samedi 9 novembre 2013

Simone et André Weil en Amérique...


Simone Weil

Laure Adler :

Simone Weil écrit Conseil de la révolte au coeur de l'année la plus noire de la guerre, d'une seule coulée brassant des éléments historiques, mythologiques avec des fragments d'expérience qu'elle a vécus comme ouvrière d'usine et militante politique d'extrême gauche. C'est probablement ce texte qui fut lu en entier par le général de Gaule; il fut à l'origine de la décision de créer le Conseil national de la Résistance.

Soixante ans plus tard, on est frappé en lisant ce livre par l'importance d'une notion bien oubliée aujourd'hui, je veux parler de celle de l'âme. L'âme a des besoins dit-elle, sinon plus que le corps et si on ne prend pas garde de les assouvir, c'est toute notre société qui s'en trouvera déréglée. Le risque est un besoin essentiel de l'âme, sinon que de l'ennui et de la peur.

La famille s'embarqua pour l'Amérique  le 14 mai 1942. Simone exigea de voyager en quatrième classe. Lors de la traversée, on la questionna sur son manque d'appétit. Elle était déjà fort maigre. Elle répondit qu'elle n'avait pas le droit de manger plus que ceux qui étaient restés en France. Elle était obsédée par l'idée de revenir en France et de partager leur malheur. Son frère André était déjà arrivé aux États-Unis, pris en charge par la fondation Rockfeller dans le cadre de sauvetage des scientifiques français. Les Allemands avaient procédé en Pologne, à la destruction systématique des élites intellectuelles juives. Louis Rapkine, un jeune biochimiste canadien avait convaincu la fondation qu'il fallait faire sortir de France, le plus vite possible, les scientifiques français, juifs ou non. En tant que juifs, les parents de Simone craignaient pour leur sécurité et celle de leur fille. 

Des textes inédits maintenant accessibles permettent de restituer l'ampleur des questionnements d'une femme qui se considère chrétienne et qui ne s'est  jamais ressentie juive; elle qui a été arrêtée trois fois par la gestapo mais qui  n'a jamais porté l'étoile jaune; ce qui ne l'a pas empêchée d'entrer en résistance dès 1940 et de lutter contre le nazisme. Elle souffre de son inutilité. Elle fuit ce cafard qui s'empare d'elle en passant ses journées à la bibliothèque, elle y étudie le catharisme et tous les mouvements jugés hérétiques par l'Église: "Je fouille les recoins de la théologie" écrit-elle. Les discussions sont nombreuses avec son frère, André. Elle est tourmentée par l'idée de savoir si elle doit se faire baptiser. Elle prend l'habitude de coucher par terre pour marquer sa solidarité. Plus jamais, elle ne dormira dans un lit sauf malade dans des hôpitaux. Simone Weil brûle.....

Je lis L'Insoumise, Simone Weil, écrit par Laure Adler  (à suivre)

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