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lundi 28 avril 2014

Marcel Barbeau, parmi les "grands"



Marcel Barbeau, signataire du Refus Global

Marcel Barbeau épouse une belle femme, Suzanne Meloche. Il aura deux enfants.  Usé par la misère quotidienne, sa relation avec sa femme se détériore rapidement. Trop longtemps absent du travail, il perd son emploi et, sa femme le quitte en lui laissant les enfants. Seul, sans travail, incapable de subvenir aux besoins des enfants, Barbeau voyait sa famille se dissoudre. Il se sentait dépassé, incapable de payer une pension alimentaire, il dut se résoudre à confier la garde de sa fille Manon à sa mère et ses soeurs, abandonnant à sa belle-famille la responsabilité de son fils, qui sera adopté à la condition que lui, le père, ne cherche jamais  à revoir son fils. Ses soeurs supportaient mal de voir ce frère, à qui on avait payé des études auxquelles elles n'avaient pas eu droit et, elles refusèrent de soutenir le père. Il sera écarté pendant plusieurs années des réunions familiales. L'art était désormais son unique raison de vivre.

La famille spirituelle se disloquait aussi. Marcelle Ferron avait rejoint Riopelle et Leduc en France. Borduas se préparait à partir pour New-York. Lorsqu'il buvait, Barbeau s'emportait, brisant les attaches qu'il conservait encore. C'est dans cet état d'exaspération et de désespoir qu'il rencontre Denise Delrue, un soir de vernissage. Sa galerie était devenue la grande galerie d'avant-garde de Montréal. Elle se rendit dans la chambre-atelier de l'artiste qui délicatement déroula ses tableaux comme d'inestimables trésors. Elle fut bouleversée par ces immenses espaces blancs envahis de masses noires, menaçantes. La galeriste fut convaincue d'avoir découvert un artiste exceptionnel. Elle arrivera à faire aimer l'art austère aux accents tragiques de Barbeau.



Un voyage stérile en France lui fit prendre conscience de son appartenance nord-américaine: grands espaces blancs inondés de soleil, semés de noirs corbeaux et de trains rouges. Il aima New-York et son effervescence intellectuelle et artistique. Il rencontra des artistes du monde entier. Ils formèrent un petit clan. Il réussissait à percer le mur de l'anonymat. Son contrat avec la Galerie du Siècle lui assurait maintenant une sécurité financière. Il vivait avec une veuve, Mary. Sa vie était mieux organisée. Il avait même commencé à tenir des archives de son oeuvre et sa carrière. Manon, sa fille, vint le voir, elle était belle, intelligente, sensible et raffinée. Mary était jalouse et tyrannique. Il liquida sa liaison et revint à Montréal. Mais, il n'arrivait pas à renouer avec le milieu artistique québécois comme si son absence avait été une trahison. Pourtant jamais son oeuvre n'avait paru aussi sereine. Peut-être ses quarante années de recherches avaient-elles été vaines? Il sombre dans la désespérance. Heureusement, les liens avec sa fille se solidifient et il développe avec ses petits-enfants une complicité jamais connue. Il recouvre alors l'émerveillement et la joie de créer.

Par delà ses doutes et sa versatilité, il comprend qu'il peut encore réinventer le monde. Et, finalement, Barbeau conquiert la scène artistique; la presse  couvre toutes ses activités au Canada comme à l'étranger. Il est de toutes les expositions. Il est reconnu parmi "les grands". Il vit désormais à Paris et il porte en lui la tranquille assurance de l'authenticité de sa démarche. Et voilà que la Ville de Paris lui offre un atelier et qu'un musée lui offre une rétrospective...


Aussi magnifique qu'un fractal!

En 2013, à l'âge de 88 ans, Marcel Barbeau reçoit le Prix Paul-Émile Borduas. Il a consacré 70 ans de sa vie aux arts visuels. Cette même année, il fut reçu à l'Académie royale des arts du Canada. Il est Officier de l'Ordre du Canada depuis 1995. Il reçut de nombreux autres prix et honneurs.


Marcel Barbeau, artiste indomptable, a réussi sa carrière!

Je lis Marcel Barbeau, le regard en fugue de Carolle Gagnon et Ninon Gauthier


dimanche 27 avril 2014

Marcel Barbeau et Borduas



Marcel Barbeau

Je lis Marcel Barbeau, le regard en fugue, de Carolle Gagnon et Ninon Gauthier

"Son doux regard d'oiseau blessé s'était animé et pétillait derrière sa barricade de verre. Emporté par sa parole, ses longues mains effilées s'échappaient légères, palpitantes, épousant du geste le rythme et les modulations de la phrase, puis se posant un instant, elles reprenaient aussitôt son envol. Avec sa blanche chevelure balayée du vent du large, son fin costume gris perle, Barbeau le flamboyant, était revenu à Montréal". (Ninon Gauthier)

Le jeune Barbeau allait trouver en Borduas, le modèle, le père exemplaire et bienveillant. Borduas lui révélait l'univers merveilleux de la création artistique. L'avenir s'ouvrait lumineux. Tout était permis, le rire, le cri, la passion et l'amour. Chaque visite à l'atelier de Borduas renforçait les liens avec son maître.

Barbeau avait conscience d'avoir découvert dans ses toutes dernières oeuvres, quelque chose de neuf, une façon de peindre qui n'était redevable ni aux Surréalistes, ni à Borduas, ni à ses confrères. Émerveillé de sa découverte, croyant contribuer ainsi au devenir de l'art, il invita Borduas et ses amis à son atelier. Soigneusement étalées, ses dernières oeuvres semblaient offertes comme des cadeaux précieux: cinquante peintures, le travail d'un an d'acharnement et de passion. Mais Borduas les avait toutes rejetées en bloc. "Ces tableaux manquaient de perspectives et d'équilibre! Ils n'étaient que des terres sauvagement labourées, un amalgames de signes et de traces malhabiles, etc..." On s'est moqué de lui, lui suggérant d'abandonner la peinture. Seul Gauvreau le défendit ardemment. Barbeau n'avait aucune formation académique, n'était jamais allé en Europe, il ne pouvait leur tenir tête pour défendre sa découverte. La joie intense qu'il avait ressenti fit place au désespoir le plus profond. Il détruisit ses toiles, les recouvrit d'une épaisse couche de peinture noire. Sombrant dans une profonde tristesse, le jeune homme mit la clé sur la porte de l'atelier pour plusieurs mois. Jamais il ne blâmera Borduas pour ce triste épisode.











Un jour, Jacques de Roussan m'a montré un petit "nu" dessiné par Borduas.  J'étais médusée. C'était dessiné d'une façon tellement malhabile, le corps de la femme était déjanté et déséquilibré. On aurait dit un dessin d'enfant bâclé. J'en ai conclu que Borduas était un grand peintre abstrait mais qu'il était un piètre dessinateur. 

Jacques me l'avait dit, je ne le croyais guère. Après quelque temps, je lui ai remis l'oeuvre, je ne pouvais vivre avec ce dessin laid sur mes murs. Il avait raison.