jeudi 31 août 2017

Les ''beaux yeux'' d'Alice...




Je déplace une bibliothèque et ce livre de vie 1996 glisse et me tombe dans les mains. J'ouvre et je lis: Alice est dans mes bras et dans cet abandon particulier qui tient de l'enfance, elle boit le lait de son biberon en me regardant avec ses yeux si beaux. 

Je lui dis: - Fais des ''beaux yeux'' à Mamie-Gi! - Attentivement, elle regarde  comment on fait ça ''des beaux yeux''. Puis, elle ferme doucement les yeux, cesse de téter son biberon et les ouvre aussitôt. Je lui souris, émue. Facile pour elle, de faire des beaux yeux! 

-Fais encore des beaux yeux à Mamie-Gi!- Et avec autant d'attention, elle le fait à nouveau et parce qu'elle voie mon plaisir,  elle ajoute: Encore? Je dis OUI! Et elle m'offre une profusion de beaux yeux! Cette générosité d'une tendresse qui s'offre m'a totalement bouleversée. J'ai entouré cette petite fille de tout mon amour.

J'aime Alice!

Plus tard, après le rituel du dodo et alors que je la croyais endormie, je suis allée la regarder dormir. Mais elle a senti ma présence. Elle a ouvert les yeux, m'a reconnue et elle m'a décoché un autre formidable geste de tendresse: elle m'a fait un dernier ''beaux yeux'' et ... elle s'est endormie. Je n'oublierai jamais!

Il y a de ces cadeaux que la vie me donne! Je suis en gratitude pour cette lecture si guérissante. Elle était déjà une faiseuse de confort!

Je t'aime Alice!

mercredi 30 août 2017

La danse, exutoire de souffrances


 Romain Gary et Jean Seberg


Zorba, dans le sublime film Zorba le Grec, se lève et se met à danser. Il danse farouchement la mort de son fils. Jusqu'à l'épuisement. Jusqu'à l'apaisement.

Roman Gary, dans La Promesse de l'aube, raconte l'arrivée des huissiers dans l'appartement de Vilnius, après plusieurs loyers impayés par Mina, la mère de Gary. Le jeune garçon s'élance sur le parquet débarrassé de ses meubles et des tapis pour un tango vengeur  avec une demoiselle imaginaire. Cette pensée triste qui se danse, ces adieux sans retour, c'était tout Gary. 


C'était aussi l'âme de Zorba mise à nue.

J'éprouve à mon tour ce désir puissant, immédiat de danser. De danser mes deuils. Les larmes près du coeur. Je m'y mets, ce jour-même.

Extrait tiré du livre Mariage en douce, Gary et Seberg de Ariane Chemin

dimanche 27 août 2017

Une histoire d'amour ... et de deuil


Marc Bernard (1900-1983), prix Goncourt en 1942, la plus haute consécration littéraire française


    Une histoire d'amour racontée par Bernard Émond dans le livre Ferme ton poste camarade

Elle s'appelait Else Reichmann, lui, Marc Bernard 

Il l'avait rencontrée au Louvre, devant La Vénus de Milo. Elle était autrichienne, juive, réfugiée; lui, français, écrivain.  Ils auront cette chance inespérée d'un grand amour qui ne finit qu'avec la mort d'un des deux amants. C'est Else qui partira la première, fauchée par un cancer en 1968. La vie de Marc Bernard bascule. Il voudrait mourir, mais une promesse faite à sa femme l'en empêche. Il écrira donc. Et presque toute son oeuvre, pendant les quatorze dernières années de sa vie, tournera autour de cette femme aimée et de sa disparition.

Il y aura d'abord La mort de la bien-aimée, Au delà de l'absence, puis, Tout est bien ainsi. Trois livres magnifiques, profonds et simples sur l'amour et la mort. Dans le premier livre, Marc Bernard décline toutes les facettes de leur amour, et d'abord les plus ordinaires qu'il exalte: '' Notre vie fut une longue et brève suite de jours de ce qui aurait pu ressembler à une banalité quotidienne à en juger par la manière dont nous vivions. Ceux qui prétendent que l'amour ne saurait résister à l'habitude en ont une conception basse''. 

De cette femme, il a tout aimé: sa beauté, sa grâce, son humour et jusqu'à son accent, dont elle n'a jamais pu se départir. À l'âge de 66 ans, on lui diagnostique un cancer déjà très avancé. Elle a deux mois à vivre. Le récit qu'il fait de l'agonie de sa femme qu'il a accompagnée jusqu'au dernier instant est bouleversant. La mort d'Else le laissera désorienté, brisé. Il cherchera sa femme partout, dans les objets qu'elle a laissés derrière elle, dans des photographies et films. L'absence est insupportable. Pourtant peu à peu, Marc Bernard retrouvera le chemin du monde.

Else Reichmann

Marc Bernard ne connaîtra pas d'autre amour, mais en fouillant l'absence, devant le mystère du monde, il débouchera sur une sorte d'espoir. ''Je me perds dans l'immensité de l'espace et du temps, comme si c'était là seulement que j'aie quelque chance de la retrouver. Plus cet univers est étrange plus mon espoir s'affermit car il me semble que c'est ce qu'il y a de plus improbable qui a le plus de chance de se réaliser. En un mot toutes les portes me paraissent ouvertes et il n'est  au pouvoir de personne de les murer''.

Marc Bernard ne devient pas croyant, mais il lui arrive de rêver à Dieu, qu'il ''croit parfois possible'', et son deuil le mène à une attention renouvelée au monde, par laquelle il croit  sentir la présence de sa femme. À Majorque, où il se réfugie dans une maisonnette où il a vécu avec elle, et où son souvenir ''est mêlé aux fleurs que j'embrasse, aux nuages, à la lumière''. Il écrira des pages magnifiques sur la nature. ''Je me réconcilie avec la vie et c'est toi qui m'y aide'', écrit-il. Puis enfin, ''C'est un chant de grâce qui retentit parfois en moi, quels qu'aient été la fin et les maux qui l'ont précédée. Ce qui importe c'est que j'ai eu l'honneur, le bonheur de te connaître, que je n'en aie pas été indigne''.

Je ne connais rien de plus beau sur le deuil que ces trois livres, où la douleur de la perte et la gratitude  d'avoir vécu et aimé sont intimement mêlées.

C'est bon  de reconnaître ma douleur et de la sentir qui se cherche un chemin vers la gratitude. Merci Bernard Émond de me dire que je peux aussi y arriver et de me montrer la voie par ce texte si beau.

vendredi 25 août 2017

Entrer dans une église...


Bernard Émond
''Je ne suis pas vraiment un optimiste mais je n'ai pas perdu l'espérance. Par l'attention au monde, on peut trouver la beauté''.


Je lis avec une vraie ferveur son dernier livre ''Camarade, ferme ton poste'', (2017)


Il y a peu d'endroits où je me sens aussi bien que dans une église, dans n'importe quelle église, que ce soit une chapelle isolée, une église de village ou une cathédrale du Vieux Continent. Je peux être touché par une mosquée, un temple bouddhiste ou une église orthodoxe. J'aime aussi l'austérité des temples protestants, même le baroque délirant de certaines églises, même la puissance écrasante de Saint-Pierre de Rome. Moi, qui marche beaucoup dans ma propre ville, Montréal, je regrette que si peu d'églises n'y soient ouvertes en dehors des heures de culte. Il me semble qu'on m'interdit ainsi des choses dont j'ai le plus grand besoin.

Et avant tout le silence, cet apaisement, ce bien-être qu'on ressent tout à coup. C'est que le silence d'une église n'est pas n'importe quel silence. Quelque chose l'habite. Et ce ''quelque chose'' nous touche. Le silence d'une église est plein d'une sorte de présence. Présence du divin peut-être. Rémanence ou parfum si on veut, de la foi et des prières des générations qui se sont succédé sur ses bancs. Il y a là quelque chose de très émouvant. Dans ces chemins de croix, dans ces statues, dans ces tableaux, même les plus naïfs, il y a un rappel de ce qui a été au centre de la culture occidentale depuis vingt siècles. Ce que nous sommes, ce que nous pensons  a été façonné par le christianisme. Mais quelle culture n'a pas ses côtés sombres? Faudrait-il à cause de cela préférer l'oubli de ce que nous sommes, de ce qui nous a fait? Je déplore une perte peut-être  irréparable.

Assis dans une église presque vide, je ne peux m'empêcher de penser à ce que nous avons perdu, au fait que parmi les jeunes gens, seule une petite minorité est aujourd'hui capable de décoder l'ensemble des signes présents dans une église. Qui sont ces personnages peints ou sculptés? Que représentent ces quatorze tableaux qui bordent la nef? Que signifie cette table nappée de blanc et cette chose, là, avec le petit disque blanc entouré de rayons d'or? Il ne restera bientôt plus personne pour savoir à quoi pouvait bien servir un ciboire et ce que pouvait représenter une hostie. Quelques privilégiés l'apprendront dans des cours d'histoire de l'art. Eux seuls sauront ce qui se joue dans un tableau de Léonard de Vinci, dans une fresque de Giotto ou dans une sculpture du Bernin.

Cette réflexion est la mienne aussi. Vous êtes dans ceci un miroir  touchant. Merci, monsieur Émond!

jeudi 24 août 2017

Des momies sont retrouvées partout sur la planète...



Des cadavres momifiés sont trouvés partout sur la planète. Dans des déserts enfouis sous les sables secs. Dans des tourbières préservés par la boue. Dans des glaciers conservés sous la glace et la neige. Dans des mines de sel sauvegardés par la saumure.


L'homme de sel, conservé au Musée national d'Iran

L'homme de sel fait son apparition en 2007, quand de fortes pluies ont mis à jour une momie portant des cheveux et une barbe orange vif. Il s'agissait probablement d'un mineur de l'époque romaine tué par des chutes de pierres lors d'un effondrement. La datation au carbone 14 révèle que la catastrophe a dû se produire vers 400 avant notre ère.

En 2008, la mine de sel iranienne qui fonctionnait depuis des siècles a fermé, pour permettre à une équipe de recherche internationale de vérifier si d'autres momies s'y trouvaient ensevelies. Six hommes momifiés ont été retrouvés, issus d'époques différentes.


Une mort vécue dans l'effroi le plus total


Texte d'après un article du National Geographic, 2017

Les momies canines



Ce chien de chasse momifié - les bandelettes disparues depuis longtemps - devait appartenir à un pharaon


Quelque huit millions de momies animales sont découvertes en 2010, en Égypte, dans les antiques catacombes de chiens. Ces momies vieilles de 2500 ans, sont pour la plupart des chiens, certains avaient à peine quelques heures  au moment de leur momification. 

Un nombre effarant de momies étaient rassemblées dans un complexe  funéraire de tunnels et de chambres consacré à Anubis, le dieu à tête de chacal, gardien de la vie après la mort. Mal momifiées, empilées les unes sur les autres, les carcasses se sont détériorées il y a longtemps en des tas informes. Bien que mal préservés ces momies montrent à quel point, les pèlerins égyptiens de l'Antiquité désiraient se faire entendre d'Anubis.

Plusieurs chiens mâles  du temple voisin, ont été momifiés avec beaucoup plus de soin que les autres: ''Nous pensons que ces chiens sacrés matérialisaient la présence d'Anubis sur Terre'', dit l'archéologue Salima Ikram. L'esprit d'un chien momifié transportait la prière d'une personne dans le royaume des morts. ''Et parce qu'il appartenait à la même espèce que le dieu, il avait un accès particulier à l'oreille d'Anubis'', ajoute Ikram.



Texte tiré de National Geographic, Hors-Série, 2017

La forêt, celle qui donne le ''frisson sacré''




Le pouls d'un arbre bat souvent beaucoup plus longtemps que le coeur d'un homme. Un chêne peut vivre plus de 10 siècles, un châtaignier 300 ans, un hêtre 120 ans. Ce qu'une forêt même aménagée, nous donne est sans prix: le silence, ou les souffles du vent, le mystères des chemins oubliés, les rumeurs et la présence des animaux sauvages, la peur aussi de l'imprévu, de l'inconnu. Comme la montagne, la forêt a le don de décupler nos sens, de nous rendre poreux à l'inaudible, à l'invisible. Elle éveille des sensations et des émotions endormies. Elle nous réveille, guérit nos nostalgies  et nous rajeunit.

Toutes les forêts ont un passé qui est le tissu chantant et verdoyant de l'Histoire. En ces forêts, des princes ont combattu des dragons, des rois furent assassinés et des princesses s'y sont endormies en des châteaux secrets, des guerres s'y sont déroulées. Elles sont notre mémoire.

Extrait d'un texte écrit par Jacques Lacarrière sur les forêts de France.

Quant à moi, quand je suis en forêt, silencieuse, méditative, je  marche dans les pas des Amérindiens, eux, qui étaient là mille ans avant nous; ils connaissaient les arbres qui guérissaient, et  reconnaissaient aux femmes le droit d'être cheffe de clan.  Je marche aussi dans les pas des premiers aventuriers venus de France, les ''coureurs des bois''  et qui marchaient de même, parfois contre parfois alliés dans les pas  guerriers ou sereins, des ''Indiens''. Voyages aux milliers d'embûches qui les ont menés jusqu'aux Rocheuses. 


La forêt guérit... qu'à cela ne tienne, j'ai des blessures du coeur à guérir. Je pars!