jeudi 28 septembre 2017

Hubert Reeves, un homme qui pense...


Hubert Reeves, célèbre astrophysicien

Je lis L'Espace prend la forme de mon regard d'Hubert Reeves, libre interprétation du vers de Paul Éluard ''L'Espace a la forme de mes regards'' (1995)


Longtemps l'être humain s'est considéré comme le seul être intelligent de la nature. Les animaux, êtres stupides aux comportements brutaux, étaient mûs par des instincts grossiers. Il était naturel dans ce contexte que pour la religion judéo-chrétienne, l'âme immortelle soit réservée aux humains.

Ces dernières décennies, par un de ces revirements subtils et profonds, notre regard a radicalement changé. L'étude scientifique des prouesses animales nous a révélé leur capacité à utiliser les forces de la nature avec un degré de sophistication extraordinaire. Nous avons découvert jusqu'à quel point notre niveau technologique est loin en arrière du leur.

La boussole a été inventée par les Chinois il y a environ mille ans. Les pigeons-voyageurs, les tortues, les bactéries elles-mêmes l'utilisent depuis des centaines de millions d'années. Le principe du radar est né pendant la dernière guerre mondiale. Il a été mis au point pour détecter la présence d'avions ennemis dans le ciel. Les chauves-souris ont développé un ''sonar'' tout à fait analogue au radar, il y a plusieurs millions d'années. Les insectes qu'elles visent savent brouiller les ondes émises par leur prédatrices, une technique découverte et utilisée pendant la guerre du Golfe en 1992.

Sur chaque sentier la nature animale est loin devant nous. Combien de secrets possède-t-elle encore dont nous n'avons pas la moindre idée mais que les chercheurs du futur tenteront d'élucider.

Les éthologistes racontent l'histoire de l'oiseau-indicateur qui s'allie avec un rongeur, le ratel, pour piller les nids de guêpes. Il dépose ses oeufs dans le nid d'autres oiseaux, éjecte les petits et laisse les parents bernés le soin d'élever les siens.

Dame nature, efficace et sans pitié, possède un gros cerveau mais un coeur bien minuscule.

L'accumulation des armes nucléaires rend possible aujourd'hui l'élimination de notre espèce. L'humanité peut s'autodétruire. La prise de conscience de cet avènement terrorisant a eu sur la conscience humaine un effet salutaire, le technicien le plus téméraire est acculé à réfléchir. L'éhique est entrée de force dans le domaine de la science.

Heureusement qu'il y a la peur,  vecteur de cette éthique nouvelle!
Les propos d'Hubert  Reeves rejoignent admirablement bien ceux d'Albert Jacquard  cités précédemment.

Je m'ennuie de ma mère...


Maman


Aujourd'hui, je m'ennuie de ma mère et je la pleure. Elle est dans la divine lumière et de la savoir là me fait du bien, un bien qui ressemble à de la consolation. Merci maman!


mercredi 27 septembre 2017

Marcher, c'est créer


Bernard Émond, essayiste québécois, nous ramène à notre propre intelligence


Je lis Camarade, ferme ton poste de Bernard Émond


Je crois qu'en marchant on peut sauver le monde.

Quand on marche, il se passe deux choses: d'abord, le monde se met à exister, et on voit ce qu'on ne voyait pas. Ensuite, on fait prendre l'air à notre cerveau, et il arrive qu'on se mette à penser ce qu'on ne pensait pas avant. Chaque promenade est une création.

lundi 11 septembre 2017

Cheminement vers l'abîme, Hiroshima et Nagasaki



Le 6 août 1945, une bombe nucléaire appelée Little Boy est larguée sur le Japon
 et détruit Hiroshima en quelques secondes

Le projet Manhattan, visant à équiper les États-Unis de la bombe nucléaire, est né de la crainte  de voir l'Allemagne nazie se doter elle-même de cette arme redoutable. En 1942, plusieurs physiciens conscients du danger, dont Albert Einstein, ont  alerté le président Roosevelt. Les moyens nécessaires ont été rassemblés et le succès a été obtenu par une première explosion expérimentale dans le désert du Nouveau-Mexique, en juillet 1945. L'Allemagne avait capitulé quelques semaines plutôt.

Les deux bombes ont été utilisées pour mettre fin à la guerre contre le Japon les 6 et 9 août 1945. Initiative d'un nouveau président, Truman.

Dans un rayon de 3 kilomètres tout fut désintégré. Après l'explosion, le champignon aspirant poussières et débris entame son ascension et atteint 15 000 mètres de haut. 70 000 personnes meurent en quelques secondes, 140 000  meurent dans les jours suivants. La ville est rayée de la carte. Le champignon est chargé de poussière hautement radioactive qui retombe en pluie sur les survivants.(Wikipedia)

L'événement a clairement démontré que cette arme donnait un pouvoir décisif sur n'importe quel adversaire qui en est dépourvu.  L'Union soviétique fait exploser sa bombe en 1949. Se voyant ainsi rattrapés, les États-Unis ont obtenu une nouvelle avancée  dans leur capacité de destruction grâce à la bombe à hydrogène expérimentée en 1952. Les Soviétiques obtiennent le même succès en 1953. L'escalade se continuant, le stock de têtes nucléaires aboutit à plus de 15 000 mégatonnes soit l'équivalent de trois tonnes de TNT pour chacun des habitants de la planète.

Bien sûr le danger était si évident que des pourparlers ont eu lieu, dès 1958, afin de ralentir ou inverser cette course à l'abîme. En 1983, près de 40 ans après Hiroshima, un colloque a réuni à Washington des scientifiques américains et soviétiques  et la description des conséquences ne permettait pas d'imaginer que l'humanité  subsisterait.

Les possibilités actuelles de destruction sont sans précédent. Nous sommes acculés à inventer un avenir. Nous n'avons plus d'ailleurs sur notre planète. Certains imaginent une immigration sur une autre planète. Il est plus sage et moins utopique, de chercher à mieux organiser notre façon de vivre ensemble.

Je lis Tentatives de lucidité de Albert Jacquard

En cette année 2017, la Corée du Nord, à son tour, expérimente le nucléaire  dans ses déserts,  faisant fi de toutes les conventions signées. Je n'aime pas ça du tout... y a pas plus grande terreur!

vendredi 8 septembre 2017

Guerres et morale selon Albert Jacquard


Albert Jacquard


Je lis un livre écrit par Albert Jacquard, Tentatives de lucidité


Le constat qu'une avancée technique puisse ne pas correspondre à un progrès pour la société n'est pas tout à fait nouveau. L'exemple le plus souvent cité est celui de la mise au point, au XIe siècle, d'une arme merveilleusement efficace, l'arbalète. Grâce à un système ingénieux, il est possible de bander l'arc avec une puissance décuplée; le trait qui tient lieu de flèche part avec une vitesse telle qu'il peut transpercer une cuirasse et  tuer à une distance supérieure à cent mètres. C'est par un trait d'arbalète que le roi d'Angleterre, Richard Coeur de Lion, a été mortellement blessé.

Les militaires de l'époque ont pensé que leurs ennemis auraient un jour des armes semblables et le jeu de la guerre deviendrait de moins en moins drôle si l'on y risquait à ce point sa vie. Ils ont rapidement posé le problème sous l'angle de la morale: était-il conforme aux préceptes de la religion d'utiliser des moyens de tuer aussi efficaces ?

La question a été prise au sérieux par l'Église catholique. Elle a répondu, au cours d'un concile tenu à Latran en 1139, qu'il était immoral d'utiliser l'arbalète lorsque l'on se faisait la guerre entre chrétiens. Son usage était en revanche considéré comme licite si l'on se battait contre des non-chrétiens!!!

Faisons-nous mieux aujourd'hui ?

Les moyens de destruction ont une efficacité telle que la comparaison entre l'arc et l'arbalète paraît dérisoire, de même entre l'arquebuse et le canon. Il a suffi de quelques dizaines d'années pour passer, au milieu du XXe siècle, à l'arme nucléaire, capable de tuer plusieurs millions de personnes en quelques minutes. Le changement d'échelle a été si rapide et la capacité de destruction est devenue telle qu'elle outrepasse  ce que la planète peut supporter. Gagner une guerre nucléaire n'a qu'un intérêt dérisoire puisque le vainqueur sera lui-même détruit par les conséquences sur l'atmosphère des coups portés à l'autre pour l'anéantir. Ce serait un suicide.

jeudi 7 septembre 2017

Qu'avons-nous de particulier qui nous distingue?



Albert Jacquard (1925-2013), spécialiste de génétique des populations, reconnu aussi pour ses écrits  destinés à favoriser l'évolution de la conscience humaine.



Les propriétés de la molécule d'ADN  réinsère les êtres vivants dans l'ensemble des objets produits par le cosmos. Vision unitaire fascinante d'une inquiétante beauté. 

Au cours des dernières années du XXe siècle, un effort de recherche considérable a été consenti pour préciser notre particularité exemplaire. Le génome humain est actuellement connu avec précision. Le résultat est plutôt décevant. Il était admis il y a quelques années,  que le nombre des gênes nécessaires pour produire un humain était de l'ordre de cent mille. Il nous faut revoir ce nombre à la baisse puisque ces gènes sont sans doute moins de quarante mille. De nombreuses espèces sont, de ce point de vue, plus riches que nous.

Il nous faut finalement l'admettre, nous sommes une des branches des primates, eux-mêmes une des branches des mammifères, eux-mêmes ... etc. Cet arbre de classement inclut la totalité des éléments contenus dans l'univers. L'univers, sans précautions spéciales, a produit notre espèce comme il a produit les bactéries, les dinosaures, les galaxie ou les trous noirs. Nous sommes le résultat de l'enchevêtrement d'interactions élémentaires parfaitement banales. Nous sommes le produit d'un univers qui, depuis 15 milliards d'années, produit encore sa construction.

La recherche de nos origines ne peut répondre à notre besoin d'un regard orgueilleux sur nous-mêmes.

Je lis avec intérêt Tentatives de lucidité d'Albert Jacquard (2004)

L'orgueil et l'esprit guerrier de l'Homo sapiens, une plaie!

L'instant avant le Big Bang reste impénétrable à notre intelligence


Giordano Bruno, moine dominicain, un des plus grands savants de son siècle, fut suspecté d'hérésie. Il fut brûlé vif en 1600. Aujourd'hui, l'Église persiste encore à condamner Bruno, elle réhabilita Jan Hus et Galileo, pourtant.

On sait les difficultés rencontrées par Galilée et avant lui Giordano Bruno, suite à leurs découvertes scientifiques. Pour ce dernier, l'aventure de la connaissance s'est mal terminée puisque les cardinaux du Vatican ont obtenu qu'il soit brûlé à Rome sur un bûcher. Les cardinaux ne se comportaient pas en homme de science mais en hommes d'église, d'une Église dont ils veillaient avant tout à maintenir le pouvoir. Pour assurer la cohérence de leur enseignement et préserver ce pouvoir, il fallait que la terre soit au centre de l'Univers puisque Dieu y avait envoyé son fils. Situer le Soleil au centre de l'Univers équivalait à un blasphème.

De façon inattendue, la science d'aujourd'hui ne répond pas à cette question. Car il n'y a pas de centre de l'Univers. Celui-ci se dilate en créant l'espace à mesure  qu'il l'occupe. La querelle qui coûté la vie à Giordano Bruno et assombri la vieillesse de Galileo était sans objet.

Plus décisif encore est le bouleversement que provoque cette expansion, nous sommes une des productions de ce ''Big Bang''. On peut remonter dans le passé jusqu'à la période où le cosmos avait une dimension nulle, il y a quelque 15 milliards d'années et où il a commencé une évolution qui dure encore. 

Cette vision d'un événement fondateur, d'une origine, est trompeuse. Ce Big Bang a un après, nous sommes là pour en témoigner. Mais il ne peut avoir d'avant car le temps ne peut s'écouler que si les événements se succèdent. Or, tant que le Big Bang ne s'est pas produit, une telle succession est impossible. Imaginer un pré-univers sans durée, est hors de portée de notre intelligence.


 Je lis:  Tentatives de lucidité d'Albert Jacquard (2004) J'aime ça!

Le temps, la gravité, les neurones, le vieillissement et la mort sont des fabrications du Big Bang.





dimanche 3 septembre 2017

Révélations scientifiques sur la mort



 Robin Marantz Henig, présidente actuellement de l'Association nationale des écrivains scientifiques.

Extrait d'un article intitulé RÉVÉLATIONS SUR LA MORT, écrit par Robin Marantz Henig


La mort est un processus, pas un moment donné. L'existence ne fonctionne pas comme un interrupteur classique -  ''on'', vous êtes vivant, ''off'', vous êtes morts - mais plutôt comme un variateur de lumière qui passe subtilement du blanc au noir.

Pour ceux qui transitent dans la zone grise, une frontière mal délimitée, la vie peut être difficile à définir, et certaines personnes qui font le grand saut reviennent à elle, décrivant parfois en détails ce qu'elles ont vu de l'autre côté.
La mort c'est une attaque du corps entier, où le coeur cesse de battre, mais les organes ne meurent pas tout de suite. Ces derniers pourraient même rester intacts un certain temps, ce qui signifie qu'après  un décès, il s'écoule une période substantielle pendant laquelle la mort est potentiellement réversible. Certains patients peuvent être ramenés à la vie quand bien même leur coeur a cessé de battre depuis des heures, et ce, souvent sans conséquences à long terme.

Le docteur Sam Parnia mène actuellement des recherches sur l'un des aspects les plus intrigants de cet aller-retour entre la vie et la mort: pourquoi tant de personnes victimes d'un arrêt cardiaque affirment avoir vécu une expérience de mort imminente ou être sorties de leur corps? Et qu'est-ce que ces sensations pourraient révéler sur la nature de cette zone grise et sur la mort elle-même?

Selon le scientifique, la vie et la mort sont une question de mouvement: en biologie, moins une chose bouge plus sa durée de vie a tendance à être longue. Des graines et des spores peuvent vivre pendant des centaines de milliers d'années - autrement dit, elle sont quasi immortelles.

Un patient sous respiration artificielle est-il mort ou vivant? Si vous stoppez la machine, à quel moment est-il permis, du point de vue de l'éthique, de prélever les organes que vous avez l'intention de transplanter dans un autre corps? Est-on sûr que le donneur est véritablement mort?
Une vaste expérience mentale semble accompagner la mort après l'arrêt de la circulation sanguine et affecter les survivants tant de manière positive que négative (stress post-traumatique). Un contre-coup commun est l'impression de redonner du sens et un but à la vie. Il ne s'agit pas d'expériences de retour vers la vie, le cerveau est parfaitement vivant et très actif. Un processus d'hyper-conscience se déclencherait lors du passage par la zone grise qui précède la mort définitive.

En ce qui concerne la réversibilité potentielle de la mort, nous en sommes encore au stade de la préhistoire.

Depuis la mort de mon mari, de ma fille et de ma mère, et même celle de mon chien,  je cogite et médite sur la mort, inlassablement. Et même sur la peine d'être vivante parfois.