mardi 5 novembre 2013

Manuscrits de Tombouctou, "lieux de mémoire"


Manuscrits réduits en cendre, au Mali, par des envahisseurs extrémistes islamiques, d'autres pages volées se retrouvent sur le marché noir international.


Pour les chrétiens, les Noirs appartiennent à la lignée de Cham, le fils maudit de Noé. La couleur associée à l'obscurité renvoie aux forces de l'ombre et de l'enfer... et à Satan. Cet état de fait biblique obstrue considérablement les conditions d'une circulation d'idées si curieux que soient les Européens. Ils regardent l'Afrique "sans voir". Pendant plusieurs générations les peuples africains subsahariens, longtemps considérés comme des illettrés ont été coupé de leur propre histoire écrite tant l'oralité a pris souche dans l'imaginaire africain.

Dès lors, les habitants se sont mis à cacher leurs manuscrits, à les protéger dans des caisses, puis à les oublier. Pour protéger leurs écrits, les Soudanais ont fait croire aux premiers archéologues au Soudan, en  1912, qu'ils n'écrivaient pas leur histoire, qu'elle se transmettait uniquement par voie orale. Saadou Traoré d'en déduire que le mythe de l'oralité africaine tire sa légitimité de cette peur viscérale d'être pillé de ses biens manuscrits. Le diplomate malien Hompâté Bâ clamera au milieu du XXe siècle qu'un vieillard qui meurt c'est une bibliothèque qui brûle. L'Afrique fut mise au ban des civilisations écrites. S'ajoute à cela le traumatisme de la chute de l'Empire songhaï avec l'invasion marocaine pour mettre la main sur leurs mines de sel et qui se terminera en 1603 par un bain de sang. Tout fut dévasté. Une civilisation s'est effondrée en moins d'un siècle sans laisser (ou si peu) de traces visibles et... oubliée. 

Le chercheur tombouctien Saad Traoré, diplômé de l'École pratique des Hautes Études, l'explique sans ambages: "Il existe depuis des générations une phobie des pillages. Ceux des Marocains d'abord qui ont, lors de leur invasion, brûlé la bibliothèque d'Ahmed-Baba en 1593, puis celle d' Al-Hag du savant Umar Tal à Sagou par le colonel Archinar, le gouverneur représentant le colonisateur.



Les Touareg (groupe berbère) semblent avoir été les premiers peuples à  maîtriser l'écriture. Leur alphabet remonte vraisemblablement à la fin du néolithique. L'islamisation commencée au VIIIe siècle de notre ère a entraîné une large diffusion de l'écriture arabe grâce à la création de mosquées, d'écoles coraniques et d'universités, de nombreuses bibliothèques publiques et privées dont certaines comptaient des milliers de manuscrits en langue arabe. Près de 60 000  manuscrits ont été sauvés sur un total évalué à plus de 500 000 de la destruction grâce au gouvernement malien, la communauté internationale et les efforts de certains détenteurs. Une numérisation rapide de tous les manuscrits est commencée.

Ça c'est une belle histoire .

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