lundi 21 avril 2014

Hubert Aquin, l'homme qui voulait l'Indépendance du Québec


Andrée Yanacopoulo est née à Tunis, d'une mère "française de France" et d'un père moitié grec moitié italien. Elle s'installe en France, fait des études de médecine et se spécialise en phychiatrie, elle fonde une famille, elle a trois enfants. Elle arrive au Québec en pleine Révolution tranquille. On lui offre un poste de recherche et d'enseignement à l'Université de Montréal. En 1963, comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, parait le premier numéro d'une revue qui se définissait comme politique et culturelle et qui réclamait un Québec à la fois indépendant, socialiste et laïque: Parti Pris. Désormais, il n'y avait plus de Canadiens-Français mais des Québécois. On lui demanda d'écrire un numéro spécial intitulé Portrait du colonisé québécois. Elle fait la rencontre d'Hubert Aquin.


Andrée Yanacopoulos

Une collègue lui dit: " AH! vous avez râté la visite d'un homme beau comme un dieu qui a apporté ceci pour vous". Il m'apportait un article. Ce fut un début. Il avait trente-quatre ans, moi trente-six. Nous nous sommes vus et revus. "Valorisons entre nous l'habitude " me déclara-t-il.


Hubert Aquin


En 1964, Hubert Aquin était vice-président du R.I.N. et brusquement il passe à l'action clandestine, il l'annonce publiquement, un 18 juin. "Je déclare la guerre froide totale à tous les ennemis de l'Indépendance. Ma relation harmonieuse avec une société qui triche est rompue définitivement. Pendant quelque temps je serai éloigné, puis je reviendrai parmi vous. Préparons-nous. La révolution s'accomplira. Vive le Québec!". Il me téléphona et j'allai le voir. "Moins vous en saurez, moins vous pourrez en dire à la police en cas de malheur". Il ne me dira rien de ses activités.

Fin juin, ma famille partit pour Lyon, le premier juillet, Hubert emménageait chez moi, à Outremont. Il avait encore le bras gauche dans le plâtre, blessé en montant dans une échelle, m'avait-il dit. Il avait emmené toutes ses affaires, quelques livres, et il écrivait. Un matin, il me dit: "Il faut que j'aille récupérer une voiture que j'ai volée. Viens avec moi, tu m'attendras et quand je l'aurai, tu me suivras, car je veux la mettre dans un lieu sûr". Au bout de deux heures, je me suis rendue à l'évidence qu'il était arrivé quelque chose. 

Finalement, un avocat m'appela qui m'apprit qu'Hubert avait été arrêté, que le parti essaiera de voir ce qu'il pouvait faire. J'ai su par les journaux qu'il avait comparu devant le juge Wagner et que son procès avait été remis. J'ai apporté ses affaires au local du R.I.N. Hubert me dira par la suite que l'admission à Prévost avait été arrangée entre Camille Laurin et son avocat Antonio Lamer, futur chef de la Cour suprême du Canada, afin de lui éviter un séjour en prison. Bref, la dépression mentale invoquée était un pur prétexte. Il m'avouera également qu'il avait caché des armes chez moi  et qu'il avait passé à l'un de ses complices un double de ma clé. Après son arrestation, un frère d'armes était, en mon absence, venu reprendre les armes. Après la mort d'Hubert Aquin, j'ai trouvé des papiers signés par un psychiatre et confirmant la chose: "À l'examen, Hubert Aquin est bien orienté, en bon contact, et ne manifeste aucune évidence de psychose. Son comportement est normal, il ne souffre pas d'aliénation mentale. Je n'ai pas les éléments nécessaires pour recommander son internement dans une institution psychiatrique." À la fin de l'été, il a été libéré. (à suivre)


 Je lis Prendre acte, Andrée Yanacopoulo


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