jeudi 29 mai 2014

Henry Miller, coïncidence de vie étrange...


Henry Miller

Henry Miller raconte:

C'est une coïncidence étrange, mais à l'époque précisément où j'entendis pour la première fois parler des mystères de l'Égypte, de l'éblouissante civilisation de la Crète, des sanglantes annales de la famille des Atrides, au moment où j'étais bouleversé par mes premiers contacts avec des thèmes comme la réincarnation, le Saint-Graal, la résurrection, l'immortalité, les enseignements de madame Blavatsky, la Vie des Maîtres, la recherche de Troie par Schlieman, tous ces prétendus mythes, toutes ces soi-disant légendes et supertitions commençaient à prendre une certaine consistance dans les faits.

Ça me fait un drôle d'effet de réaliser que Miller en son temps faisait le même parcours spirituel que le mien en mon temps. Étrangement émouvant!

Le lis Les livres de ma vie de Henry Miller. Et les premiers livres dont il parle ce sont ceux de Blaise Cendrars... La roue tourne...

mercredi 28 mai 2014

Henry de Monfreid, l'aventurier fabuleux



Henry de Monfreid 1879-1974



Henry de Monfreid sur la Mer Rouge

De Henry de Monfreid, l'image qui surplombe toutes les autres, est celle d'un homme au corps sec, au torse dénudé et tanné par le soleil, aux yeux vifs et au visage émacié, les cheveux encerclés d'un turban oriental qu'adoptent les marins des mers du Sud. Ces mers, Henry de Monfreid les a parcourues à bord d'équipages locaux et bigarrés, pour y faire commerce de perles et trafic de haschich, et de morphine même, y croiser des pirates, esclaves et eunuques et surtout y puiser la matière de la considérable oeuvre romanesque qu'il a laissé à tous ses lecteurs affamés d'aventures.

Depuis sa propriété de l'Indre, celui qui s'est rebaptisé Abd-el-Haï, "l'esclave du vivant" n'a cessé d'entretenir le souvenir sulfureux et magique de ses pérégrinations. Le lecteur est propulsé au coeur de terres peuplées de crabes géants et de cimetières d'éléphants.  "Le hasard - Dieu pourrait-on dire! - m'a mis à même de me révéler alors que je m'ignorais. Pour moi, cette aventure, ça été le désir de me sentir un homme. J'ai toujours eu une sorte de honte à appartenir à un troupeau où je n'étais rien. J'ai voulu me lancer vers des pays lointains. J'ai toujours eu dans ma vie de terribles aventures parce que j'ai entrepris des tâches qui étaient au-dessus de mes forces.

J'ai décidé de quitter l'Europe et je suis parti à Djibouti, en Afrique, parce qu'un de mes amis m'avait offert une place de commis pour acheter du cuir et du café, mais j'avais la hantise des petits voiliers que je voyais mouiller dans la rade. On savait qu'ils achetaient des armes pour les porter dans des pays où personne n'était allé. Et je me suis mis dans la tête d'y aller. Seulement il fallait être accepté, gagner leur confiance. Les Européens étaient tellement méprisants! Révolté par le mode de vie colonial, je me suis fait musulman, je me suis fait circoncire, je me suis presque habillé comme eux. J'ai acheté un petit bateau et je suis parti avec trois hommes de la mer Rouge pour vendre une douzaine de fusils que j'avais achetés. Peu à peu, j'ai fini par m'infiltrer dans leur milieu, j'ai appris leur langue et en plus difficile, il me fallait vivre pieds nus. Il y a une vieille légende qui raconte que des gens ont mis des clous aux pieds de leur Dieu et depuis, paraît-il, en punition du Ciel, ils ne peuvent plus marcher, il leur faut des chaussures particulières.

Je ne songeais pas du tout à écrire mais lors de ma rencontre avec Joseph Kessel  celui-ci m'a poussé à décrire ces pays étranges où personne n'était jamais allé. Alors j'ai pris des notes, j'ai fait des journaux de bord, ce sont de véritables petits livres que j'ai accumulés. Celui qui lira cela plus tard revivra un peu ce que j'ai vécu. Son cerveau vibrera comme a vibré le mien. C'est une manière d'immortalité au fond. Je me souviens de cette prière de mon ami Teilhard de Chardin: "Mon Dieu, donnez-moi d'entendre toujours et de faire entendre aux autres l'immense musique des choses".



Monfreid meurt en France à l'âge de 95 ans

Son premier ouvrage Les mystères de la Mer Rouge rencontre un succès immédiat. Il écrira soixante-quinze livres, traduit en plusieurs langues. Il deviendra un écrivain célèbre, un des grands écrivains aventuriers du XXe siècle. Il fut un ami de Gauguin, de Teilhard de Chardin et l'abbé Breuil, deux célèbres paléontologues et archéologues. En 1926, il participe à l'assassinat de l'homme qui l'avait trahi, Joseph Heybou. Il fit un bref séjour en prison. À quarante-quatre ans, il vend à l'Égypte douze tonnes de haschich à la barbe des Anglais. Il investit la somme dans une usine électrique et une minoterie.

Joseph Kessel fasciné par le personnage de Henry de Monfreid a écrit Fortune carrée. Ce roman met en scène un aventurier inspiré de Henry de Monfreid, celui-là même qui accompagna Kessel dans sa mission d'enquête sur le trafic des esclaves en mer Rouge.

Hergé aurait dessiné sous les traits de Henry de Monfreid le capitaine qui sauve  Tintin et Milou de la noyade en Mer Rouge dans Les cigares du Pharaons.


Je lis  Les grandes Heures. Les entretiens ont été réalisés par Paul Guimard

lundi 26 mai 2014

Kessel parle de Félix Youssoupov, l'homme qui tua Raspoutine



L'homme qui tua Raspoutine


 Félix Youssoupov 1887-1967


Kessel  raconte:

Le prince Youssoupov vit encore à Paris. Il est un homme extraordinaire par son ascendance, il descend des Tartares qui ont envahi la Russie, et surtout parce qu'il est entré dans l'histoire par le meurtre de Raspoutine. Je suis allé le voir à l'occasion d'un roman que j'écrivais alors sur la Russie des Tsars, qui s'appelait Les rois aveugles pour le questionner la-dessus. J'ai vu derrière une table un homme qui était d'une beauté admirable, vraiment une figure de Léonard de Vinci. Il avait une singularité: ses mains étaient disproportionnées, c'étaient des mains épaisses, matérielles, pesantes dans un corps qui semblait être celui d'un archange. Tout le monde connaît historiquement les détails du meurtre mais ce qui m'a le plus frappé, c'est qu'il parlait de Raspoutine avec tendresse, une espèce d'amitié étonnante. Il m'a dit: " Je suis un mystique, je suis persuadé qu'en tuant Raspoutine, je l'ai délivré de ses démons. Ce sont ses démons qui ont fait la Révolution russe, car il faut se souvenir qu'il avait dit que sa mort entraînerait la fin de l'Empire russe. Et la révolution a éclaté un mois après sa mort. Les démons qui habitaient Raspoutine ont fait la révolution mais depuis, lui, libéré, exorcisé, est devenu mon ange gardien. Jamais je n'ai aussi bien dormi que depuis sa mort, car j'ai l'impression qu'il me protège".

"Derrière la grande histoire, il y a des hommes et j'aime les hommes".

Kessel est élu à L'Académie française. Il a fait orner son épée d'une étoile de David. Il est mort en 1979.

Je lis Les Grandes Heures, entretiens réalisés par Paul Guimard

Kessel parle de St-Exupéry et Mermoz



Joseph Kessel


Kessel fut un pilote du premier voyage commercial fait en avion. C'étaient les débuts de l'Aéropostale. Kessell répond aux questions de Paul Guimard.

On ne pouvait pas faire d'étape plus longue que deux cents à trois cents kilomètres. C'étaient des avions qui venaient directement des stocks de guerre; j'avais pris place dans un Spad. Une place pour le pilote l'autre pour un seul passager; il était à ciel ouvert, un seul moteur, pas très sûr, et aucun autre moyen de navigation que la boussole. Les conditions de vol étaient telles qu'on en reste effaré aujourd'hui.

St-Exupéry et Mermoz ont été deux de mes meilleurs amis. Ce sont sans doute les noms les plus fameux de l'Aéropostale.  Ils savaient ce qu'ils représentaient aux yeux du public et ils savaient aussi qu'au fond il y avait d'autres pilotes qui les valaient. La chance a fait qu'ils ont vécu plus longtemps que les autres, ils étaient des étoiles: Mermoz, par sa beauté physique, par cet espèce d'acharnement qu'il avait pour le métier du vol, par son amour des grandes choses et St-Exupéry, lui, était déjà fameux pas du tout par son talent d'écrivain, il n'avait encore rien publié quand je suis passé sur la Ligne, il volait, allait faire des reconnaissances autour, dans un avion qu'on lui avait confié, toujours habillé de sa gandoura. Il était à ce moment-là chef de l'aérogare du Cap Juby qui était un pénitencier espagnol en plein Sahara.  Habillé de sa gandoura, il allait se poser dans le désert et il fumait sa pipe, rêveur. St-Exupéry avait inventé pour faire des dépannages ce que jamais les Arabes n'auraient fait: se servir du chameau comme d'un animal de trait; il avait réussi à construire une charrette à deux roues que le chameau traînait à travers le désert. Un jour, il sera un grand écrivain...

Mermoz avait déjà une légende. Comme aviateur militaire, il était resté quatre jours dans le désert syrien. Il avait marché quatre jours et quatre nuits puis captif d'une tribu insoumise du Maroc. Quand je suis passé sur la Ligne, il n'était plus en Afrique. Je ne devais le connaître que plus tard. Quand nous avons appris avec horreur et avec le plus grand des chagrins que Jean Mermoz, le grand Mermoz avait disparu, j'ai aussitôt pensé à écrire sa vie car c'était un projet que nous avions plus d'une fois caressé ensemble.


La route du ciel l'attirait comme un aimant

Je lis Les Grandes Heures, confidences captées pour Radio-France par Paul Guimard. C'est passionnant de voir le destin de tous ces héros qui s'entrecroisaient. Et...qui s'aimaient.

Guy m'a longuement  parlé du livre Les Cavaliers, pour lui, c'est le plus beau des livres. Je pars à la recherche de ce livre. Kessel a écrit quatre-vingts livres! Incroyable! Son livre, La Promesse de l'Aube vient d'être publié en format de luxe avec photos etc... J'ai fait une commande à la Bibliothèque.

samedi 24 mai 2014

Joseph Kessel, le fabuleux nomade



Joseph Kessel 1898-1979

L'engagement militaire en mission, à titre de journaliste, Joseph Kessel effectue un tour du monde à vingt-et-un ans. Il prend part, lors d'un reportage sur la sanglante guerre civile d'Irlande, à certaines actions de rébellion. Il deviendra un grand reporter. Né en Argentine, de parents juifs russes, débarqué à Paris à huit ans à peine, Kessel a le nomadisme inscrit dans son code génétique. De son identité multiple, de ses blessures personnelles, de l'épreuve de l'antisémitisme, le colosse puise sa force dans son humanisme et son insatiable curiosité pour "l'autre". Arpentant le monde, fasciné par l'histoire immédiate, il cherche la matière première de ses 80 romans. Doué pour le drame des vies et le pittoresque des existences, il est élu en 1962 à l'Académie française. La France hisse à la tête de son élite intellectuelle, un émigré, un Juif d'Europe orientale.

Joseph Kessel répond aux questions de Paul Guimard:

La France était, nous le croyions, le pays le plus fort du monde; on s'est aperçu par la suite qu'il n'en était rien mais la France était le pays le plus prestigieux du monde. Je me suis engagé comme volontaire pour constituer une escadrille en Extrême-Orient, c'est à dire en Sibérie. Nous sommes partis sur un transport militaire américain. Nous étions les premiers soldats à arriver d'Europe après la victoire. Une foule énorme nous attendait, des confettis pleuvaient des fenêtres, les fanfares jouaient. Dans chaque grande ville, c'était la même chose. On était pris en charge tout de suite par les gens affolés d'enthousiasme et d'amour pour qui le mot France représentait ce qu'il y avait de plus beau dans l'univers. C'était si puissant que dans les petites villes, des gens se couchaient sur les rails pour arrêter le train, pour nous combler de cigarettes, d'alcool etc... Nous avons vu des hommes, dans l'exaltation d'une boîte de nuit et de l'alcool, nous laisser leur femme parce qu'ils se sentaient honorés de participer à la joie française. Nous étions jeunes, j'avais vingt-cinq ans, et nous étions aptes à profiter de tout ça. À Honolulu, nous fûmes reçus dans un cadre féérique, avec les vahinés, les danses, les bateaux à fond transparent où l'on voyait toute la faune aquatique et la flore. Puis le Japon, puis l'Irlande. Le directeur du journal  La Liberté m'engagea pour faire un reportage sur la guerre en Irlande. Je devins reporter.

Je lis Les Grandes Heures.  Pour Joseph Kessel,  les entretiens furent menés par Paul Guimard


Je n'en reviens pas:  Ça me fait penser à l'hospitalité de l'Ancien Testament, au temps d'Abraham. 


Cendrars parle des prisons



Blaise Cendrars

Le Brésil ne connaît pas la peine de mort. Un Blanc brésilien-Hollandais était condamné à la prison à vie. Il était chef de gare et il avait ouvert la poitrine de son rival d'un coup de couteau pour lui arracher le coeur et le dévorer cru, à pleines dents! Il y avait déjà vingt-cinq ans qu'il était enfermé. Il allait au bout de son acte sans se plaindre. Quand je suis venu le voir, je lui ai demandé: "Dites, si l'on vous relâchait aujourd'hui, est-ce que vous recommenceriez? - Je recommencerais! m'a-t-il répondu avec un sourire de délectation morose.

Jusqu'à ce jour, je croyais que les prisons servaient à quelque chose. Par cette réponse, la preuve est faite qu'elles ne servent à rien du tout, on peut donc les démolir tranquillement. Il n'y a que l'âme de l'homme qui compte. Les fers et les murs sont de la frime.

Je lis Les Grandes Heures. Les entretiens avec Cendrars ont été réalisés par Michel Manoll  

vendredi 23 mai 2014

Cendrars parle de Modigliani



Amedeo  Modigliani

Cendrars raconte:

Modigliani était pauvre. Il venait m'emprunter trois sous pour prendre le métro qui le menait à Montparnasse. Comme je ne les avais pas, je les empruntais à madame Lafleur, la concierge. Picasso, notre voisin disait que seul Modigliani savait s'habiller. Je crois qu'il a été la première personne à porter des chemises de toile quadrillée bleu et blanc. Il disait que c'était la mode en Italie. Son exemplaire de Dante ne le quittait jamais. Il faisait valoir les vers de Dante et leur harmonie, au point qu'il semblait que c'était lui qui les avait faits.

Modigliani était un assez petit homme, aux cheveux bouclés. Il était beau. Son rire était bref, amer, éclatant et pourtant enfantin. Il était raide, tout d'une pièce, violent d'une manière inattendue à cause de son apparente douceur, sentimental malgré sa raideur et ses indignations. Galant avec les femmes il était quand même capable d'une cruauté soudaine. Très gentilhomme, il aimait la politesse. Il était très don Juan. Je l'ai toujours connu avec des femmes de tous genres, très, très belles. Son ivrognerie était célèbre. J'ai beaucoup bu avec Modigliani. On faisait des partouzes d'ivrognes vertigineuses. Comment n'y ai-je pas laissé ma santé et la raison?

J'ai connu Modi après la guerre de 14, et nous étions bien misérables l'un et l'autre. À son arrivée, il était riche. Il avait touché la succession de son père. C'était un jeune Italien, très élégant avec un veston cousu main. Je l'ai connu riche Modigliani. Je l'ai connu pauvre Modigliani. C'était uniquement un artiste et un poète, il ne pensait qu'à l'art.

J'aimerais bien raconter sa mort et ses funérailles, c'est une histoire atroce mais typique de la bohème de Montparnasse. Sa mort, c'est même l'enterrement des Montparnos, la fin.

Je lis Les Grandes Heures, entretiens  avec Cendrars dirigés par Michel Manoll



Cendrars parle de Rimbaud



Blaise Cendrars

Les peintres n'ont pas encore découvert Rimbaud. Connaissez-vous un bon illustrateur des Illuminations de Rimbaud? Rimbaud est parti et il s'est tu. Regardez ce coin de table de Fantin-Latour, ce beau gosse qui est là, accoudé et qui se ronge les ongles d'impatience tellement il a envie de foutre le camp et de leur dire MERDE, à tous ces messieurs. Tout Paris l'avait pris pour un jeune dévoyé, une tapette. Ce scandale!


Les deux premiers personnages assis sont Verlaine et Rimbaud. Albert Mérat qui ne souhaitait pas être représenté avec les sulfureux Verlaine et Rimbaud fut, dit-on, remplacé par un bouquet de fleurs.

Blaise Cendrars parle de Picasso





Blaise Cendrars, le bourlingueur


Je suis en synchronicité totale avec Blaise Cendrars. Après avoir lu L'Album de sa vie (j'en ai fait trois blogues récemment), voilà que je lis Les grandes Heures, entretiens radiophoniques  diffusés sur Radio France. La collection a pour vocation de pérenniser les artistes, cinéastes, écrivains et intellectuels qui ont marqué le XXe siècle. Et parmi ces entretiens mythiques, il y a une rencontre avec Blaise Cendrars, le cavaleur sublime. La bibliothèque ne possède aucun livre de Blaise Cendrars, et après recherche par le biais des prêts interbibliothèques du Québec,  on en a repéré seulement deux. J'ai finalement trouvé le beau livre L'OR de Cendrars dans une petite boutique de livres usagés. Et je l'ai lu d'une traite. C'est décevant quand même! Deux Cendrars dans tout le Québec, dont l'Album que je viens de lire. Cendrars c'est un conteur, il parle de Picasso, de Modigliani, de Rimbaud... c'est toujours juteux.

Cendrars parle de Picasso:

J'ai toujours prétendu qu'un garçon comme Picasso, qui passe pour être le père du cubisme, et d'une façon générale tous les peintres de cette époque sont de cinquante ans en retard sur ce que produisent les poètes. Un garçon comme Picasso illustre merveilleusement Mallarmé. Il se croît à l'avant-garde du monde d'aujourd'hui mais il n'a pas la moindre idée de ce que peut être la poésie moderne. Les peintres n'ont pas encore atteint la vision de Rimbaud. C'est pourquoi je dis qu'ils sont en retard. Quand Picasso chiffonne les choses, quand il chiffonne un visage, eh bien, il travaille pour la mode, il ne travaille pas du tout pour la modernité et encore moins pour la vie. Son succès, son influence universelle, son triomphe même, prouvent qu'il n'est pas un maître, sinon comment expliquer que tous les snobs de la Côte d'Azur se soient trouvés soudain initiés et comme touchés par la grâce des dieux du cubisme?  On n'a jamais peint plus laid. Ah non! Picasso n'est pas un précurseur. C'est le bâtard de l'académisme. Son père était conservateur de musée. Il lutte avec son père, pas avec l'ange!





 Enfin quelqu'un le pense et le dit! "On a jamais fait plus laid!"

Je lis Les Grandes Heures, entretiens réalisés par Michel Manoll avec Blaise Cendrars

jeudi 15 mai 2014

Henry Miller, le romancier sulfureux....



Henry Miller, 1891-1980

Henry Miller répond aux questions de Georges Belmont:


À l'adolescence, j'adressais à Dieu cette prière: "Dieu, faites de moi un écrivain."

J'étais arrogant, je méprisais les autres, je voulais changer le monde. Mais en écrivant j'ai changé mes idées. Aujourd'hui, je n'ai aucune idée de changer le monde et quand je suis serein, bien avec moi-même, calme, tranquille, je me dis: peut-être après tout que le monde est bien comme il est. J'ai accepté la condition humaine, pour ainsi dire. J'espère que c'est par sagesse que je dis cela. C'est une grande faute de vouloir changer le monde.

L'ennemi est dedans, il ne vient pas du dehors. J'ai bien compris ça. Je suis mon propre ennemi. Aussi, c'est très important d'accepter l'autre qui n'est pas avec vous. C'est pourquoi j'aime tellement saint François d'Assise... parce qu'il acceptait tout, même les athées. Il a fait mieux que Jésus à mon avis, dans un sens.

Je ne parle que de mes amours sexuelles. Le vrai amour, le grand amour, je n'en parle pas. Peut-être un peu pour ce qui est de Mona. Il y a des femmes dont je ne fais pas du tout mention dans mes livres. Je ne le veux pas. Il y a là quelque chose de sacré. Les liaisons, c'est autre chose. Et puis, aussi, j'aime bien me présenter plutôt sous the evil side, le côté méchant. Le diable au lieu de l'ange.

Je n'aime aucune religion, je n'en accepte aucune. Pour moi toutes les religions sont des idioties, elles sont mauvaises pour l'homme. En même temps, je crois en une chose, qui ressemble à une religion: je crois à une vie entre moi-même et Dieu, à un lien avec le cosmos; je crois à une intelligence suprême et que nous ne  pénétrerons jamais le mystère de la vie. Il faut l'accepter.

William Blake dit: "Les tigres de la colère sont plus sages que les chevaux du savoir". Si l'on suit le coeur, il y aura des conflits de passion certes, mais peu importe, c'est beaucoup mieux que de mener une vie dans la tête, par la raison, la logique etc... C'est idiot de penser qu'on puisse arriver à la perfection sans vivre des conflits. C'est la vie morte. C'est pourquoi on n'aime pas le paradis, on choisit toujours l'enfer! William Blake a écrit: "C'est par l'enfer qu'on arrive au paradis". Je ne peux pas m'imaginer une vie de paradis.

Je crois que dans toute l'histoire de l'homme, celui-ci n'a jamais commencé à vivre comme un homme. Il lui faudra un grand choc pour devenir un homme et surmonter cette condition dans laquelle il vit maintenant et depuis des siècles. Il lui faut un grand psychanalyste.


Anaïs Nin

En 1970, la radio française diffuse la voix d'un auteur les plus décisifs du XXe siècle: Henry Miller. Gosse des trottoirs de New-York, autodidacte contestataire, Miller abandonne très vite la sécurité pour se consacrer entièrement à l'écriture. Il débarque à Paris où il mène une vie de vagabond, sans toit ni pain, puis de bohème hédoniste et sulfureux, dans le sillage d'Anaïs Nin. De ces 10 années vécues à Paris entre 1930 et 1940, Miller conserve une connaissance quasi parfaite de la langue française. Il est toujours resté en contact avec son ami Blaise Cendrars pour lequel il avait une immense admiration. Il accorde une grande place aux remous des passions.

En 1961, la censure contre ses livres Les  Tropiques et la Crucifixion est levée. Ses livres étaient catalogués pornographiques. En 1973, sa santé se détériore, il perd progressivement l'usage de son oeil droit. Il meurt en 1980.

Extraits du livre les  Grandes Heures, entretiens menés par Georges Belmont


lundi 12 mai 2014

Romain Gary et les éléphants


Au début du XXe siècle , il y avait un million d'éléphants. Aujourd'hui, on en compte sept mille. Ils sont en voie de disparition. Le Devoir en parle comme  d'une véritable tragédie. Je me suis souvenue que j'avais transcrit des extraits magnifiques portant sur les éléphants en lisant Les racines du ciel. Je l'écris à nouveau:

 
Je lis Les racines du ciel qui valut à Romain Gary son premier Prix Goncourt.

"Il n'est pas possible de surprendre les grands troupeaux d'éléphants en train de courir à travers les vastes espaces de l'Afrique sans faire aussitôt le serment de tout tenter pour perpétuer la présence parmi nous de cette splendeur naturelle dont la vue fera toujours sourire d'allégresse tout homme digne de ce nom. Le temps de l'orgueil est fini, nous devons nous tourner avec beaucoup plus d'humilité et de compréhension envers les autres espèces animales, différentes mais non inférieures. L'homme en est venu au point, sur cette planète, où il a vraiment besoin de toute l'amitié qu'il peut trouver, et dans sa solitude il a besoin de tous les éléphants, de tous les chiens, de tous les oiseaux... Il est temps de protéger cette liberté géante, maladroite et magnifique, qui vit encore à nos côtés."

Trente milles éléphants étaient abattus par année, en Afrique, au moment où Gary écrivait ces lignes par la voix désespérée du beau personnage de Morel. Des éléphants tombés dans des pièges agonisaient souvent, empalés sur des pieux pendant des jours et des jours. Des milliers de tonnes d'ivoire étaient vendues chaque année à Hong-Kong. Romain Gary serait content de savoir que maintenant, les éléphants sont une espèce protégée... Cet homme de qualité qui a si mal réussi à se protéger lui-même...

J'ai transcrit un deuxième extrait encore plus émouvant. En 2011. Voici le lien:

http://githibault.blogspot.ca/2011/01/les-elephants-et-romain-gary.html

dimanche 11 mai 2014

Les Cowboys Fringants, les Trois Accords, Louis-José Houde...





La violoniste, une furie ardente (Cowboys Fringants)



Louis-Josée Houde un humoriste adorablement fou, fou, fou...


Les Trois Accords, rockeurs de Drummondville. Saskatchewan, chanson fétiche, a fait craquer la foule


Les Cowboys Fringants ont créé une fondation et ont mis leur musique au service de l'environnement et la conservation du patrimoine naturel. Ils ont pensé aux arbres. La vente des billets pour ce spectacle "Un arbre pour tous" servira à planter des arbres dans la région du Grand Montréal. David Suzuki et sa fondation supporte cette initiative caritative. 

Que la fête soit! Et la fête fut! Le spectacle était magistralement festif. J'ai éprouvé un grand plaisir à voir Dominicke et ses filles, Alice et Rosalie, chanter avec autant de ferveur. Ils connaissent toutes les paroles par coeur. J'ai eu une montée de reconnaissance envers Marie-Héllène qui nous a suggéré ce projet familial réjouissant. Nous étions dix et cela multipliait notre bonheur. Dix parmi 12 000 personnes. Notre énergie s'est propagée dans la foule nous unissant tous dans une allégresse formidable. 

Je me suis sentie  émue et reconnaissante aussi,  envers Dominicke, qui nous a chanté si souvent ces chansons à la guitare, souvent accompagné de Rosalie, au violon. Je me rappelais cette si belle chanson Les étoiles filantes qu'il avait chantée lors de la cérémonie du baptême de bébé Michelle. Émouvant souvenir! Tous les gens ou à peu près ont allumé leur cellulaire, des milliers de points lumineux qui dansaient ... c'était une féérie prodigieuse, à défaut d'une vraie étoile filante dans la voûte du Centre Bell! J'aurais bien vu le beau Pierre jouer de la basse avec eux! Moi, j'ai dansé tout le temps avec une joie peu commune. Mon corps se délestait de bien des tensions. J'accueillais cette joie qui montait ... c'était un hommage vibrant à l'importance de vivre consciemment le bonheur!


En attendant le spectacle, Pierre, Gi, Danielle, la soeur de Pierre, Stéphanie, Joé et Marie-Héllène, nous rigolions. Nous étions fébrilement de bonne humeur.

Merci la vie!

vendredi 9 mai 2014

Romain Gary, un vivant magnifique



Romain Gary (1914-1980)

Un désespoir lumineux, presque joyeux qui est peut-être un fragment de réponse à la question que posa son geste définitif: il se suicida d'une balle dans la gorge.

Gary fut couronné par le prix Goncourt en 1965 pour Les Racines du ciel. Et un deuxième prix Goncourt en 1975 par l'imaginaire Émile Ajar pour Une vie devant soi. La "mystification Ajar" ne sera découverte qu'après la mort de l'écrivain. Il demeure le seul à avoir gagner deux prix Goncourt.

Romain Gary est né en 1914, en Lituanie, de parents juifs, dans les steppes de la Russie centrale. Sa langue maternelle est le russe mais sa mère était une francophile enragée, "Ma mère commença à me donner des cours de français en Russie. Elle parlait couramment cette langue et son rêve était d'aller vivre en France. Après un temps d'arrêt en Pologne, on se fixa à Nice. Toute cette vie de gosse sur la Côte d'Azur... j'ai eu une enfance financièrement difficile mais si je puis dire, merveilleuse." 


Il répond aux questions d'André Bourin:

Je ne pense jamais à moi-même. Je suis égoïste et probablement égocentrique. Je pense beaucoup à mes désirs, à mes aspirations, à ce que je veux, mais il ne m'arrive jamais de m'analyser. Je n'ai jamais réfléchi à ce que je suis.

L'humour n'est pas une arme française. L'humour est l'arme des faibles et des vaincus. C'est une arme qu'on emploie quand on est désarmé. C'est pourquoi l'humour juif a été tellement développé: c'est une façon de tenir l'ennemi à l'écart par la plaisanterie qui donne un sentiment de supériorité provisoire. Les Français ayant toujours été un peuple d'élite, sûr de lui, dominateur, ils n'ont jamais eu besoin de recourir à l'arme de l'humour. Vous remarquerez que c'est sous l'Occupation que sont nés la plupart des mots d'humour que nous connaissons encore maintenant.

La seule chose que je voudrais pour mon fils, c'est qu'il soit amoureux de la vie. Qu'il ait un rapport très fort avec la vie. Parce que si un homme aime vraiment les arbres, si un homme aime vraiment la mer ou si un homme aime quoi que ce soit, il est sauvé. Ce qui me frappe beaucoup de la jeunesse d'aujourd'hui, c'est qu'ils n'aiment pas la vie. En Amérique, le triomphe de la drogue indique un dégoût de la vie, même de la sexualité - qui est pour moi une chose extraordinaire, merveilleuse, féconde, une aventure sans fin - Les jeunes sont absolument indispensables, c'est un aiguillon dans le rein de l'humanité, de la société qui est irremplaçable.


Romain Gary épouse Jean Seberg, une actrice-icône de la Nouvelle Vague. Ils auront un fils, Alexandre Diego. Ils  divorceront et quelques années plus tard, Jean Seberg se suicidera. À son tour, un an après, Romain Gary se suicide. Dans la lettre qu'il laissa, il écrivit: aucun rapport avec Jean Seberg.


Jean Seberg

Avec un passé de résistant, un passage dans la diplomatie, un saut dans le cinéma, et une réputation d'homme à femmes, Romain Gary, né en mai 1914, aurait eu cent ans, ce 8 mai.

"La vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais".


Je lis Les Grandes Heures.  Entretiens réalisés par André Bourin

La réflexion sur l'humour des peuples me parle crument. Peuple québécois, champion dans l'humour/ peuple vaincu incapable de conquérir son indépendance...

Jacqueline de Romilly, deuxième femme "Immortelle"




Jacqueline de Rumilly  (1913-2010)

Jacqueline fut exclue de l'université à cause de ses origines juives pendant le régime de Vichy. Elle eut donc une conscience aiguë du mal que peuvent faire les ségrégations de toutes sortes. Elle fut élevée par une mère aimante mais désargentée; celle-ci lui offrit pour ses quatorze ans, une exemplaire relié de l'oeuvre de l'historien athénien Thucydide. L'adolescente a un coup de foudre. La relation de Jacqueline à la pensée antique devient si forte qu'elle lui fera dire un jour: "Nul n'ignore plus que Thucydide  est l'homme de ma vie". 

Jusqu'à sa mort en 2010, elle entretiendra avec le texte un rapport quotidien presque charnel. Ébranlée par l'apparition de sa cécité, elle ne sera  jamais vaincue car la traductrice de Thucydide croit au témoignage précieux  "de la pensée de quelqu'un d'autre". Débattre de la pensée grecque, c'est donc le meilleur garant de la communauté. Voilà l'obsession de cette femme qui a passé sa vie à donner son amour de la Grèce en legs à ses innombrables descendants par vocation: ses élèves. Elle fut la première femme professeure  à enseigner au Collège de France, elle y occupa la chaire de la Grèce antique. Elle fut à l'origine d'une campagne de levée de fonds soutenue par l'Unesco, destinée à reboiser les  forêts grecques dévastées par le terrible incendie de l'été 2007.  Elle reçut la nationalité hellénique en 1985.

Elle est entrée à l'Académie française en 1989, deuxième femme à y être reçue. La première on le sait, fut Marguerite Yourcenar.

Thucydide était un historien du Ve siècle avant notre ère. Jacqueline a travaillé sur Thucydide toute sa vie. Elle a traduit toute l'oeuvre de l'historien en huit volumes. "À chaque moment, j'étais dans l'émerveillement". Ses travaux lui donneront une renommée internationale.

Elle disait: "Avoir été juive sous l'Occupation, finir seule, presque aveugle, sans enfants et sans famille, est-ce vraiment sensationnel? Mais ma vie de professeur a été, d'un bout à l'autre, celle que je souhaitais". Jacqueline de Rumilly, cette femme remarquable, est morte à l'âge de quatre-vingt-dix-neuf ans, et enterrée au cimetière du Montparnasse.

Je lis Les Grandes Heures", entretiens réalisés par Pascale Lismonde et diffusés en France en 2000.

mercredi 7 mai 2014

La fête du printemps



Jeannie, la belle "viveuse"

J'ai simplifié la vie de mes enfants. Plutôt que de célébrer Pâques et la fête des Mères à la date dite, et qu'ils se retrouvent absents à tour de rôle parce qu'ils ont deux familles à visiter,  je choisis une date entre ces deux fêtes pour la grande réunion familiale et j'ai la joie de les avoir tous autour de moi.

Cette année, la fête a eu lieu chez Marie-Héllène, mais c'était quand même moi l'hôtesse. Il pleuvait... et sa maison grande et accueillante nous permettait, de même qu'à mes onze petits-enfants, d'y être à l'aise. Chère Marie... un trésor!

Nous en profitons pour souligner les quatre anniversaires du mois d'avril:  les quatre ans de Julia, les dix-neuf ans d'Alice, Louise, la maman d'Alice et Rosalie et, pour la première fois, mon frère Gilles, le parrain d'Anne-Emmanuelle, né  la même date qu'Alice.



Marie-Héllène et l'oncle Gilles

Simplement, quelques photos, reflets d'une tendresse authentique qui nous relie tous dans le plaisir d'être ensemble et d'éprouver ce confort inestimable d'aimer, de se sentir aimer et de continuer le fil de l'amour en aimant les enfants des uns et des autres.


La Julia


Rosalie et Gi


Michelle


Louise, la maman d`Alice et Rosalie


Marie-Héllène, Gi et Lou-Hélène, ma fille-amie


Anne-Emmanuelle et Hugues de Roussan, l'ami cosmique


Frédérique-Anne et William



Alice

En terminant, pour Alice la magnifique, nous nous sommes tus; avec la musique mise au "boutte", nous avons écouté l'air d'opéra que j'avais choisi pour elle, lors du rituel de ses dix ans: Va Pensiero de Verdi. Frissons sur l'âme.... Bon anniversaire yeux de braise! Bon anniversaire mon petit coeur!

vendredi 2 mai 2014

Un livre n'est pas fait pour être lu intégralement..



Roland Barthes, critique littéraire qui eut un rayonnement considérable sur la critique et la pratique littéraire contemporaine


Un livre n'est pas fait pour être lu intégralement. Et ça, il faut l'admettre. Admettre que dans un livre il y a des passages qui se sautent. Il faut assumer soi-même que les livres ne sont pas faits pour être lus en entier. Cela implique aussi que l'on peut porter un jugement sur un livre en ne l'ayant pas lu en entier, en ayant prélevé dans ce livre des sortes de morceaux, des prises d'écriture et  au fond, à ce moment-là, on sait très bien si le livre nous concerne ou non. Il y a peu d'auteurs dont je pourrais dire en toute honnêteté que je les ai lus intégralement. Même Sade, on ne le lit pas en entier.

J'ai adoré ce passage. Il fut un temps où je m'obligeais à lire un livre jusqu'à la fin par respect pour l'auteur. Jusqu'au jour où j'ai décidé que je ne lirais que ce qui me plaît par respect pour moi.

Je lis Les Grandes Heures, entretiens radiodiffusés réalisés par Bernard-Henri Lévy et Jean-Marie Benoist

Roland Barthes est mort en 1980, percuté par une voiture.