mercredi 23 mars 2016

Carl Jung: «Je crois que les morts attendent des réponses de nous»




Gustav Carl Jung: Mon hypothèse sur l'immortalité

«Ce ne furent pas  seulement mes propres rêves, mais aussi, ceux d'autres personnes, qui donnèrent forme à mes conceptions sur la vie post mortem. Une de mes élèves âgée de près de soixante ans, fit ce rêve deux mois avant de mourir. Elle arrivait dans l'au-delà et dans une salle de classe, sur les premiers bancs étaient assises plusieurs de ses amies défuntes. Une atmosphère d'attente générale y régnait. Elle regarda autour d'elle, cherchant un maître ou une conférencière mais ne put trouver personne. On lui fit comprendre que la conférencière c'était elle, parce que tous les défunts devaient, tout de suite après leur mort, présenter un rapport sur la somme des expériences qu'ils avaient faites durant leur vie. Les morts s'intéressaient au plus haut point aux expériences de vie apportées par les défunts, comme si les faits et les événements de la vie terrestres étaient décisifs. Ces gens s'intéressaient ardemment au résultat final psychologique d'une vie humaine qui n'a rien de remarquable - non plus que la conclusion qu'on pourrait en tirer - selon notre manière de penser. Mais le "public" semblait s'intéresser  à ce qui lui manque le plus dans l'état où il est.

Une nuit, j'ai fait un rêve où je me trouvais dans une assemblée d'illustres esprits des siècles passés. L'entretien se déroulait en latin. Un monsieur  m'adressa la parole et me posa une question difficile; je fus incapable au réveil de me rappeler sa teneur.  Je n'avais pas une connaissance suffisante de la langue pour lui répondre en latin. J'en fus tellement confus que l'émotion me réveilla. Ce n'est que longtemps plus tard que je compris le rêve. L'Ancien m'avait posé des questions auxquelles je ne savais que répondre. Il était encore trop tôt à cette époque. En quelque sorte, c'étaient mes ancêtres spirituels qui m'interrogeaient dans l'espoir qu'ils pourraient apprendre ce qu'ils n'avaient pas su savoir de leur temps, seuls les siècles ultérieurs pouvaient le créer et le leur apporter. Il me semble bien qu'un savoir sans limite est présent dans la nature, mais ce savoir ne peut être saisi par la conscience que si les conditions temporelles lui sont propices.

D'après l'opinion traditionnelle, ce sont les morts qui possèdent le grand savoir, l'opinion règne qu'ìls savent beaucoup plus que nous en raison de la doctrine chrétienne qui suppose que dans l'au-delà nous regarderons les choses «face à face». Mais apparemment, les âmes défuntes ne savent que ce qu'elles savaient au moment de leur mort et rien de plus. D'où leurs efforts de pénétrer dans la vie pour participer au savoir des hommes. Souvent, j'ai le sentiment qu'elles se tiennent directement derrière nous, attendant de percevoir quelles réponses nous leur donnerons et celles que nous donnerons au destin. Il me semble que ce qui leur importe à tout prix, c'est de recevoir des vivants - c'est-à-dire de ceux qui leur ont survécu et qui existent dans un monde qui continue de se transformer - des réponses à leurs questions. Les morts questionnent comme s'il n'était pas à leur disposition de tout savoir, comme si l'omniscience ou l'omniconscience ne pouvait être l'apanage que de l'âme incarnée dans un corps qui vit. L'esprit des vivants semble au moins en un point être avantagé sur celui des morts.

J'avais oublié que je connaissais cet enseignement.

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