jeudi 11 avril 2013

Maude, une poète


Maude

Elle a une double-vie. Elle récolte les meilleures notes qui soient. Elle gagne le premier prix de poésie. Elle aime être amoureuse. Elle est incorrigiblement rêveuse. Elle est aimée. Mais la nuit, elle écrit. Elle gribouille sur tout papier, carnet, cahier qui lui tombent sous la main et tout à coup, elle a mille ans. Elle connaît tous les secrets des femmes,  les blessures d'amour,  les désespoirs du monde, les exultations des corps et les méandres de l'esprit. Elle laisse affluer à sa conscience ses vies antérieures...  Elle devient voyante, magicienne, prêtresse, philosophe, amante. Et quand elle s'éveille, étrange moment, ... elle a 17 ans et elle attend son autobus.  

Concours National de Poésie de Trois-Rivières 2013
Section 14-16 ans. Thème: Le bonheur
Premier prix: Maude Agin-Blais (Québec)


Il me faut le mouvement, les éclats de voix, les rires, les gestes, le contact humain.
Il me faut autre chose que cette inepsie, ces "Je t'aime" qui sonnent creux,
tous ces moments que nous n'espérons plus,
cette mélancolie qui nous prend au creux du ventre.

J'aimerais vivre dans le hall d'une gare.
J'attendrais sur chaque quai,
je serais dans chaque train, attendant et espérant,
levant les yeux vers l'horloge et ne comptant plus les heures des départs et des arrivées.
J'agripperais les vêtements des passagers, sentirais la soie et leur peau frôlant la mienne, 
j'entendrais leurs pensées les plus secrètes, goûterais la texture de leur rêves.
Je respirerais leur odeur jusqu'à devenir un peu plus eux, un peu moins moi.

Mon univers serait peuplé de longues silhouettes troubles, fugitives:
un paysage de campagne au travers de la vitre, passant trop vite
pour qu'on attrape les détails de son image,
des gens qui partent et qui reviennent, 
des visages inconnus qui deviendraient mon quotidien.

Je dormirais longtemps, partout,
et ma solitude navrée viendrait se diluer à des songes
qui ne seraient pas les miens.
Je ne sentirais plus mon coeur trop grand frapper contre ma poitrine,
ni mon âme large comme un océan se répercuter sans cesse contre les parois de ma tête.
Je serais la foule, dense, frénétique, un troupeau de bétails se mêlant et se côtoyant, sans jamais se voir.

il me faut le mouvement, les rires, les gestes, la foule.
Il me faut bouger, n'avoir jamais l'impression d'être seule.
La solitude est un étau empoisonné, qui transforme le coeur en arbre mort et desséché,
ses branches dépourvues de feuilles et d'amour attendant le retour des chaleurs de l'été.

Et peut-être, si je devenais les autres,
cette masse qui n'est jamais laissée à elle-même,
peut-être serais-je heureuse.
Parce que le bonheur n'est réel seulement que lorsque nous ne sommes plus seuls. 





Mimi écrit: "Très, très beau poème et très belle jeune fille."

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