La guerre éclate. Tout le réseautage patiemment mis au point se dissout. C'est le retour au Québec. Le petit André Mathieu est devenu un héros populaire. L'enthousiasme prend des proportions phénoménales. Son ami, Gilles Lefèvre, le porte sur ses épaules par les cuisines du Château Laurier afin d'éviter les fans déchaînés qui l'attendaient. C'est maintenant New-York qui le consacrera enfant prodige. Élizabeth Arden (les cosmétiques) prend André sous son aile. Il fait 3 heures de piano par jour sur le grand Steinway de Madame Arden. Il devient un exécutant prodigieux: Chopin, Debussy, Liszt. Il a l'étoffe d'un grand pianiste. Il reçoit une deuxième bourse du Québec, ce qui permettra à la famille de s'installer à New-York. Son cachet est maintenant de mille dollars par apparition, il est le chef de famille, c'est lui qui fait vivre sa famille.
La guerre mondiale prend un tournant imprévu: le Japon attaque Pearl Harbor et les États-Unis entrent en guerre. L'exode massif de la quintessence de la civilisation européenne va propulser les États-Unis à l'avant-garde de la culture mondiale. André Mathieu, 13 ans, jouera son Concertino au Carnegie Hall de New-york, la salle la plus prestigieuse du monde, devant Mrs Eleanor Franklin, T. Roosevelt, Albert Einstein, Thomas Mann etc...
L'adolescence s'installe précocement, André n'est pas heureux à New-York, même s'il apprend les rudiments de la direction d'orchestre. Il n'est pas à l'aise avec l'anglais. Autrefois si prolifique, il ne crée presque plus. La carrière américaine d'André Mathieu aura duré un an exactement. Au moment où la richesse spirituelle du monde est toute concentrée aux États-Unis, les Mathieu rentrent à Montréal. Retour sur la rue Berri: la pire décision de leur vie. Retour dans le néant. Malgré le renouvellement de sa bourse d'études, André ne retournera pas à New-york. Il se passionnera pour la politique, il a une connaissance réelle de l'Histoire et un grand intérêt pour la situation internationale. Il écrira des textes intéressants sur le Québec, sur la guerre. L'adolescence rageuse prendra des proportions prodigieuses chez André Mathieu. Sa vie durant, il reproduira la prison dont il voulait s'échapper: "Moi, je n'ai jamais eu d'enfance..." répétait-il. Il y aura bris de confiance envers son père qui lisait son Journal intime. Depuis 10 ans, il agit en adulte en étant enfant, il sera condamné à agir en enfant en étant adulte. Coïncidant avec la crise d'adolescence, il entreprend d'écrire l'oeuvre qui reste encore aujourd'hui son titre de gloire le plus populaire, "La symphonie romantique", chef d'oeuvre mieux connu sous le nom "Concerto de Québec."
Un grand événement propulse un fois encore le jeune Mathieu dans la ronde du vedettariat : "Hommage à la Jeunesse canadienne française", au Chalet de la Montagne. Dix mille jeunes se sont déplacés pour venir entendre André Mathieu. Parmi les jeunes artistes qu'il rencontre ce soir-là, André Mathieu sera ému par la grande beauté d'une jeune comédienne. Elle a 21 ans, il vient d'en avoir 14 mais en paraît 19. Ce premier amour restera pour Mathieu une blessure ouverte jusqu'à la fin de sa vie. C'était Huguette Oligny.
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