mardi 29 avril 2014

Manon Barbeau et "Les enfants de Refus Global"



Manon Barbeau, fille de Marcel Barbeau

Manon Barbeau, cinéaste québécoise, signe un documentaire personnel: Les enfants de Refus Global. 

En 1948, le manifeste de Refus Global de Paul-Émile Borduas proclame la fin du "règne de la peur multiforme" incarné  par le régime Duplessis. Cinquante ans plus tard, la cinéaste est allée à la rencontre des fils et des filles des Barbeau, Riopelle, Borduas, Mousseau etc... "enfants de Refus Global" qui ont subi comme elle les conséquences du geste révolutionnaire de leurs parents. Aucun n'est sorti indemne d'une enfance faite d'inquiétudes et d'abandons, mais aussi d'une richesse que l'art seul peut apporter.

"Le film a été difficile à tourner. Je ne connaissais rien de mon passé. J'ai découvert aux Archives de l'Université de Montréal la correspondance de mes parents et de Borduas, et j'ai su que ma mère était amoureuse de Borduas. L'histoire d'amour de mes parents s'est étiolée, ils se sont séparés et ont abandonné leurs enfants. J'ai voulu comprendre. Mon petit frère avait un an quand la vie nous a séparés. J'avais trois ans. Je n'ai rien pu faire. Si j'avais été plus grande, je l'aurais sauvé".

En 1848, Borduas signe le Refus Global avec 15 de ses disciples dont Barbeau et Riopelle. Ils revendiquent la liberté d'être et de créer sans Dieu et de cesser d'avoir peur de tout. Ce manifeste eut l'effet d'une bombe dans le Québec de la Grande Noirceur. Place à la magie! Place à l'amour! Ils avaient un sauvage besoin de libération, de se libérer de leurs chaînes.


Manon Barbeau

"J'ai retrouvé mon frère, il y a peu de temps et je l'ai reperdu de nouveau, il est schizophrène. François dit dans le film: J'ai pleuré chaque jour de ma vie. J'avais peur, je pleurais tout le temps. J'aurais aimé vivre avec ma famille... Il n'a jamais revu son père.

Renée, la fille de Borduas dira: "Le refus de s'identifier à nos parents nous a été imposé. C'était trop dur pour les enfants. Il y a eu un avant et un après Refus Global. Tout a explosé. Nous étions déracinés, nous n'avions plus la présence du père." Elle n'a revu son père que deux fois après la séparation. La deuxième fille de Borduas, Janine, est internée depuis les années soixante. "Nous étions quelque chose d'inutile" dira Renée.

Sylvie, la fille de Riopelle: "Je vis dans l'angoisse perpétuelle d'être laissée. Je suis de nulle part, sans racines."

Et ainsi de suite. Sur Google, le documentaire est entièrement disponible. C'est bouleversant. On voit la magnifique tête de Riopelle et ses yeux devenus hagards. Et ces mots pathétiques de Manon: "À mes anniversaires, mon père m'envoyait un bouquet de fleurs du bout du monde". 

Et l'ennui, bordel! Et le manque!

Son père lui dira : On espérait beaucoup, on a tout risqué! 

Manon voit au Musée une toile rouge peinte par sa mère, elle caresse doucement la signature du bout des doigts, et elle éclate en sanglots...Le refus fut global et pathétiquement total.


Cette année, Manon Barbeau a eu l'honneur de présenter son film sur les femmes autochtones du Québec: Napikoni, lors d'une exposition préparée par l'UNESCO dans le cadre de la journée internationale de la femme. Elle fait partie des neuf artistes femmes du monde qui ont été retenues.

Mon coeur est plein de félicitations et de douceur pour vous Manon.


lundi 28 avril 2014

Marcel Barbeau, parmi les "grands"



Marcel Barbeau, signataire du Refus Global

Marcel Barbeau épouse une belle femme, Suzanne Meloche. Il aura deux enfants.  Usé par la misère quotidienne, sa relation avec sa femme se détériore rapidement. Trop longtemps absent du travail, il perd son emploi et, sa femme le quitte en lui laissant les enfants. Seul, sans travail, incapable de subvenir aux besoins des enfants, Barbeau voyait sa famille se dissoudre. Il se sentait dépassé, incapable de payer une pension alimentaire, il dut se résoudre à confier la garde de sa fille Manon à sa mère et ses soeurs, abandonnant à sa belle-famille la responsabilité de son fils, qui sera adopté à la condition que lui, le père, ne cherche jamais  à revoir son fils. Ses soeurs supportaient mal de voir ce frère, à qui on avait payé des études auxquelles elles n'avaient pas eu droit et, elles refusèrent de soutenir le père. Il sera écarté pendant plusieurs années des réunions familiales. L'art était désormais son unique raison de vivre.

La famille spirituelle se disloquait aussi. Marcelle Ferron avait rejoint Riopelle et Leduc en France. Borduas se préparait à partir pour New-York. Lorsqu'il buvait, Barbeau s'emportait, brisant les attaches qu'il conservait encore. C'est dans cet état d'exaspération et de désespoir qu'il rencontre Denise Delrue, un soir de vernissage. Sa galerie était devenue la grande galerie d'avant-garde de Montréal. Elle se rendit dans la chambre-atelier de l'artiste qui délicatement déroula ses tableaux comme d'inestimables trésors. Elle fut bouleversée par ces immenses espaces blancs envahis de masses noires, menaçantes. La galeriste fut convaincue d'avoir découvert un artiste exceptionnel. Elle arrivera à faire aimer l'art austère aux accents tragiques de Barbeau.



Un voyage stérile en France lui fit prendre conscience de son appartenance nord-américaine: grands espaces blancs inondés de soleil, semés de noirs corbeaux et de trains rouges. Il aima New-York et son effervescence intellectuelle et artistique. Il rencontra des artistes du monde entier. Ils formèrent un petit clan. Il réussissait à percer le mur de l'anonymat. Son contrat avec la Galerie du Siècle lui assurait maintenant une sécurité financière. Il vivait avec une veuve, Mary. Sa vie était mieux organisée. Il avait même commencé à tenir des archives de son oeuvre et sa carrière. Manon, sa fille, vint le voir, elle était belle, intelligente, sensible et raffinée. Mary était jalouse et tyrannique. Il liquida sa liaison et revint à Montréal. Mais, il n'arrivait pas à renouer avec le milieu artistique québécois comme si son absence avait été une trahison. Pourtant jamais son oeuvre n'avait paru aussi sereine. Peut-être ses quarante années de recherches avaient-elles été vaines? Il sombre dans la désespérance. Heureusement, les liens avec sa fille se solidifient et il développe avec ses petits-enfants une complicité jamais connue. Il recouvre alors l'émerveillement et la joie de créer.

Par delà ses doutes et sa versatilité, il comprend qu'il peut encore réinventer le monde. Et, finalement, Barbeau conquiert la scène artistique; la presse  couvre toutes ses activités au Canada comme à l'étranger. Il est de toutes les expositions. Il est reconnu parmi "les grands". Il vit désormais à Paris et il porte en lui la tranquille assurance de l'authenticité de sa démarche. Et voilà que la Ville de Paris lui offre un atelier et qu'un musée lui offre une rétrospective...


Aussi magnifique qu'un fractal!

En 2013, à l'âge de 88 ans, Marcel Barbeau reçoit le Prix Paul-Émile Borduas. Il a consacré 70 ans de sa vie aux arts visuels. Cette même année, il fut reçu à l'Académie royale des arts du Canada. Il est Officier de l'Ordre du Canada depuis 1995. Il reçut de nombreux autres prix et honneurs.


Marcel Barbeau, artiste indomptable, a réussi sa carrière!

Je lis Marcel Barbeau, le regard en fugue de Carolle Gagnon et Ninon Gauthier


dimanche 27 avril 2014

Marcel Barbeau et Borduas



Marcel Barbeau

Je lis Marcel Barbeau, le regard en fugue, de Carolle Gagnon et Ninon Gauthier

"Son doux regard d'oiseau blessé s'était animé et pétillait derrière sa barricade de verre. Emporté par sa parole, ses longues mains effilées s'échappaient légères, palpitantes, épousant du geste le rythme et les modulations de la phrase, puis se posant un instant, elles reprenaient aussitôt son envol. Avec sa blanche chevelure balayée du vent du large, son fin costume gris perle, Barbeau le flamboyant, était revenu à Montréal". (Ninon Gauthier)

Le jeune Barbeau allait trouver en Borduas, le modèle, le père exemplaire et bienveillant. Borduas lui révélait l'univers merveilleux de la création artistique. L'avenir s'ouvrait lumineux. Tout était permis, le rire, le cri, la passion et l'amour. Chaque visite à l'atelier de Borduas renforçait les liens avec son maître.

Barbeau avait conscience d'avoir découvert dans ses toutes dernières oeuvres, quelque chose de neuf, une façon de peindre qui n'était redevable ni aux Surréalistes, ni à Borduas, ni à ses confrères. Émerveillé de sa découverte, croyant contribuer ainsi au devenir de l'art, il invita Borduas et ses amis à son atelier. Soigneusement étalées, ses dernières oeuvres semblaient offertes comme des cadeaux précieux: cinquante peintures, le travail d'un an d'acharnement et de passion. Mais Borduas les avait toutes rejetées en bloc. "Ces tableaux manquaient de perspectives et d'équilibre! Ils n'étaient que des terres sauvagement labourées, un amalgames de signes et de traces malhabiles, etc..." On s'est moqué de lui, lui suggérant d'abandonner la peinture. Seul Gauvreau le défendit ardemment. Barbeau n'avait aucune formation académique, n'était jamais allé en Europe, il ne pouvait leur tenir tête pour défendre sa découverte. La joie intense qu'il avait ressenti fit place au désespoir le plus profond. Il détruisit ses toiles, les recouvrit d'une épaisse couche de peinture noire. Sombrant dans une profonde tristesse, le jeune homme mit la clé sur la porte de l'atelier pour plusieurs mois. Jamais il ne blâmera Borduas pour ce triste épisode.











Un jour, Jacques de Roussan m'a montré un petit "nu" dessiné par Borduas.  J'étais médusée. C'était dessiné d'une façon tellement malhabile, le corps de la femme était déjanté et déséquilibré. On aurait dit un dessin d'enfant bâclé. J'en ai conclu que Borduas était un grand peintre abstrait mais qu'il était un piètre dessinateur. 

Jacques me l'avait dit, je ne le croyais guère. Après quelque temps, je lui ai remis l'oeuvre, je ne pouvais vivre avec ce dessin laid sur mes murs. Il avait raison.

mardi 22 avril 2014

Hubert Aquin publie Prochain épisode, "livre-culte"



Hubert Aquin

Andrée Yanacopoulo poursuit son récit: "Le procès d'Hubert Aquin étant remis une fois de plus, Pierre Tisseyre décida de prendre le risque de publier Prochain épisode. On sait l'énorme succès qu'obtient ce roman. La première édition fut épuisée en deux mois et demi. Au Québec, ce livre est vite devenu un classique, un incontournable. Prochain épisode fut publié en France par Robert Lafond.

J'ai obtenu une séparation légale. Au début de 66, il m'a fallu aller à Paris, on m'avait recommandé pour la collection Que sais-je?, un ouvrage sur la psychologie sociale. Nous acceptions à grand peine cette séparation, Hubert surtout - il est en effet plus difficile de rester seul que de partir à l'aventure - Nous nous écrivions tous les jours. " J'écris à tout hasard à celle qui ne reviendra plus..."

Un petit brouillon, daté de 1966 témoigne de ses sentiments profonds.: "Le suicide est une vocation. Noirceur, nuit blanche, aube, point du jour, point d'ombre, jour, mort. Le suicide supprime ce qui suit, ce qui succède, ce qui allait venir. Ce qui se paie restera impayable. Ce qui suit ne suivra plus. Les lendemains éclatent soudain dans une poussière d'impossibilité". Un jour avant mon départ, il m'avait proposé un suicide à deux. J'avais vivement décliné.

Au sujet du procès, juridiquement, les choses se sont réglées par un non-lieu, donc rejet de l'accusation. Et nous décidons de mettre une très grande distance géographique entre nos conjoints. Nous sommes partis pour Genève en Suisse. J'ai trouvé un emploi à Lausanne et lui, tapait sans relâche à la machine "Trou de mémoire". Nous avons fini par nous rendre à l'évidence, aucun avenir ne nous attendait ici. Retour à Montréal. La question des enfants nous taraudait. Mon avocat n'a pas pu faire grand chose pour moi. Les enfants ont été rapatriés en France définitivement. Ils venaient régulièrement nous voir. Quant à Hubert, sa situation se révéla dramatique. Il entama une bataille juridique totale à propos non seulement de ses enfants mais dans la récupération de ses cachets et de la cessation des saisies dont il était l'objet. Cette bataille ne prendrait fin qu'avec sa mort.

Un jour, au moment d'ouvrir sa mallette, il constate qu'il en avait publié la clé. Avec des ciseaux à ongles il commença à s'escrimer sur la serrure; il avait l'oeil collé sur sa manoeuvre et il se transperça l'oeil gauche avec les ciseaux. Il souffrait beaucoup et Hubert fut hospitalisé. Les ophtalmologues finirent par déclarer forfait: il fallut procéder à l'énucléation de son oeil. Il ne parlera que très rarement de son oeil artificiel.

En skiant avec mes fils dans les Laurentides, Hubert fit une mauvaise chute, et je l'emmenai à l'hôpital où l'on diagnostiqua une fracture de la jambe. À l'Urgence de ce même hôpital, je me suis présentée une vingtaine de jours plus tard pour accoucher. Ce samedi, 27 janvier 1968, notre fils Emmanuel fit son entrée dans ce monde. Hubert mettait son fils sur sa poitrine, à même la peau.



Emmanuel Aquin avait neuf ans à la mort de son père.  C'est un romancier, éditeur, scénariste. Il a écrit onze romans et est co-fondateur des éditions Point de fuite."


Je lis Prendre Acte, Andrée Yanacopoulo

lundi 21 avril 2014

Hubert Aquin, l'homme qui voulait l'Indépendance du Québec


Andrée Yanacopoulo est née à Tunis, d'une mère "française de France" et d'un père moitié grec moitié italien. Elle s'installe en France, fait des études de médecine et se spécialise en phychiatrie, elle fonde une famille, elle a trois enfants. Elle arrive au Québec en pleine Révolution tranquille. On lui offre un poste de recherche et d'enseignement à l'Université de Montréal. En 1963, comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, parait le premier numéro d'une revue qui se définissait comme politique et culturelle et qui réclamait un Québec à la fois indépendant, socialiste et laïque: Parti Pris. Désormais, il n'y avait plus de Canadiens-Français mais des Québécois. On lui demanda d'écrire un numéro spécial intitulé Portrait du colonisé québécois. Elle fait la rencontre d'Hubert Aquin.


Andrée Yanacopoulos

Une collègue lui dit: " AH! vous avez râté la visite d'un homme beau comme un dieu qui a apporté ceci pour vous". Il m'apportait un article. Ce fut un début. Il avait trente-quatre ans, moi trente-six. Nous nous sommes vus et revus. "Valorisons entre nous l'habitude " me déclara-t-il.


Hubert Aquin


En 1964, Hubert Aquin était vice-président du R.I.N. et brusquement il passe à l'action clandestine, il l'annonce publiquement, un 18 juin. "Je déclare la guerre froide totale à tous les ennemis de l'Indépendance. Ma relation harmonieuse avec une société qui triche est rompue définitivement. Pendant quelque temps je serai éloigné, puis je reviendrai parmi vous. Préparons-nous. La révolution s'accomplira. Vive le Québec!". Il me téléphona et j'allai le voir. "Moins vous en saurez, moins vous pourrez en dire à la police en cas de malheur". Il ne me dira rien de ses activités.

Fin juin, ma famille partit pour Lyon, le premier juillet, Hubert emménageait chez moi, à Outremont. Il avait encore le bras gauche dans le plâtre, blessé en montant dans une échelle, m'avait-il dit. Il avait emmené toutes ses affaires, quelques livres, et il écrivait. Un matin, il me dit: "Il faut que j'aille récupérer une voiture que j'ai volée. Viens avec moi, tu m'attendras et quand je l'aurai, tu me suivras, car je veux la mettre dans un lieu sûr". Au bout de deux heures, je me suis rendue à l'évidence qu'il était arrivé quelque chose. 

Finalement, un avocat m'appela qui m'apprit qu'Hubert avait été arrêté, que le parti essaiera de voir ce qu'il pouvait faire. J'ai su par les journaux qu'il avait comparu devant le juge Wagner et que son procès avait été remis. J'ai apporté ses affaires au local du R.I.N. Hubert me dira par la suite que l'admission à Prévost avait été arrangée entre Camille Laurin et son avocat Antonio Lamer, futur chef de la Cour suprême du Canada, afin de lui éviter un séjour en prison. Bref, la dépression mentale invoquée était un pur prétexte. Il m'avouera également qu'il avait caché des armes chez moi  et qu'il avait passé à l'un de ses complices un double de ma clé. Après son arrestation, un frère d'armes était, en mon absence, venu reprendre les armes. Après la mort d'Hubert Aquin, j'ai trouvé des papiers signés par un psychiatre et confirmant la chose: "À l'examen, Hubert Aquin est bien orienté, en bon contact, et ne manifeste aucune évidence de psychose. Son comportement est normal, il ne souffre pas d'aliénation mentale. Je n'ai pas les éléments nécessaires pour recommander son internement dans une institution psychiatrique." À la fin de l'été, il a été libéré. (à suivre)


 Je lis Prendre acte, Andrée Yanacopoulo


samedi 19 avril 2014

Un homme mystérieux ressuscite...



Sarcophage découvert à Tel Shaduden, Israël

L'homme mystérieux dont le corps a été découvert à l'intérieur du sarcophage devait être un fonctionnaire cananéen au service de l'Ancienne Égypte.

"C'est un très beau visage, très serein" rapporte Edwin van den Brink, égyptologue et archéologue. Les fouilles ont été faites à Tel Shadud, un tertre dans la vallée de Jezreel, de décembre 2013 à mars 2014. Il a fallu trois semaines pour que le visage puisse être  révélé.

Le couvercle du sarcophage d'argile est brisé, mais le visage sculpté est pratiquement intact. Il a des sourcils gracieux, des yeux en amande, un nez long et des lèvres charnues. Les oreilles sont séparées du visage, et des mains aux longs doigts  sont sculptées, comme si les bras du défunt étaient croisés sur sa poitrine, une pose funéraire typique chez les Égyptiens.


Bienvenue!

Les découvertes archéologiques  nous révèlent l'histoire de l'humanité. L'homme marche sur cette Terre depuis des millénaires et connaître ses pas, nos pas,  éveille en moi une curiosité insatiable. J'aime l'archéologie!

vendredi 18 avril 2014

Françoise Giroud chavire sous la douleur



Françoise raconte: "Oui, le jeudi c'était un bon jour pour mourir. Mes enfants pouvaient se passer de mon appui. Simplement ma volonté de suicide n'était pas calomnie à la vie, négation du bonheur possible. D'un bonheur totalement et longuement vécu, je ne me sentais plus capable que de reconstituer une mauvaise copie, par excès de fatigue peut-être ou faute d'imagination... Je ne saurais jamais comment la guerre d'Algérie se terminerait..."

C'est Sabine de Fouquières, la future épouse de Jean-Jacques, qui saisit d'une intuition lui dit d'appeler chez Françoise. Comme son téléphone était occupé, elle insista pour qu'il joigne quelqu'un d'autre. C'est le médecin  de Françoise qui se déplaça et qui se rappela qu'entre sa chambre et celle de sa mère, Françoise avait fait amincir une cloison pour entendre son appel la nuit. Avec deux hommes, le médecin a défoncé la porte...  elle était morte.

Les médecins se sont acharnés pendant trois jours de coma, puis pendant des jours et des jours. Les visiteurs peu à peu ont été autorisés à venir. "Ils m'aimaient peut-être, ils avaient l'air de croire que comme eux, j'avais ma place dans le monde". Un an après sa tentative de suicide, en mai 1961, Jean-Jacques Servan Schreiber proposa à Françoise de reprendre la direction de l'Express, qu'elle assura, sauf quand elle fut ministre, jusqu'à son rachat par Jimmy Goldsmith en 1977 - la seule chose qu'elle ne lui pardonna jamais-.

Françoise Giraud est morte le 19 janvier 2003 à l'âge de quatre-vingt-six ans. Elle chute dans un escalier et tombe dans le coma, elle meurt sans avoir repris conscience. Elle fut vice-présidente du Parti radical socialiste. Elle fonde l'association Action contre la faim. En 1983, Jean Daniel lui demande d'être éditorialiste au Nouvel Observateur où elle écrit des chroniques durant vingt ans. Sollicitée par le président Valéry Giscard d'Estaing, elle devint ministre et prend en charge le secrétariat d'État sur la condition féminine. Elle fut deux fois secrétaire d'État. etc...

Elle reste la première journaliste de France. C'est un modèle inégalé et inégalable (Laure Adler) 

Le destin bouleversant de cette femme extraordinaire suscite en moi une admiration profonde et son histoire d'amour me  brise le coeur. Ces textes ont été trouvés dix ans après sa mort. Ils viennent d'être édités.  Une femme libre, Françoise Giroud, Laure Adler