mardi 13 avril 2010

Maude et Vincent


Maude, c'est la fille de Judith et Guy Agin et la petite-fille bien-aimée de Guy. (Le père et le fils porte le même nom). Elle a 14 ans et je l'aime. Elle vient passer du temps avec nous parfois, et c'est un réel bonheur.

Un jour, elle m'a demandé de lui raconter des histoires chaque fois qu'elle viendrait, " comme la fois, où tu m' as raconté la vie de Frida Khalo...." J'ai dit : "On commence par Vincent Van Gogh?". J'ai sorti mes livres d'art et j'ai raconté. Le prof en moi jubile toujours un peu devant une demande semblable. J'aime le personnage et l'oeuvre de ce peintre hors du commun. Et je ne suis pas la seule. Voici pour toi, Maude, un poème écrit par Jacques Prévert, cadeau offert à un autre grand poète français, Paul Éluard.

Ce poème me fait pleurer.... encore....

Complainte de Vincent

À Arles, où roule le Rhône
Dans l'atroce lumière de midi
Un homme de phosphore et de sang
Pousse une obsédante plainte
Comme une femme qui fait son enfant
Et le linge devient rouge
Et l'homme s'enfuit en hurlant
Pourchassé par le soleil
Un soleil d'un jaune strident
Au bordel tout près du Rhône
L'homme arrive comme un roi mage
Avec son absurde présent
Il a le regard bleu et doux
Le vrai regard lucide et fou
De ceux qui donnent tout à la vie
De ceux qui ne sont pas jaloux
Et montre à la pauvre enfant
Son oreille couchée dans le linge
Et elle pleure sans rien comprendre
Songeant à de tristes présages
L'affreux et tendre coquillage
Où les plaintes de l'amour mort
Et les voix inhumaines de l'art
Se mêlent aux murmures de la mer
Et vont mourir sur le carrelage
Dans la chambre où l'édredon rouge
D'un rouge soudain éclatant
Mélange ce rouge si rouge
Au sang bien plus rouge encore
De Vincent à demi mort
Et sage comme l'image même
De la misère et de l'amour
L'enfant nue toute seule, sans âge
Regarde le pauvre Vincent
Foudroyé par son propre orage
Qui s'écroule sur le carreau
Couché dans son plus beau tableau
Et l'orage s'en va calmé, indifférent
En roulant devant lui ses grands tonneaux de sang
L'éblouissant orage du génie de Vincent
Et Vincent reste là dormant, rêvant, râlant
Et le soleil au-dessus du bordel
Comme une orange folle dans un désert sans nom
Le soleil sur Arles
En hurlant, tourne en rond.



Jacques Prévert

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