dimanche 31 juillet 2011

Le voile: Bourguiba/Ben Ali


Habib Bourguiba (1903-2000)

Habib Bourguiba aimait les femmes et les idées. Il les avaient lâchées comme des colombes dans le ciel de l'État tunisien naissant. Il a libéré Ève en même temps que la raison et en son nom. Ben Ali, lui, s'est servi des femmes pour prouver à l'Occident sa légitimité de dompteur de l'intégrisme. Les droits de la femme servaient à masquer l'absence de droits de l'homme et dissimuler l'obscénité de sa dictature.

La bande d'actualité du dévoilement de la femme tunisienne par Bourguiba, en 1956, est en noir et blanc. Une autre ère. De sa main fine, Habib Bourguiba écarte doucement les pans du voile d'une inconnue. Elle le fixe, fascinée. Quand l'étoffe tombe sur ses épaules, il en arrange délicatement les plis et lui caresse la joue. Pour tout le monde aujourd'hui, ces deux-là: le président et l'inconnue forment un très vieux couple. Elle était la femme-symbole qu'il venait de libérer du "chiffon" (ses propres mots) en promulguant l'interdiction de la polygamie et de la répudiation, en légitimant le divorce féminin, l'égalité des droits. Une exception pour l'héritage, le dernier bastion qu'il n'avait pu enlever aux ulémas: à une femme n'échoit toujours que la moitié de la part dont hérite un homme.

Zine el-Abidine Ben Ali, lui, répétait mécaniquement qu'il aimait les femmes et détestait le voile. En octobre 2006, il ordonne à la police d'en arracher quelques uns, au hasard. Objectif: lutter contre l'islamisme. Mais Ben Ali n'est pas Bourguiba: arracher n'est pas dévoiler. Maintenant, il ne reste ni sourire ni tendresse, que des insultes. Aussi les femmes sans voile, comme la journaliste Sihem Bensedrine, défendent-elles celles qui refusent le dévoilement par la violence.

Mais pour Ben Ali, qui libère les femmes peut tout se permettre!

Je lis avec une inquiétude frémissante le livre de Martine Gozlan, Tunisie-Algérie-Maroc, La colère des peuples. Édition L'Archipel.



vendredi 29 juillet 2011

Michelle


Michelle, 7 ans

Belle à faire damner tous les dieux, elle a en plus un caractère du tonnerre capable aussi de faire damner sa mère et ses soeurs. Tout une petite fille! Tendresse +++

jeudi 28 juillet 2011

L'amour et l'argent en héritage

“Mes parents nous rappellent souvent, à mes frères et à moi, qu’ils n'auront pas d’argent à nous laisser en héritage, mais je crois qu’ils nous ont déjà légué la richesse, qui nous permet de saisir la beauté d’une grappe de glycine, la fragilité d’un mot, la force de l’émerveillement. Plus encore, ils nous ont offert des pieds pour marcher jusqu’à nos rêves, jusqu’à l’infini. C’est peut-être suffisant comme bagage pour continuer notre trajet par nous-mêmes. Sinon, nous encombrerions inutilement notre trajet avec des biens à transporter, à assurer, à entretenir.”

Kim Thùy, extrait du livre RU

Heureux sont les parents qui ont la richesse intérieure pour pouvoir donner tout ça à leurs enfants, et en plus... l'argent, énergie divine!

mercredi 27 juillet 2011

Marie-Héllène


Marie-Héllène, c'est notre Trésor Familial. Elle est intelligente, généreuse, accueillante et très belle! elle a un don: celui de nous faire sentir doucement bien en sa présence. Sa maison est bonne partout parce que son corps énergétique l'habite partout. Un parfum d'amour émane d'elle et nous sommes heureux dans le sillage de sa tendresse.


Si chère Marie-Héllène!

lundi 18 juillet 2011

Sauvegarder les journaux intimes

J'ai une trentaine de documents dits journaux intimes qui couvrent entre autres, l'adolescence des jumelles et les années quatre-vingt-dix. C'est pour cette raison que l'appel de l'historienne Andrée Lévesque m'a si fortement interpellée.

Alors qu'Andrée Lévesque écrivait la biographie d'Éva Circé-Côté, journaliste et poète, elle apprend que tous les documents personnels d'Éva ont été brûlés peu après sa mort. Elle s'est dit qu'il ne fallait plus que cela se reproduise. Avec deux collègues, l'ethnologue Diane Gervais et l'historienne Magda Farhni, elle a créé les Archives Passe-Mémoire qui recueillent et conservent les journaux intimes et la correspondance des gens ordinaires "ceux dont les papiers n'iront jamais dans les grands centres d'archives", mais qui participent à l'histoire avec un grand "H", dont ils sont le ferment.

Ces archives constitueront un fonds ouvert aux historiens et aux chercheurs, mais aussi au grand public, si le donateur le souhaite. Le service de conservation est gratuit. Passe-Mémoire s'inspire de l'Association pour le Patrimoine autobiographique de France, qui possède plus de 2 000 fonds personnels. Comme autant de trésors pour les historiens d'aujourd'hui et de demain.

Je demande à mes enfants de se souvenir de ce message. De ne pas brûler mes cahiers. Plutôt, s'il y a lieu, de les acheminer à cette association pour qu'ils continuent de vivre et de me survivre dans les temps d'après.

Qu'il en soit ainsi!

Référence: apm.archives@gmail.com


dimanche 17 juillet 2011

Alain Lefèvre à Lanaudière



Alain Lefèvre

La montagne était parsemée de gens assis qui faisaient un pique-nique, c'était comme d'immenses bouquets de bonheur. Nous étions heureuses d'être là, détendues et bien-aimées par la vie, de vivre ensemble et ainsi, nos anniversaires de naissance. Puis, l'homme que nous attendions tous, est venu. Dans un mouvement spontané, la foule s'est levée et a accueilli avec une joie exubérante le célèbre musicien. Deux immenses écrans sur les côtés permettaient les gros plans de son visage et de ses doigts qui dansaient avec une dextérité sans pareille sur le clavier. Il était dans sa bulle et nous pouvions voir les expressions d'intensité de son visage. C'était bouleversant. Il faisait chaud et son visage ruisselait; eau et larmes tombaient sur le clavier. Je pleurais et des milliers d'autres aussi. Quatre mille personnes rassemblées pour entendre Alain Lefèvre jouer le 4e Concerto d'André Mathieu, composé alors qu'il n'avait que 14 ans! Moment d'osmose phénoménal où le coeur de deux génies battaient au rythme de celui de 4 ooo personnes silencieuses et émues. Une prière s'élevait dans la nuit de Lanaudière comme d'une cathédrale gothique. C'était sublime! J'ai voulu lui parler. Absolument.

Après le spectacle, sur une table posée sur la pelouse, il s'est amené pour dédicacer livres et c.d. J'étais là. Je l'attendais. J'avais un tout petit bout de papier et je le lui ai tendu. Il l'a autographié.

Et lentement, en pesant mes mots, je lui ai dit: "J'ai quelque chose à vous dire. Vous êtes important. Je vous ai adopté. Et pour moi maintenant, vous êtes un fils cosmique... et de ce fait, je penserai à vous, toujours. "

Il me regardait intensément. Il m'a donné la main et il l'a serrée un moment. "Merci de me dire cela". Et, il a souri...de ce sourire qui vient de l'intérieur et qui illumine son visage. Je suis partie émue et ravie: une longue file de gens attendaient derrière moi.

Je voulais qu'il sache cela!


Voir: Alain Lefèvre et ma famille cosmique 04/07/10

mercredi 13 juillet 2011

Etty Hillesum disparut dans la nuit de la Shoah, à l'automne 1943


Etty Hillesum 1914-1943

Pour Etty, la haine et la violence sont des réponses inadéquates au problème de la guerre. "Je ne vois pas d'autre issue: que chacun de nous fasse un retour sur lui-même et extirpe en lui tout ce qu'il croit devoir anéantir chez les autres. Soyons convaincus que le moindre atome de haine que nous ajoutons à ce monde, nous le rend plus inhospitalier qu'il ne l'est déjà. L'amour reste la seule solution pour résister au mal. Le remède au mal réside en nous, nulle part ailleurs".

Le regard qu'elle pose sur sa rose en train de se faner sur son bureau, est l'image de sa propre vie. "Entre ma machine à écrire, un mouchoir et une bobine de fil noir, ma rose thé se fane, elle est d'une beauté et d'une délicatesse presque insoutenable. En s'étiolant doucement et avec résignation, elle commence à quitter cette vie courte et froide. Elle est si fragile et d'une telle grâce devant sa mort lente que j'en ai presque le coeur brisé. Une rose thé, il faut la laisser mourir tranquillement, en silence. Avant, je pouvais être inconsolable et ressentir une tristesse incompréhensible à la vue d'une fleur fanée. Mais il faut accepter le dépérissement dans la nature sans y apposer de résistance. Et savoir qu'il y a toujours une nouvelle floraison". Avec détachement, Etty va au-devant du sort qui l'attend, lucide, consentante, sans défaitisme ni résignation.

Au moment où Etty quitte Westerborg en direction d'Auschwitz, "Je souhaite être un baume versé sur tant de plaies...", elle est devenue une mystique.

"Il y a des gens que je porte en moi comme des boutons de fleurs et que je laisse éclore en moi. D'autres, je les porte comme des ulcères, jusqu'à ce qu'ils crèvent et suppurent".

Soixante-dix ans après sa mort, son témoignage interpelle toujours.


Et voilà que je trouve ma vie trop pleine de tout et de rien. Encore cette vieille nostalgie de Dieu qui remonte à la surface. Je pense à retrouver ces temps de méditations quotidiennes qui ont émaillé ma vie, sporadiquement. Ce livre et cette vie m'y engage avec douceur... Je pense à elle comme on prie une sainte...

Le convoi Documentaire, A. Bossuroy, 60 minutes, 2009 – Voyage initiatique de deux étudiants en Europe, inspirés par la lecture d'Etty Hillesum.



L'histoire d'une jeune fille qui ne voulait pas s'agenouiller

Esther Hillesum

Etty vient à nous avec ses 11 cahiers et un peu plus de 70 lettres. Au fil de son journal, Etty nous lègue des leçons inoubliables: "J'aimerais tant survivre pour transmettre à cette nouvelle époque, toute l'humanité dont je suis témoin chaque jour". Ces jours nouveaux... elle fait tout ce qui est en son pouvoir pour qu'ils se lèvent d'abord en elle-même. "Ce moi-même, cette couche la plus profonde et la plus riche en moi, je l'appelle Dieu". Etty puise sa nourriture dans les Psaumes et dans certains passages du Nouveau Testament qu'elle lit avec une grande avidité.

La foi est un mystère qui relève du secret de dieu. "Mélodiquement, le monde roule de la main de Dieu". (Albert Vérivey) Elle écrit: "Moi aussi, je voudrais "rouler mélodiquement de la main de dieu". Son objectif personnel est annoncé.

Lors d'une méditation matinale, elle a l'intuition de la beauté du monde. Expérience de fascination où elle a d'un coup la confirmation de sa place dans l'univers. Elle se sent soudainement "habitée". La beauté se trouve tout autant en elle qu'autour d'elle. "Désormais, je vis et respire pour ainsi dire par l'âme". Histoire d'une jeune fille qui ne voulait pas s'agenouiller est le titre qu'Etty voulait donner à son journal. S'agenouiller est le signe de son abandon et de son acquiescement à ce qui naît en elle. "Écouter au plus profond de moi-même et me laisser guider par une urgence intérieure".

Elle observe le jardin derrière chez elle. Elle est fascinée par le spectacle qui se déploie devant elle. "Je n'arrive pas à saisir combien ce jasmin est beau. Il est si radieux, si beau, si libre et si tendre au milieu de toute cette grisaille et de cette pénombre boueuse, comme une jeune mariée exubérante perdue dans une ruelle. Je crois à ce miracle, même si les poux doivent me dévorer d'ici peu, en Pologne". En dépit des sombres menaces qui planent, elle peut encore s'extasier devant une fleur, un nuage, un ciel. D'ailleurs, on le lui reproche: comment peux-tu encore songer à des fleurs? Le lendemain, elle achète des roses, "elles sont aussi vraies que la misère autour de moi". Les difficultés quotidiennes ne parviennent pas à étouffer son sens de l'émerveillement. "Je trouve la vie belle et je me sens libre. En moi, les cieux se déploient aussi vastes que le firmament au dessus de moi. Je crois en Dieu et je crois en l'homme, j'ose peu à peu le dire sincèrement".

Je lis Etty Hillesum, témoin de Dieu dans l'abîme du mal de Yves Bériault et cette expérience si singulière de la connaissance de Dieu me rejoint profondément dans une sorte de fulgurance.





mardi 12 juillet 2011

Une jeune femme, Etty Hillesum, s'est laissé saisir par Dieu...


Etty Hillesum est une des mystiques du dernier siècle qui peut parler aux hommes et aux femmes de notre temps. Etty est une jeune fille juive. Elle ne fréquente pas la synagogue, n'a pas de pratique religieuse particulière, elle ne semble pas connaître d'Église chrétienne. Son chemin de foi est passé par un thérapeute qui l'a aidée à se libérer de certains blocages pour trouver son unité intérieure. Ce thérapeute, certes, est devenu son amant mais surtout, il a été le messager qui l'a conduite à une véritable connaissance de Dieu. Etty nous fait découvrir Dieu qui se révèle hors de l'Église chrétienne. Elle n'a eu pour terre de croissance que quelques amis engagés, le partage de vie avec son peuple déraciné, et le camp de Westerbork devenu pour elle, temple de la présence de Dieu au milieu de tant d'horreurs et de souffrances.

Beaucoup de personnes en difficulté aujourd'hui avec l'Église vont trouver une lumière et un chemin vers Dieu à travers Etty. Dieu n'est pas lié aux structures d'une Église. Dieu est souverainement libre.

Dans un monde épouvantable en Hollande, comme dans toute l'Europe durant l'occupation nazie, Dieu s'est manifesté dans la vie de cette jeune femme juive. Dieu n'était pas absent de ce monde. Dieu n'empêche ni le mal ni la haine.

Le cri d'Etty était :"La vie est belle!" même dans les situations les plus horribles. Elle est libre d'être elle-même, libre d'aimer parce qu'elle est en Dieu.

Ce texte est de Jean Vanier, en préface du livre: Etty Hillesum, témoin de Dieu dans l'abîme du mal, écrit par Yves Bériault. Je me plonge à nouveau dans cette vie sublime et tourmentée avec une grande soif de ces paroles capables de me percuter dans une dimension de vertige spirituel.

Références antérieures sur ce blogue:

Etty Hillesum, 19/01/10
L'univers intérieur de Etty Hillesum, 20/01/10
L'éternel exercice, 02/02/10

samedi 9 juillet 2011

Le Mouvement Québec français renaît


Notre drapeau!

Est-ce que le français fout le camp? J'ai toujours une sainte frousse quand je pense à ça; les prévisions sont alarmistes et démoralisantes. Et voilà que je lis cet article dans Le Devoir, écrit par Sabrina Plante, une étudiante en maîtrise en études politiques et je m'apaise. En voici quelques extraits:

"Le 5 juin dernier, renaissait le Mouvement Québec français dans une apparente indifférence de la population et pourtant la création même d'un tel mouvement témoigne d'un soucis réel quant à la question linguistique. Les grandes mobilisations collectives se font en effet plus rares, mais la prise de position individuelle, elle, connaît un affichage en montée fulgurante : internet, médias sociaux et blogues. L'émanation du soucis collectif se fait par la somme des marques d'expression individuelle.

Une nouvelle façon de protester s'établit donc. Ce serait une erreur d'estimer que les nouvelles générations vivant aujourd'hui dans une certaine paix linguistique, n'ont que faire des vieilles revendications de leurs aînés. C'est que les nouvelles générations de francophones ne jouent plus le rôle d'opprimés comme c'était le cas jadis. Ce faisant, le sens de la lutte n'est plus dirigé contre l'anglais, mais pour le français. C'est donc sous une perspective différente que s'érige une même bataille. Même si les raisons de défendre la langue ne trouve pas écho chez tous, la langue française nous parle. C'est l'émoi d'un peuple qui se cherche encore. C'est un million de petites choses qui font qu'ici est incomparable à ailleurs. Le Québec se doit de prendre part au monde, mais il ne pourra le faire qu'en restant authentique. Chaque langue de cette planète constitue un apport incommensurable à l'humanité. Le combat linguistique est encore pertinent aujourd'hui et nous devons défendre nos barricades dans cette lutte à forces inégales."

Cet article me permet de mieux comprendre où mes enfants se situent dans ce contexte différent du mien, au même âge. Ça me fait du bien, l'espoir renaît et renaît...

Une mère et un fils


Dominicke et Gi. Tout est là.





Caroline Coulombe a commenté:
Caroline a écrit : « J'aime ta photo. J'envie les mamans qui ont des fils. J'adore mes filles mais j'ai une grande curiosité par rapport aux fils ! »

Aline Jutras a commenté:
Vous avez l'air tellement "zen"et bien! Bravo! "Be happy"




mercredi 6 juillet 2011

Ma mère a 90 ans et elle a encore de beaux yeux bleus.


Maman, Thérèse

Maman et sa fille Mimi

Maman et son petit-fils Dominicke

Maman, sa petite-fille Frédérique-Anne et son arrière-petite-fille, la Julia


Bonne fête chère maman!
Nous te trouvons si belle
Et tes yeux sont encore bleus
À quatre-vingt-dix ans!

J'ai composé une chanson pour elle, sur un vieil air de foolklore. Nous chantions tous, unis dans la conscience d'un privilège incroyable: nous avons encore notre maman! Elle est toute menue, digne et allumée. Nous lui avons rendu hommage. Elle s'est levée et debout, elle nous a remerciés. Puis, elle a ajouté, émue: "Mes enfants, je sais que je suis aimée!" Nos coeurs ont fait un bond, nous étions tous, immensément émus aussi. À travers tous ces âges d'orages et de tempêtes, tu es restée debout! Nous t'aimons infiniment, maman!

mardi 5 juillet 2011

Verlaine braqua son arme, sa cible: Rimbaud...


Verlaine est redoutablement saoûl. Il entre dans une armurerie et achète une arme et une boîte de cartouches. Il charge l'arme de trois balles. Rimbaud veut partir sur le champ pour Paris. Verlaine ferme la porte à clé et s'assied devant lui. Au terme d'une violente querelle, Verlaine sort son arme et tire sur son amant. Ce dernier est blessé au poignet. Paul, horrifié par son acte, laisse tomber le pistolet d'où s'échappe un deuxième coup. Verlaine exprima immédiatement le plus vif désespoir. Au procès, Rimbaud témoigne: " Il me mit le pistolet entre les mains et il m'engagea à le lui décharger sur la tempe".

À l'hôpital, on panse la blessure d'Arthur, bénigne. Rimbaud veut partir et Verlaine, très agité, le supplie de ne pas s'en aller. Il met la main à la poche, là où est rangée son arme et court vers son amant. Rimbaud affolé, pense que Verlaine va de nouveau tirer vers lui et il décampe le plus vite possible. Il accoste un policier qu'il conjure d'appréhender l'homme qui le poursuivait. Voilà mise en branle la machine infernale de la justice.

Rimbaud passe alors neuf jours à l'hôpital, luttant contre une forte fièvre, sa plaie est infectée. On finit par extraire un débris de munition, qui sera plus tard, produit lors du procès de Verlaine. Rimbaud retire sa plainte mais trop tard. Verlaine est condamné à deux ans de prison plus 200 francs d'amende: peine maximale. Rimbaud retourne à la ferme familiale et continue d'écrire Une saison en enfer. "Je notais l'inexprimable..."

En prison, Verlaine s'engage sur la voie du renouveau personnel. Il écrit Sagesse. Quant à Rimbaud, il est considéré comme un vandale, un pervers qui a détruit un homme talentueux et un époux honnête, il est un paria. Il part travailler en Afrique. Rimbaud n'écrira plus, ne lira plus de poésie jusqu'à la fin de ses jours. Les deux hommes ne se verront plus mais chacun restera présent dans la vie de l'autre. Verlaine publiera les oeuvres de Rimbaud et celui-ci, beaucoup plus tard rentrera en France, sans savoir qu'il est devenu une icône de la poésie. Une grosse tumeur s'est développée au niveau du genou, c'est un cancer virulent qui rapidement se généralise. Il souffre atrocement. On lui amputera la jambe. Il meurt à l'âge de 37 ans, le 10 novembre 1891.

Rimbaud est toujours vivant! Milan Kundera écrit qu'en 1868 des "milliers de Rimbaud" ont pris d'assaut les barricades, lors des révoltes estudiantines qui ont embrasé la planète. Plusieurs centaines de pèlerins viennent chaque année au cimetière de Charleville, rendre hommage à son âme tourmentée.

  • Un extrait du poème Le bateau ivre est gravé sur une dalle de granit rose:

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes,
Et les ressacs et les courants, je sais le soir,
L’aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,
Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir.


lundi 4 juillet 2011

Arthur Rimbaud, un génie rebelle


Arthur Rimbaud écrit ses premiers poèmes à 15 ans et les derniers à 20 ans. (1854-1891)

Rimbaud est le poète le plus expérimental de son temps. Il aura une adolescence rebelle. Il gribouille des obscénités sur les murs, "Merde à Dieu!" est son injure favorite. Rimbaud voit la poésie "comme un processus alchimique, une façon de transformer le réel et elle devra engager la vie tout entière et qu'à ce titre, elle s'inaugure par le rejet des conventions". C'était un adolescent exécrable, arrogant et grossier. Il renonce à sa carrière de poète à 19 ans, il part en Afrique où il gagne sa vie en faisant du trafic d'armes.

Afin de devenir poète, Rimbaud se fait "voyant, par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens". Le poète est un voleur de feu. Il est chargé d'humanité.

"J'assiste à l'éclosion de ma pensée: je la regarde, je l'écoute, je lance un coup d'archet et la symphonie fait son remuement dans les profondeurs ou vient d'un bond sur la scène... J'écrivais des silences, des nuits, je notais l'inexprimable. Je fixais des vertiges. J'avais été damné par l'arc-en-ciel".

Audacieux, il écrit une lettre à Verlaine, grand poète de son temps. Il lui expédie des poèmes. Puis, arrive de Paris la réponse décisive: " Venez, chère grande âme, on vous attend". Rimbaud va surgir dans la vie de Verlaine comme une catastrophe qu'on aurait conviée, avec dans ses poches, son plus grand poème, Le bateau ivre.

L'adolescent incarnera l'idéal érotique de Verlaine: le jeune dominateur sexuellement disponible. Un 7 juillet, Mathilde, la femme de Verlaine, envoie son époux à la pharmacie, chercher de quoi soulager un mal de tête. Il ne reviendra jamais. Il a croisé Rimbaud dans la rue. Paul part avec lui. Il ne reverra plus jamais son épouse. Recommence alors la vie errante, la vie de pauvreté et de scandales. Ils choisissent d'être des fainéants splendides et désespérés. Verlaine recommence à écrire des vers lyriques qui comptent parmi les plus purs et les plus sincères jamais écrits en français.

Extrait du livre Rimbaud, la double vie d'un rebelle de Edmund White