mardi 1 octobre 2013

Les livres m'émeuvent...



Un livre enluminé
Livre de la chasse de Gaston Fébus, au chateau de Foix

Alberto Manguel écrit:

"Je me demande pourquoi je conserve tant de livres dont je sais que je ne les relirai jamais. Chaque fois que je me débarrasse d'un livre, je m'aperçois quelque temps plus tard que c'est précisément ce livre que je cherche. Je sais que la raison majeure à  mon attachement à ce trésor amassé sans relâche est une sorte d'avidité voluptueuse. J'aime contempler mes bibliothèques encombrées, pleines de noms plus ou moins familiers. Je trouve délicieux de me savoir entouré d'une sorte d'inventaire de ma vie, assorti de prévisions de mon avenir. J'aime découvrir, dans des volumes presque oubliés, des traces du lecteur que j'ai été un jour - griffonnages, tickets d'autobus, bouts de papier avec des noms et des numéros mystérieux - et parfois, sur la page de garde, une date et un lieu qui me ramènent à un certain café, à une certaine chambre d'hôtel, à un été d'autrefois. Je pourrais, s'il le fallait, abandonner tous mes livres et recommencer ailleurs; je l'ai déjà fait plusieurs fois, par nécessité. Mais alors j'ai dû admettre une perte grave, irremplaçable. Je sais que quelque chose meurt quand je me sépare de mes livres, et que ma mémoire continue de se tourner vers eux avec une nostalgie endeuillée. Et à présent, avec les années, ma mémoire se souvient de moins en moins bien, et elle m'apparaît comme une bibliothèque mise à sac; de nombreuses chambres ont été fermées, et dans celles qui sont encore ouvertes à fin de consultation, il y a sur les rayonnage de grands espaces vides. Je prends un des livres restants et je m'aperçois que plusieurs pages ont été arrachées par des vandales. Plus ma mémoire se dégrade, plus je souhaite protéger ce reposoir de mes lectures, cette collection de textures, de voix et d'odeurs. La possession de ces livres est devenue pour moi d'une importance capitale, parce que je suis devenue jaloux du passé".


Alberto Manguel est de ce jour partie prenante de ma famille cosmique. Une reconnaissance instantanée d'une même texture de sensibilité, d'un même désir de tout savoir et d'un même amour considérable pour le livre.  Une reconnaissance d'affinité.

J'ai dû par nécessité me départir, aussi, de certains livres lors de déménagements; et je porte dans ma mémoire le péché de certaines destructions malheureuses. Toujours avec chagrin. J'ai la nostalgie de tous les livres que j'ai abandonnés tout au long de ma vie. Quand je les retrouve par hasard dans une vente de garage, je les rachète petit à petit, avec une satisfaction profonde. J'aime qu'ils soient usagés. Un jour, je sais que je retrouverai "Citadelle" oeuvre posthume d'Antoine de St-Exupéry, ce livre qui n'a jamais été achevé...  et que je n'ai jamais cessé d'espérer. Parfois, quand je vais à la bibliothèque, j'ai la pensée que j'aimerais lire absolument tous les livres du lieu, même ceux cachés dans les réserves. Je me sens un peu farfelue, alors....



Antoine de Saint-Exupéry. J'aime cette photo, sa plus belle... 

Un beau livre, y a rien de plus beau et ça sent si bon l'encre et le papier. J'ai un livre magnifique plein d' enluminures médiévales, j'aime le regarder dans la clarté du jour pour voir le soleil caresser les ors, les bleus royal et les rouges feu des dessins et, les calligraphies  si belles, si délicates, si raffinées! 

J'aime me rappeler ces temps révolus, où je glissais un coupe-papier entre les pages d'un livre neuf pour en libérer les textes; geste rituélique qui activait une anticipation fébrile et bien-aimée.

J'ai un souvenir ému de Marie-Héllène enfant, qui avant de chercher un mot dans son dictionnaire, souvent, enfouissait son visage dedans, et le respirait.

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