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mardi 21 mai 2013

Picasso vu par Gérard Garouste



Gérard Garouste

Nous sommes les héritiers de Rembandt, Vélasquez, Cézanne, Matisse. Un peintre a toujours un père et une mère, il ne sort pas du néant, disait Picasso.

Moi, je sortais du néant. Ma famille rongeait les os d'obscurs tabous. L'école ne m'avait ouvert aucun chemin. Rien ne m'avait été transmis. Quant à Picasso, qui bientôt allait mourir, il avait dévoré l'héritage, il était de ces génies qui tuent le père et le fils. Il avait jusqu'au bout et magistralement cassé le jouet. Il avait cannibalisé, brisé la peinture, ses modèles, ses paysages, et construit une oeuvre unique. Si je regarde La femme qui pleure, je sais que la tristesse n'est pas le sujet mais l'alibi. Le sujet c'est ce que Picasso, l'iconoclaste, peut faire des larmes d'une femme. Le sujet c'est l'artiste lui-même. C'est toujours comme ça que la peinture a fait scandale. Picasso est allé jusqu'au bout de cette aventure-là, au bout du style. Il a rendu classique tout ce qui viendrait après lui. Il est la peinture et son aboutissement.



La femme qui pleure de  Picasso

Que faire après lui? Et après Marcel Duchamp qui venait de mourir? On était en 68, et nul n'a voulu voir que la révolution de l'art était terminée. Duchamp en était le point final. Il avait renoncé à la peinture, décrété l'objet comme oeuvre et l'artiste, celui qui regarde. J'avais lu Duchamp comme on prend une douche froide, la peinture était passéiste, il fallait l'abandonner...

J'aime les mains du Greco, de Vélasquez, quatre touches d'une grande justesse, au millimètre près. Moi, si je peins parfois de très grandes mains, pleines de doigts, c'est un hommage que je leur rends. Tant qu'il y aura des mains, il y aura des dessins d'enfants et des tableaux... 

Plus on tourne, plus on creuse vers ce qui est enfoui en soi. Moi, c'est un enfant. Blotti, bloqué. Heureux de dessiner et de peindre jusqu'à épuisement. Mais parfois, il souffre tant qu'il me rend fou. Élisabeth était enceinte. Un matin, je me suis enfui...  (suite)



Paris

lundi 20 mai 2013

Gérard Garouste, peintre



Le masque de chien, autoportrait (détail)

Je découvre ce peintre par l'intermédiaire de son livre L'Intranquille. En sous-titre: autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou. Il s'agit de Gérard Garouste. Le personnage est absolument fascinant. Son oeuvre l'est tout autant. Il peint des portraits et les membres de ses personnages sont déformés, démembrés, amputés, métamorphosés. Aujourd'hui, exposé dans les plus grands musées du monde, il trace sa voie malgré son internement à l'hôpital suivi par un long tunnel de dépression de dix années. Il fut finalement diagnostiqué bipolaire. Sa femme Élisabeth est demeurée près de lui, elle ne l'a jamais quitté.


Le vol du fou


L'ânesse et la figue


La barque du charron


Le mot et la chose

Michel Onfray a fait une analyse de certaines des oeuvres de Garouste, il écrit: "Il faut lever le voile sur ce secret, le père de l'artiste appartient à la catégorie des salauds. Farouchement antisémite par conviction, il avait construit sa fortune par spoliation des biens des Juifs pendant l'occupation. La figure de ce père violent, cynique le ronge, le mange, le détruit jusqu'à la folie".

Gérard Garouste: "Elisabeth ignorait maintenant tous ceux qui autour de nous lui conseillaient de me quitter. Elle tenait. Une seule fois, un matin, elle m'a dit sans forcer la voix: "Écoute, j'ai tout donné, je n'en peux plus. Si tu ne changes pas très rapidement, je vais te quitter". Si elle lâchait, je lâchais aussi. La peur l'a emporté sur la dépression. Je suis resté debout devant mon chevalet. J'ai peint un homme marchant avec une besace et une canne sur un paysage qui semble calciné. C'est le tableau préféré d'Elisabeth. 

Le délire est un trou noir dont on sort avec un état d'extrême sensibilité bénéfique pour la peinture. La création demande de la force. L'idéal du peintre n'est pas Van Gogh. S'il n'avait pas mis fin à ses jours, il aurait fait des tableaux plus extraordinaires encore. L'idéal c'est Vélasquez, Picasso qui ont construit une oeuvre et une vie en même temps".