vendredi 21 décembre 2012

Je ne donnerai pas ma fille!

Un souvenir en appelle un autre. Frédérique-Anne me téléphonait souvent. Les préparatifs du mariage à l'américaine la stressaient beaucoup. Un jour, elle m'a dit: "Mom, lors de la cérémonie, le pasteur va te poser une question  parce que la tradition veut que le parent donne sa fille au mari."

- Quoi! Te donner!!!  Ma fille, je vais dire NON! Veux-tu m'expliquer par quel cheminement tordu j'en viendrais à accepter l'idée de donner ma fille? Je vais te garder toute ma vie. Ce pasteur pourrait changer sa formule médiévale, non? 
- Mom, mets ton féminisme de côté, c'est comme ça que ça se passe ici. Respecte leurs coutumes. Et arrête de me compliquer la vie! etc...
- Je répondrai NON. Il n'y a pas d'autres réponses possibles pour moi. Je ne te donnerai pas!

Elle était irritée, mon attitude la heurtait. 

J'ai décidé de relire  "Le prophète" de Kahlil Gibran. "Vos enfants ne sont pas vos enfants et bien que vous les ayez auprès de vous, ils ne vous appartiennent pas..." Allons donc, comment donner ce qui ne nous appartient pas?  Raison de plus, je demeurais inflexible.

Je crois que Frédérique-Anne est allée rencontrer le pasteur, un ami de longue date de la famille et  qu'elle  lui a peut-être parlé des résistances de sa mère face à cette question litigieuse car le jour venu, le fameux moment venu, simplement le pasteur m'a demandé si j'acceptais que cet homme-ci ... devienne l'époux de ma fille. Et j'ai dit OUI, évidemment! Ouf! 

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, dit l'adage ironiquement.

Une mère dansait avec sa fille


C'était le jour des noces de  Frédérique-Anne. L'orchestre entamait une valse et l'animateur a invité le père de la mariée à ouvrir le bal avec sa fille. Une irritation instantanée  et un vif sentiment d'incongruité m'ont envahie. Je les regardais danser, deux partenaires mal à l'aise. Cette enfant  avait vécu toute sa vie avec moi et voilà que ce père trop absent avait cet honneur. Mon ami Hugues essayait tant bien que mal de me faire entendre raison: "Ce n'est qu'une tradition etc, etc..." Je lui ai répondu: "Regarde-moi aller!"

Avec un coeur et un pas de guerrière, je me suis approchée de la piste de danse et mentalement j'ai crié: "Ma fille, regarde-moi!" Elle entendit l'appel et me regarda. Je lui ai fait un signe sans équivoque: c'était mon tour! Le père s'est retiré. Je me suis avancée très en avant sur la piste et j'ai ouvert mes bras. Elle s'est blottie, petite fille émue. Et  l'amour s'est déployé. Une telle vibration de tendresse émanait  de la mère et de sa fille qui dansaient doucement dans les bras l'une de l'autre que le silence se fit. Les nombreux invités s'approchaient  intrigués, puis émus.

Sur la dernière note de la valse,  j'ai salué Frédérique-Anne et dans un  élan d'amour j'ai croisé les mains sur mon coeur, je me suis inclinée et je lui ai dit merci! Un immense applaudissement se propagea sous la tente. L'époux s'approcha, prit la taille de sa femme et les couples se mirent à tourbillonner autour d'eux. Moment de perfection!

Dans le regard de mon grand ami, une étincelle  s'attardait. J'y ai vu du respect pour la femme qui avait fait fi d'une tradition séculaire, afin de vivre intensément le moment symbolique d'un "passage" intimement fragile, émouvant, riche de tout un passé et  porteur de toutes les espérances; et ça, sur un air de valse!

J'aime ce souvenir! 

lundi 10 décembre 2012

Loreena Mckennitt, une druidesse qui chante

Loreena Mckennitt

Pour la première fois de ma vie, j'ai vu une vraie druidesse. Sa longue chevelure irisée de roux éclaboussait la lumière dans tous les coins de la scène. Elle  dansait avec un minimum de mouvements, avec une grâce exquise. Sa voix pure comme le cristal montait si haut qu'elle nous acheminait tout doucement vers les chemins secrets des paradis celtiques.

Présentement, je lis : Les chants interdits, La fille qui chante. Le pacte qui unit l'homme à l'animal est rompu, la révolte des animaux commence. La vengeance des animaux sera à la hauteur des souffrances qu'ils ont subies. Dans le chaos qui s'annonce, Lorca, la fille qui chante, découvre en elle une puissante force magique quand sa voix monte mélodieusement ou dramatiquement  dans les aigus, elle est alors capable de neutraliser les bêtes désespérément vengeresses.

Dans mon imaginaire, je sais maintenant à qui ressemble Lorca. Et je connais maintenant le haut voltage de cette voix créant des fractals dans l'invisible, c'est celle de Loreena Mckennitt, fabuleuse druidesse qui chante!

Merci de tout coeur Carmen , pour ce beau cadeau!

Les chants interdits, La fille qui chante, de P.B. Chercot


dimanche 2 décembre 2012

Léonard Cohen, sublime chaman...




Le Centre Bell est un haut lieu du hockey et de la testostérone. Ce soir-là, le stade s'est métamorphosé en une cathédrale où 12 000 personnes s'abreuvaient à l'eau vive de Léonard Cohen. Parfois, les éclairages projetaient sur l'immense rideau de scène les ombres des musiciens qui devenaient des statues géantes, gothiques. Ce n'était pas un homme qui chantait des chansons, c'était au-delà du visible son intérieur qui chantait. (Mimi) et je ne sais par quel miracle... nous entendions!

Un prince plein de grâce s'agenouillait et dans un silence profond, la foule se recueillait devant l'orant. La musique est guérissante, on le sait. Un fluide spirituel intense, palpable nous baignait et  comme avec un papier-collé, j'y ai glissé en bloc, le nom de tous ceux que j'aime. Mon âme et mon coeur prenaient de l'ampleur. Ma soeur Mimi et moi étions  au même diapason, vibrant ensemble  dans un maelstrom d'émotions poétiques.


Puis, le dernier adieu devant une foule debout avec cette si jolie métaphore: Good bye, Darling! Est-ce que je vous ai satisfaite?



Merci mes enfants, pour ce sublime cadeau de Noël. Inoubliable!