays! La France détenait une civilisation indépassable pour les Français. Bourguiba disait qu'il fallait "prendre aux Français ce qu'ils avaient de meilleur pour pouvoir être supérieurs  dans ce qu'ils avaient de pire".

Par ailleurs, Jacques Berque pensait "qu'il y avait entre les Français et les Algériens des liens qui ne pouvaient être rompus. Si on ouvrait les frontières maintenant, la moitié des jeunes Algériens viendraient en France."

La coexistence n'a jamais cessé de faire partie de mes espérances mais j'arrivais de moins en moins à y croire.

À la fin de son livre, Jean Daniel philosophe: "Le reproche que je fais souvent à Dieu, c'est de ne pas exister. Il n'y a que la Vie. Il ne faut pas chercher Dieu ailleurs que partout. Et, il y a le néant, le grand, le vaste, l'infini comme cette mer immense où l'on va disparaître gorgé de vie."

Un dernier message: "Non point s'indigner mais résister! Résister à tout ce qui est contraire à la Beauté, la seule valeur à mes yeux qui contient toutes les autres, c'est à dire, finalement, La Vie!" 

Il cite François Cheng: "La seule réponse à n'importe quelle question, c'est l'existence de la Beauté."

Je veux tout savoir sur Serfaty, les vrais héros ne sont pas nombreux. Et sur François Cheng aussi.

Je lis Miroirs d'une vie,  écrit par Jean Daniel

Jean Daniel et Camus



Albert Camus

Un jour, Camus a invité un très jeune homme à passer le voir. Il m'a choisi sans me connaître vraiment. Il revenait du désert algérien. Je ne me souvenais pas d'avoir connu un homme plus rayonnant. Il avait l'air amoureux. En fait, il était habité par son voyage. Ses mots étaient religieux. Il avait été visité et il revenait accompagné. Combien je l'ai aimé ce jour-là! Combien j'ai été heureux qu'il me confiât cette grâce! Camus a terminé le récit de cette transe par une anecdote.

Passant par Alger, il était allé voir la Baie de ses bonheurs, du haut de ce qu'on appelait le balcon Saint-Raphaël. Il y avait rencontré un très modeste Algérien, un homme entre deux âges, au visage grave, doux et marqué, et qui, l'apercevant, après avoir fini sa méditation devant le calme des Dieux, lui a dit: "Tu regardes, tu regardes comme si tu connaissais". - "C'est que je connais." a répondu Camus. L'Arabe l'a contemplé longuement, partagé entre le scepticisme et la sympathie. Puis il lui a accordé un sourire de bienvenue et de bénédiction. Camus racontait cela, comblé! "Cet Arabe et moi savions tout ce qu'il convient de savoir sur le monde" murmura-t-il pour conclure. Plus tard, j'ai compris ce qu'il voulait dire. L'Arabe et lui avaient plongé dans l'Océan primordial à la fois étranger et matriciel, une insertion dans le grand vide qui est aussi le grand tout et l'impression enivrante de faire partie du cosmos.

Tellement émouvant!


 Le balcon St-Raphaël. Alger



 Vue d'Alger du balcon Saint-Raphaël

Je lis Miroirs d'une vie de Jean Daniel


Pierre Lemay a écrit : « Ce matin j'avais pensé écrire ceci sur mon Facebook: "Vouloir lire Camus après avoir lu du Laferrière..." Je ne l'ai pas écrit car je me disais que ça n'intéresserait personne, mais j'aime bien le fait que l'idée soit survenue le même jour que ton texte sur Camus. »

« C’est que nous sommes liés mon cher Pierre, et j’en suis heureuse ».