Élise Fontenaille N'Diaye
Madame Fontenaille N'Diaye a retrouvé dans le catalogue d'une bibliothèque de Prétoria, le Blue Book de Thomas O'Reilly. Ce rapport, ultime rescapé, n'a jamais été publié ni traduit dans aucune langue.
En 1919, quelques mois après avoir remis son rapport, le major O'Reilly meurt mystérieusement, au Cap, à 36 ans, officiellement de la grippe espagnole. Il a disparu sans laisser de traces en dehors de cette liasse non signée, le Blue Book.
Un jour, un délégué du ministère des Affaires Étrangères allemand demanda à rencontrer en privé son homologue britannique à Londres. Il déposa sur son bureau un épais document relié en toile blanche le White Book et qui contenait une compilation des principales atrocités commises par les grandes puissances européennes dans leurs colonies au cours du XIXe siècle. "Soit vous détruisez tous les exemplaires du Blue Book soit nous publions le White Book et nous le diffuserons largement". Le gouvernement britannique rappela tous les exemplaires du Blue Book et les fit détruire sur-le-champ. Un seul fut conservé mais mystérieusement disparu. Élise Fontenailles N'Diaye l'a retrouvé.
L'histoire s'est répétée avec les Juifs sous Hitler. Un exercice préparatoire inconnu avait été fait. L'Île Shark Island fut jadis un effroyable camp d'extermination où des milliers de Namas et Hereros ont connu une fin atroce.
En 2004, la ministre allemande déléguée à la Corporation s'est excusée, en son nom, pour les exactions que son pays avait commis un siècle plus tôt au Sud-Ouest africain. Des Hereros ont exigé des excuses officielles, mais la ministre a refusé: le faire aurait entraîné des demandes de dédommagements, et cela, le gouvernement allemand refusait d'en entendre parler. Le Musée anthropologique à Berlin a restitué vingt crânes de Hereros et Namas à la Namibie. Vingt crânes parmi les milliers profanés et volés. Ces crânes numérotés et répertoriés étaient depuis plus d'un siècle dans les placards de l'hôpital. Les têtes avaient été retranchées des corps et conservées dans du formol. Ces reliques ont été remises à une délégation namibienne, venue avec une grande émotion, chercher les restes de ses ancêtres. Aucun représentant du gouvernement allemand n'était présent, ce qui a irrité la délégation.
Néanmoins, depuis une dizaine d'années, le budget allemand de coopération avec la Namibie est devenu le premier en terme d'aide étrangère, avant même celui d'Israël. Est-ce une forme de contrition ou une aide aux descendants allemands, aux colons toujours établis en Namibie et qui restent les premiers détenteurs des richesses foncières du pays, dont les mines de diamants? Les deux peut-être...
Les Hereros étaient beaucoup plus humains sur un champ de bataille; c'était un peuple fin, beau et subtil.
Quelle misère!