Albert Camus
Un jour, Camus a invité un très jeune homme à passer le voir. Il m'a choisi sans me connaître vraiment. Il revenait du désert algérien. Je ne me souvenais pas d'avoir connu un homme plus rayonnant. Il avait l'air amoureux. En fait, il était habité par son voyage. Ses mots étaient religieux. Il avait été visité et il revenait accompagné. Combien je l'ai aimé ce jour-là! Combien j'ai été heureux qu'il me confiât cette grâce! Camus a terminé le récit de cette transe par une anecdote.
Passant par Alger, il était allé voir la Baie de ses bonheurs, du haut de ce qu'on appelait le balcon Saint-Raphaël. Il y avait rencontré un très modeste Algérien, un homme entre deux âges, au visage grave, doux et marqué, et qui, l'apercevant, après avoir fini sa méditation devant le calme des Dieux, lui a dit: "Tu regardes, tu regardes comme si tu connaissais". - "C'est que je connais." a répondu Camus. L'Arabe l'a contemplé longuement, partagé entre le scepticisme et la sympathie. Puis il lui a accordé un sourire de bienvenue et de bénédiction. Camus racontait cela, comblé! "Cet Arabe et moi savions tout ce qu'il convient de savoir sur le monde" murmura-t-il pour conclure. Plus tard, j'ai compris ce qu'il voulait dire. L'Arabe et lui avaient plongé dans l'Océan primordial à la fois étranger et matriciel, une insertion dans le grand vide qui est aussi le grand tout et l'impression enivrante de faire partie du cosmos.
Tellement émouvant!
Tellement émouvant!
Le balcon St-Raphaël. Alger
Vue d'Alger du balcon Saint-Raphaël
Je lis Miroirs d'une vie de Jean Daniel
Je lis Miroirs d'une vie de Jean Daniel
Pierre Lemay a écrit : « Ce matin j'avais pensé
écrire ceci sur mon Facebook: "Vouloir lire Camus après avoir lu du
Laferrière..." Je ne l'ai pas écrit car je me disais que ça n'intéresserait
personne, mais j'aime bien le fait que l'idée soit survenue le même jour que ton
texte sur Camus. »
« C’est que nous sommes liés mon cher
Pierre, et j’en suis heureuse ».
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