mercredi 31 juillet 2013

Une femme mystique: Etty Hillesum




Etty Hillesum (1914-1943), figure spirituelle juive, auteur d'un Journal.

Les parents d'Esther sont tous deux juifs. Elle a deux frères, Jaap étudiant en médecine et Mischa, musicien au talent exceptionnel. Elle commence par étudier l'hébreu puis part étudier le droit à Amsterdam et, en 1939, elle fait une maîtrise en droit public. Elle déménage dans une maison de rapport tenue par un veuf qui l'a engagée comme gouvernante. Ils ont une liaison et elle vivra chez lui jusqu'à son départ définitif pour le camp de concentration de Westerbork, en juin 1943. Sensible et passionnée, Etty traverse des périodes  dépressives et cherche un sens à sa vie. En 1941, elle fait la rencontre du psychologue et chirologue (analyse de la personnalité à partir des mains), Julien Spier, cinquante-quatre ans, qui aura un impact majeur sur son développement psycho-spirituel. Il a suivi des cours en psychanalyse sous la direction de Carl Gustav Jung. Elle décide d'entreprendre une thérapie avec lui tout en exerçant des fonctions de secrétaire à ses côtés. Elle commence la rédaction d'un Journal intime. 

À cette époque, la situation des juifs s'aggrave d'une façon alarmante aux Pays-Bas, les juifs sont exclus des universités et le père d'Etty est destitué de son emploi de directeur au lycée de Deventer. Tous les juifs du pays sont recensés, les informations obtenues permettront ensuite d'organiser plus efficacement les rafles des juifs. Le 7 juillet 1942, Berlin décide  du destin des juifs hollandais: la "solution finale", l'extermination.  Le 20 et 21 juin 1943, 5 524 juifs sont déportés à Westerbork parmi lesquels ses parents et son frère Mischa. Le 7 septembre 1943, Etty, Mischa et leurs parents prennent place dans le train vers Auschwitz, Etty Hillesum, âgée de vingt-neuf ans, aurait péri le 30 novembre 1943. Dans ce contexte historique bouleversant, Etty Hillesum a écrit 78 lettres retrouvées ainsi que onze cahiers.

Spier l'aide à descendre dans les profondeurs de son être pour y rencontrer bientôt ce qu'elle appellera "Dieu". Elle apprend à s'agenouiller, geste embarrassant au début, mais dont elle ne pourra plus se passer. Bien que la terreur augmente de jour en jour, elle apprend à renouveler ses forces en se retirant en elle-même comme dans une cellule de monastère. Réalisant que Dieu ne peut  plus vraiment venir à son aide, elle décide que c'est à elle d'aider Dieu. En prenant pour principe d'aider Dieu, elle se rend disponible aux autres et elle se met à leur service. Etty ne considère pas que Dieu soit responsable et coupable envers l'homme mais que celui-ci l'est envers lui. Malgré tout ce qui se passe autour d'elle, elle maintient que la vie est belle et riche de sens. Elle se sent héritière d'un grand leg spirituel, cet héritage est celui d'un amour pour tous. Chaque atome de haine ne fait que rendre ce monde encore plus inhospitalier, cette terre ne pourra redevenir habitable que par cet amour "De quoi me servent toutes choses, si je n'ai pas l'amour" (1 co XIII). Elle croyait fermement que toutes les divisions entre les humains et les nations n'existaient plus en elle.

Le "religieux" n'est plus rattaché à une institution, comme auparavant. Ce qui explique en partie la raison pour laquelle Etty attire autant les croyants que les non-croyants. Elle est une femme inspirante et réconfortante.  

Extrait d'un texte d'Alexandra Pleshoyano. Je lis Les Femmes Mystiques sous la direction d'Audrey Fella

Etty, c'est "ma" sainte du XXe siècle, ses réflexions me pénètrent et lentement me changent. Je l'aime! 

Trois Sauterelles à l'Opéra




Mes deux soeurs Denise et Mimi

C'était le grand rendez-vous du tout Québec: La damnation de Faust de Berlioz avec une mise en scène fabuleuse de Robert Lepage. Nous n' avions yeux que pour  ces projections ingénieuses, originales et insolites. Des soldats montaient et descendaient de la citadelle pour aller voir les femmes,  comme des athlètes du Cirque du Soleil, hissés par des câbles quasi invisibles. Les cinq Christ en croix qui font à l'unisson une volte-face d'horreur à l'arrivée de Méphisto: inoubliable! Il y avait des irritants mais la mise en images était tellement fantastique que nous en oubliions un peu la voix faiblarde du vieux Faust. Le Méphistophélès était  fameux de même que les choeurs de l'Opéra de Québec.




Et nous, les trois soeurs, nous étions de fort belle humeur et ravies d'être ensemble. Émues d'être des soeurs qui s'aiment. Ça fait du  bien ! délicieusement !

dimanche 28 juillet 2013

Une femme mystique, Frida Kahlo

Je lis Les femmes mystiques, histoire et dictionnaire, sous la direction d'Audrey Fella.

Le terme mystique désigne un authentique mode de connaissance de Dieu, issu de l'expérience, capable de transfigurer la condition humaine. L'ouvrage répertorie 514 femmes du monde entier de l'Antiquité à nos jours, issues des cinq grandes traditions, quelques figures du chamanisme, de l'occultisme et ainsi que des agnostiques et des athées. Je commence par les femmes que je connais et que j'aime déjà.


Frida Kahlo (1907-1954)

Frida est atteinte de poliomyélite à l'âge de six ans, et à l'âge de dix-huit ans, elle échappe à la mort lors d'un violent accident d'autobus, dans lequel elle est transpercée de l'abdomen au vagin. Alitée pendant des mois, la colonne vertébrale brisée et les deux jambes écrasées, elle se met à peindre des autoportraits mélancoliques pour rompre sa solitude. Diego Rivera, peintre mexicain, deviendra le compagnon de sa vie. Cependant les infidélités de Diego mettent leur vie de couple à dure épreuve. Chacun de ses 150 autoportraits est investi d'un symbolisme évoquant la douleur et la mutilation. 

Frida introduit dans son travail passionné, chargé d'émotion et de métaphysique, le principe féminin sacré. Ses autoportraits figés ponctuent les périodes les plus noires de son existence mais invitent à trouver le courage d'aller vers l'avant. Dans l'un de ses autoportraits les plus étranges Diego et moi, elle fait apparaître le visage de Diego, incrusté à l'emplacement du "troisième oeil" entre ses épais sourcils. Mais les larmes jaillissent de ses yeux. 



Quelques mois avant sa mort, elle subit sa dernière intervention chirurgicale (sur une trentaine au total) la privant d'une jambe, atteinte par la gangrène. Frida décède. Ses cendres reposent à la Casa Azul à Coyoacan, dans une urne précolombienne. Elle ne souhaitait pas être enterrée couchée ayant trop souffert dans cette position lors de ses nombreux séjours à l'hôpital. En travers de son dernier tableau, juste avant de mourir, elle a écrit:  "Viva la vida!"

Hissée au rang d'icône, pour ses efforts héroïques face à la souffrance, Frida Kahlo enseigne à tout un chacun à travers son oeuvre qu'il n'est pas seul dans une vallée de larmes. Les douleurs les plus vives, tant physiques que psychologiques, peuvent être sublimées par l'intensité de l'amour porté à la vie, et ce faisant, lui donner tout son sens.


Autoportrait à la colonne brisée (détail)

Texte de Déborah Jenner



samedi 20 juillet 2013

L'ignoble Christophe Colomb vu par Jovette Marchessault



Jovette Marchessault (1938-2012)


Je lis De l'invisible au visible, l'imaginaire de Jovette Marchessault

Christophe colomb
texte de Marie-Claire Blais

Quelle révolte et quelle franchise dans ce portrait de Christophe Colomb que Jovette Marchessault décrit impitoyablement. "Entre-temps, tout n'est que pillage, vols, rapts, viols, tortures, menaces et coups, et baptêmes. On pend les récalcitrants, on met à feu et à sang tous les villages. Christophe Colomb souffre d'une violente crise d'arthrite et de fièvre. L'anarchie règne. Il faut y mettre fin. Mais c'est aux Indiens qui ont tué quelques-uns de leurs bourreaux que Christophe Colomb s'en prend. Il les fait poursuivre par des cavaliers et des chiens. Ce fut un massacre.

Pour Jovette Marchesseault dont le sentiment de révolte est juste et désintéressé, il faut soulever des masques, voir ce qui se dissimule dessous, les cruautés et les vices sous l'auréole de l'aventurier. Christophe Colomb, héros défricheur, découvreur, est un assassin, le complice de marchands d'esclaves en Espagne. "Ceux qui furent pris vivants furent envoyés en Espagne comme des esclaves. Des quatre cents esclaves  entassés sur des caravelles, deux cents moururent entre Madère et Cadix. Les autres moururent de maladie peu après avoir été vendus par l'archidiacre Fonceca sur le marché de Séville."

C'est le passé honteux que ne craint pas de dénoncer une écriture aussi rageuse qu'éclairante, celle d'une écriture qui fouille les plaies cachées, peignant admirablement un peuple qui fut décimé par une force ignoble, laquelle obligea ces pauvres Indiens "à s'enfuir dans les montagnes où ils s'empoisonnèrent avec du suc de manioc plutôt que de travailler comme esclaves pour Christophe Colomb. La population indigène passa de 60 000 habitants à moins de 600 survivants en moins de trente ans."

Texte tiré du premier roman de Jovette Marchesseault  Comme une enfant de la terre,  livre I



oeuvre de Jovette Marchesseault

vendredi 19 juillet 2013

Ma maman


Ma mère vient d'honorer ses 92 années de vie. Regard et sourire coquins, elle est belle!

Aujourd'hui, quand je suis allée la visiter, elle était couchée, allongée sur le côté, face au mur. "C'est qui?" a-t-elle demandé d'une voix qui dormait encore un peu. "C'est moi, ne bouge pas." Et je me suis allongée doucement contre son dos et je l'ai entourée de mon bras. Pendant vingt minutes, nous n'avons quasi pas bougé. Sa première parole fut: "C'est bon ta chaleur dans mon dos!"  Puis, elle s'est mise à parler presque à voix basse, de tout et de rien. Moment de grâce! L'immobilité de nos corps collés l'un contre l'autre participait à un mystérieux moment d'amour. Le décrire me rend émotive, l'enfant et l'adulte en moi étaient unis en une symbiose totalement harmonieuse. Je m'en souviendrai éternellement! Je t'aime, maman!

mercredi 17 juillet 2013

"Le roi Arthur" pour Olivier


Le Roi Arthur

Je travaillais à cette toile et dans mon coeur chaque coup de pinceau me rapprochait d'Olivier. Je savais que je peignais ce roi pour lui. Olivier, est un personnage insolite, original. Sa pensée est riche et profonde, il a une tête de troubadour médiéval égaré sur les routes d'un siècle à apprivoiser. Toutes les cellules de son corps sont imprégnées de la noblesse des Chevaliers de la Table Ronde. C'est un être hors du commun partagé crûment entre des émotions vives, fortes,  et des moments dramatiquement nostalgiques, séquelles de vies lointaines.

J'ai aimé cet enfant de mon amie Céline alors qu'il n'était qu'un petit bonhomme et voilà que j'éprouve encore un grand plaisir à le côtoyer. Nos rencontres sont plutôt rares, mais intenses. Nous sommes fidèles l'un à l'autre.

Il était vraiment content de recevoir cette toile . Il m'a écrit: "Je vais te revoir bientôt, c'est promis. Ma mère spirituelle me manque."

Comment ne pas être émue!!!!

lundi 15 juillet 2013

Marie-Sol et ses fils


J'aime Antoine, ce bel enfant!

Marie-Sol, c'est une pierre précieuse, elle est pétrie d'une pâte magique qui lève avec une levure d'amour. Elle laisse dans son sillage le parfum de son essence personnelle et... ça sent bon!


Antoine,  Nathan, si intéressant déjà, Marie-Sol et Guy

Sa mère m'a honorée d'une ultime requête avant de faire le grand voyage: "Reste toujours en contact avec mes enfants." Marie-Sol et Olivier étaient des petits enfants plus jeunes que les fils actuels de Marie-Sol. Et le souvenir de mon amie Céline se ravive avec la présence de cette jeune femme douée pour créer l'harmonie dans toutes les nuances complexes de la vie.  Céline ne peut  être qu'une mère émue et fière, là-haut.



Marie-Sol a écrit: Ma mère avant de partir m'a fait le plus beau des cadeau, toi!

Pierre Abélard et les femmes


 
Héloïse et Abélard, une relation charnelle qui se transforma en une union spirituelle 



Pierre Abélard, chanoine de Notre-Dame de Paris, émasculé pour avoir séduit son élève Héloïse, entreprit avec sa bien-aimée, alors abbesse au Paraclet, une correspondance qui allait devenir célèbre.

Abélard, condamné par les conciles de Sens et de Soissons, à qui le pape Innocent II avait interdit d'enseigner ou d'écrire, suggérait que les femmes étaient en réalité plus proches du Christ que n'importe quel homme. À l'obsession masculine de la guerre, de la violence, de l'honneur et du pouvoir, Abélard opposait l'âme raffinée et l'intelligence de la femme, capable de converser avec l'Esprit-Saint dans le royaume intérieur de l'âme en terme d'amitié intime.

Une contemporaine d'Abélard, l'abbesse Hildegarde de Bingen, l'une des grandes figures intellectuelles de son siècle, soutenait que la faiblesse de l'Église était une faiblesse masculine, et que les femmes devaient faire usage de la force de leur sexe en cet Âge de la femme. Mais l'hostilité traditionnelle envers les femmes ne devait pas être aisément surmontée. L'avertissement de Dieu à Ève, (chapitre 3, verset 16) de la Genèse fut utilisé à de multiples reprises pour prêcher la docilité et la soumission féminine: "Ta convoitise te poussera vers ton mari, et lui dominera sur toi."

La puissance intellectuelle vient de la curiosité mais pour les détracteurs d'Abélard, la curiosité était un péché, surtout chez une femme. Des femmes, dont les oeuvres remarquables ont émergé pendant cette période entre le XII et XIVe siècle comme Hildegarde de Bingen, se sont affirmées en dépit de handicaps apparemment insurmontables.

J'aime bien Abélard! Je lis Histoire de la lecture de Alberto Manguel


Mosaïque de photos de la tombe de Pierre Abélard et d'Héloïse
Abélard 1079-1142/Héloïse 1095-1162

Abélard, issu d'une famille noble, était théologien, philosophe, compositeur français, ses chansons d'amour pour Héloïse connurent un grand succès. Après son entrée en religion, ses travaux de théologie ont suscité la condamnation pour hérésie. Le 16 juin 1817, ses restes et ceux d'Héloïse ont été transférés au cimetière du Père-Lachaise.

dimanche 14 juillet 2013

Lire l'avenir dans les livres


Alberto Manguel

L'utilisation de passages choisis au hasard dans un livre pour prédire l'avenir est une longue tradition en Occident. Virgile fut la source favorite de divination païenne dans l'Empire; on pouvait consulter des exemplaires de ses poèmes dans plusieurs des temples dédiés à la déesse Fortune. La première référence à cette coutume, se trouve dans la biographie d'Hadrien. Désirant savoir ce que l'empereur Trajan pensait de lui, Hadrien consulta au hasard l'Encide de Virgile et découvrit les vers où Énée voit "le roi romain dont les lois rétabliront Rome." Hadrien fut satisfait; et en effet, Trajan allait adopter Hadrien qui deviendrait à son tour empereur de Rome.

À la fin du IVe siècle, le prestige attaché aux oracles et aux devins était passé au mot écrit, non seulement à Virgile mais à la Bible. Quatre siècles plus tard, l'art de prédire l'avenir jouissait d'une telle popularité qu'en 829, le Concile de Pares dut le condamner officiellement.

Au XVIe siècle, le jeu divinatoire était encore si fermement établi que Rabelais pouvait parodier cette coutume dans les conseils de Pantagruel à Panurge au sujet de son mariage: "La méthode correcte, explique-t-il, consiste en ceci: on choisit une page en ouvrant le livre au hasard; ensuite on jette trois dés et la somme des chiffres indique une ligne sur la page."

La plus célèbre illustration de cette pratique est sans doute le cas du roi Charles Ier, en visite dans une bibliothèque d'Oxford, pendant les guerres civiles à la fin de 1642. Pour le distraire lord Falkland suggéra que le roi "mit son destin à l'épreuve". Le roi ouvrit le livre à un passage du livre IV de l'Énéide et lut: " Puisse-t-il être harassé au combat par des tribus audacieuses, et exilé de son pays." Le mardi 30 janvier 1649, condamné comme traître par son propre  peuple, Charles Ier fut décapité à Whitehall.

Face à un texte, le lecteur peut transformer les mots en message qui résout pour lui une question sans rapport historique avec ce texte ni avec son auteur.

Je fais régulièrement cet exercice de divination. J'ai un livre pour cela, Livre de la sagesse. J'ai toujours trouvé des réponses intelligentes et éminemment appropriées à mes questions. J'ignorais l'origine lointaine de ce savoir. J'adore ce livre, une brique,  c'est un enchantement d'un bout à l'autre!

Le lis Histoire de la lecture de Alberto Manguel

samedi 13 juillet 2013

L'opale au coeur d'une géode


L'opale dans sa géode

Cette image est si belle, une lumière mystérieuse lovée au coeur de la matière...  Je l'offre à Pierre et à sa soeur Danielle. Le chagrin lié à l'absence d'une mère amène une transmutation du coeur. Que cette image sublime vous  inspire durant le processus de la métamorphose amorcée en  vous, par Elle!  

vendredi 12 juillet 2013

Honorer la vie qui est en nous



Après avoir exercé la chirurgie pendant plusieurs années, Thierry Janssen choisit de devenir phychothérapeute spécialisé dans l'accompagnement des patients atteints de maladies physiques
.

Je lis Confidences d'un homme en quête de cohérence écrit par Thierry Janssen

Il s'agit de comprendre ce qu'est la vie, de la vivre pleinement et de l'honorer. La vie cherche à créer la vie. Elle nous donne de quoi l'aider dans son dessein. Ceux-là qui ne vivent pas leur "légende personnelle" s'avance en marge de ce qui aurait pu être leur histoire, ils ont perdu leur joie. Regretter ce qu'on n'a pas, se plaindre de ses manques, espérer être quelqu'un d'autre empêchent de faire fructifier ses atouts et de révéler celui que l'on est naturellement, essentiellement. Nous ne faisons pas toujours ce que nous aimerions faire, mais nous pouvons décider de vouloir ce que nous faisons. En réalité, on ne peut pas tout faire.

Le meilleur moyen de donner un sens à notre vie est d'établir des liens harmonieux avec les autres. Nous pouvons décider, en conscience, dans quelle direction nous voulons continuer à exister. Chacun de nous est l'héritier du passé de nos ancêtres, porte en lui des blessures de son enfance. Il s'agit d'honorer la vie qui est en soi. "Tout ce qui ne parvient pas à la conscience revient sous forme du destin," Carl Gustav Jung

J'étais à l'hôpital et j'attendais la fin des examens de Guy. Je suis allée emprunter un crayon à l'infirmière, je voulais souligner une phrase qui m'avait touchée. En lui remettant son crayon, je lui dis:" Y a une belle phrase pour vous dans mon livre." Elle est venue s'asseoir près de moi et je lui ai lu: Avoir suffisamment foi en l'autre pour qu'il reprenne confiance en lui. Refuser de considérer une personne en souffrance comme une victime est alors un acte d'amour.

Avec une voix douce, elle m'a dit: Et à mon tour, j'aimerais partager quelque chose que j'ai vécu aujourd'hui. Un malade m'a confié: Je sais que le Parkinson prend le dessus sur moi." Il a pris ma main, l'a baisée et dans un chuchotement, il a ajouté:" Merci d'être aussi gentille avec moi!" Elle était émue. Nous étions "en lien" cette femme et moi. Inexplicablement. Établir des liens harmonieux avec les autres... disait-il....

Guy a commenté: "Ce genre d'événement particulier n'arrive qu'aux femmes. Vous savez provoquer des moments uniques, spontanément. Les hommes ne connaissent pas ce genre d'expériences. C'est beau!"

Je me dis que la vie est magique lorsque nous prenons le temps d'en observer les détails. Plus nous la vivons en cohérence avec l'essentiel, plus ce que nous observons nous rend heureux. Thierry Janssen

jeudi 11 juillet 2013

Le sacré se déploie dans un instant d'Épiphanie....


Yannick Haenel

Je suis venu à Rome parce que je voulais tout. Je voulais voir toutes les églises, tous les tableaux, toutes les sculptures, me faufiler dans chaque rue, savourer chaque détail, entrer dans le filigrane de chaque instant. Je voulais jouir des matins, aimer les nuits, connaître les corps. J'attendais la métamorphose.

Le sacré se déploie dans un instant d'épiphanie et ruisselle dans l'ouverture d'un coin de nuit. Juste une frange de pensée qui se soulève. C'est ainsi que durant mon séjour à Turin, j'eus la sensation, chaque jour plus nuancée, d'évoluer dans une promenade spirituelle. Les pins, les bouleaux m'accueillaient, les cyprès bien serrés m'accueillaient dans leur fraîcheur. Je restais là, respiré par les arbres. 

Le temps parfait existe. le temps accède à la perfection dans l'ivresse. L'ivresse est un point de joie. C'est de la contemplation que vient l'ivresse. J'étais ivre parce que les parfums, les couleurs débordaient, mon corps tournait dans la lumière. L'ivresse est la clé du calme.

... à cette manière anxieuse et douce qu'on a de vivre lorsqu'on écrit un livre.
... C'est cela pour moi, la véritable ivresse : cet instant où la parole se lève. 
... Et les rires glissent sur la peau comme des baisers.
... c'est l'heure des éclairs supérieurs." disait Rimbaud

Je lis Le sens du calme de Yannick Haenel

C'est magnifique!

Et moi, je me prépare doucement pour l'Italie!!! Et dans le même esprit: je veux tout, tout savoir et tout voir, aussi!

mardi 9 juillet 2013

L'écriture, éblouissante expérience...



Yannick Haenel est écrivain et co-créateur de la revue Ligne de risque. Par ses travaux, il appelle à l'insurrection personnelle.


Je lis Le sens du calme de Yannick Haenel


Lire, c'est rallumer à chaque instant l'étincelle sensuelle des phrases, et d'en jouir. Cette jouissance est illimitée. C'est l'élément même de la littérature. J'aime particulièrement cette étincelle dans le Saint Julien de Flaubert: c'est un matin d'hiver, Julien est parti avant le jour, seul, avec une arbalète et un trousseau de flèches; il s'approche d'un bois, accompagné de ses trois chiens de chasse. Et Flaubert note ceci: "Des gouttes de verglas se collaient à son manteau". Ces gouttes n'ont aucune utilité dans la narration: elles s'offrent en plus, comme un bijou. À travers elles, c'est la jouissance du texte qui vous salue, sa richesse qui crépite. Les gouttes de verglas sur le manteau de Julien participent de cette orgie de détails qu'est la littérature.

Il n'y a qu'un seul pays, celui qui déjoue les appartenances: ce territoire enchanté, noble et terrible, qui prend la forme d'un éclair, d'un vertige, d'un paragraphe, et vous ouvre à la dimension intérieure du langage. C'est l'autre pays. Son existence ne dépend pas du hasard.

Il n'y a plus d'obstacle: rien que les phrases qui luttent pour exister. Je cherche en tous lieux, l'occasion  pour le poétique de s'éveiller. Pour l'écrivain, c'est se rendre disponible à chaque instant pour l'arrivée du langage. L'événement le plus décisif aujourd'hui, c'est la possibilité, dans une vie, de faire l'expérience poétique. J'étais si concentré sur ce qui allait venir - sur cette venue étrange dont je voyais partout le signe - qu'il m'était impossible de faire le moindre effort pour autre chose. J'ai sorti le livre, et au hasard j'ai lu: "Éprouver le bonheur jusqu'à la terreur de l'esprit." Tout de suite, une chaleur a serpenté dans mes veines, et ma tête souriait comme sous l'effet d'une bonne grappa.

La pensée chemine entre les corps. Je me dispose chaque jour à recevoir cette chose dont j'ignore le nom. Quelque chose s'écrivait à travers moi, un souffle d'arabesques étranges, dont le filigrane se dessinait dans les veines de mon poignet, et ma joie s'élargissait.


Ce livre m'émeut. Nous l'avons offert à Maude, parce que sa dynamique personnelle d'écriture fera corps avec les mots de Heanel.

jeudi 4 juillet 2013

Martin Luther King, Robert Kennedy, et Marie-Héllène


Robert Francis Kennedy (1925-1968)


Martin Luther King et Robert Kennedy 

La voix de Martin Luther King réclamait la justice, une voix ferme et douce avec son chant semblable à la musique des Noirs; cette voix du pasteur était aussi celle d'un poète, elle parlait pour les Noirs, en leur nom. Lui aussi irritait et exaspérait ses adversaires. Parmi eux, les membres du Ku Klux Klan; ils étaient déjà prêts pour le meurtre sous leurs cagoules blanches. Quelques mois plus tôt, le pasteur noir avait été en probation pour des transgressions dans la circulation, en Géorgie. Ces délits étant mineurs et possiblement faux, le juge du comté s'ingénia avec perfidie à condamner Martin Luther King à quatre mois de détention aux travaux forcés. Il eut tout de suite d'énormes protestations contre cette sentence. Une condamnation aux travaux forcés pour un Noir, dans une prison de Géorgie, à cette époque, c'était parfois la mort par la torture.

Et ce jour-là, lorsqu'on vint réveiller brutalement l'accusé dans sa maison, lorsqu'on le rudoya en lui mettant les menottes et une chaîne aux pieds, personne ne put lui venir en aide. Ce n'est que lorsque Robert Kennedy décida d'appeler le gouverneur de Géorgie, ensuite le juge à qui il ordonna que Martin Luther King fut libéré, que la libération eut lieu. Kennedy avoua combien il était consumé par cette menace d'incarcération  ( "Yes, it just burned me, all the way up here on the plane") au sens de la brûlure de sa conscience, de l'éveil de cette conscience à la dureté du racisme qui le consumait, l'outrageait; de là, allait naître  sa poursuite de la justice contre toute discrimination raciale. Paroles prophétiques : " Demain, oui, il se pourrait bien que dans quarante ans nous ayons un président noir". On se moqua de lui. Un président afro-américain fut élu majoritairement, quarante ans plus tard, Barack Obama. Robert Kennedy avait projeté son regard au-delà du présent.

Le 4 avril 1968, Martin Luther King fut assassin.

Ce 5 juin 1968, Robert Kennedy était assassiné. Il est décédé le 6 juin 1968.

Le lis Passages américains de Marie-Claire Blais

Je me rappelle mon désarroi mêlé d'une crainte dévastatrice. Le monde était devenu fou. Cinq jours plus tard, une petite fille naissait. Sereine, Marie-Héllène faisait son entrée sur cette Terre.  J'ai ressenti une vague d'espérance puissante, l'amour et la lumière ne demandaient qu'à irradier le monde. Un jour, Marie-Héllène dira: "Mon seul credo, c'est l'Amour Universel."

mercredi 3 juillet 2013

Robert Kennedy et Martin Luther King selon Marie-Claire Blais



 Robert Kennedy 

Je lis Passages américains, de Marie-Claire Blais

Robert Kennedy savait qu'il vivait à l'ère d'une criminalité ouverte avec la guerre au Vietnam, et quelques années plus tôt, ce dont il ne guérirait jamais, l'assassinat de son frère John Kennedy, le 22 novembre 1963. Quand il apprit  l'assassinat de Martin Luther King, le sénateur devait prononcer un discours à un groupe en majorité noir. Juché sur une plate-forme de camion, son discours fut remplacé par ces quelques mots: "Mes amis, j'ai de bien tristes nouvelles pour vous et pour tous ceux qui dans le monde vénèrent la paix. Martin Luther a été tué ce soir à Memphis, au Tennessee". 

Ces instants qui furent si cruels, présageaient une descente dans un enfer de violence. On éliminait indifféremment les plus vulnérables à la tête d'un pays, qu'ils fussent gouvernants encore imprégnés d'idéalisme, d'humanité, ou prêcheur, poète comme l'était Martin Luther King, ou militant comme le fut Malcolm X, n'allions-nous pas tous les perdre, les uns après les autres, dans la même froide barbarie? 
Mais c'est surtout l'esprit qu'on voulait tuer en Robert Kennedy, Martin Luther King et Malcolm X, l'esprit de désobéissance à un ordre inéquitable, social ou racial.

De cette voix brisée, Robert Kennedy implora la foule, en ce jour d'avril 1968, d'éviter tout désir de vengeance, ..." car ce n'était pas la saine direction que devait suivre un pays. Comme Martin Luther King nous l'a appris, ferons-nous un effort pour mieux nous comprendre, afin que cette tache sanglante puisse enfin disparaître, oui, sur notre nation, notre terre". Robert Kennedy savait que cette nuit serait une nuit d'émeutes, de fusillades, de tueries. Il y avait eu en si peu de temps, trop de sang versé. Le sénateur, ce 4 avril 1968, croyant vain tout discours de consolation cita le poète Achille, "dans notre sommeil, la douleur que nous ne pouvons pas oublier se répand goutte à goutte dans notre coeur, jusqu'à ce que de notre désespoir naisse la sagesse."  Ses enquêtes et la rude droiture de son combat contre les associations de malfaiteurs, lui avaient attiré de nombreux ennemis. R.K. sentait tous ces remous hostiles, mais n'en continuait pas moins sa lutte.


"Celle que mon coeur aime!"


La Julia

Après la mort atroce de Thomas More, le sourire de cette petite fille de trois ans a lavé la tristesse qui  voulait s'installer dans mon esprit. Il faut connaître son passé pour comprendre lucidement les enjeux du temps présent; une si triste histoire avait besoin de ce sourire-là. "Celle que mon coeur aime" a écrit sa maman sous sa photo. Et, à mon tour, j'écris: " je t'aime mon p'tit coeur!"



Mimi a écrit: Elle est magnifique cette enfant!

mardi 2 juillet 2013

Thomas More est décapité ...


Thomas More (1478-1535)

Thomas More se prépare à la mort. Il subira quatre interrogatoires. On lui enlève ses livres et ses moyens d'écriture. Il garde dorénavant le silence. La composition du Tribunal est en soi révélatrice d'une volonté de condamner l'accusé. More affaibli par quinze mois d'emprisonnement écoute la lecture de l'acte d'accusation. Le "crime" de l'ex-chancelier est d'avoir parlé du roi avec malice, traîtreusement, diaboliquement. More démonte successivement toutes les charges personnelles prononcées contre lui. Il fait sa dernière plaidoirie mettant sa  compétence juridique et son talent d'orateur à plaider sa cause. Il plaide non coupable. Le Tribunal se retire brièvement, un quart d'heure! pour délibérer. Les membres du jury ont voté à l'unanimité la culpabilité de l'accusé. Condamné à la peine capitale, More ajoute :"Je prie Dieu pour qu'il protège le roi, le garde, lui donne la sécurité et lui envoie un conseil salutaire."

Thomas More est décapité le 6 juillet 1535. Dans sa "bienveillance" le roi a commué l'éviscération,  l'écartèlement et la pendaison en simple décollation. Mais avant, le roi lui a fait donner l'ordre de ne pas s'adresser au peuple du haut de l'échafaud car Thomas More était très estimé des Londoniens pour son intégrité et son équité. Le chevalier Thomas More demande à la foule de prier pour lui, puis il proclame à haute voix sa double et indéfectible fidélité : "Je meurs fidèle serviteur du roi, de Dieu premièrement."

Le corps du martyr est sans doute jeté dans la Tamise ou dans une fosse commune, comme c'était l'usage. Sa tête fut ébouillantée pour qu'elle ne put conserver l'apparence de la vie et plantée sur un piquet sur le Pont de Londres. Sa fille Margaret obtient de recueillir cette tête relique qu'elle gardera avec elle en quittant Londres. Le crâne de Thomas More repose dans l'église Saint Dunstan, lieu où il est toujours vénéré.

Dès que la nouvelle de l'exécution de More parvient dans les pays européens, la réprobation est unanime. Trois années plus tard, même Luther désapprouvera Henry VIII  d'avoir fait mourir son ancien chancelier. Plusieurs souverains manifestent leur indignation et comment ne pas évoquer la tristesse de son ami Érasme: "Thomas More dont le coeur était plus pur que la neige, dont le génie était tel que l'Angleterre n'en eut jamais de semblable..."

Quant à Anne Boleyn, son royal amant la fit décapiter moins d'un an après l'exécution de More. Thomas More fut béatifié en 1886 et canonisé en 1935. Le pape Jean-Paul II l'a fait patron des gouvernements et des hommes politiques en 2003.

Thomas More a un blog sur facebook.

Je termine le livre Thomas More, au risque de la conscience de Jacques Mulliez

Henry VIII , chef suprême de l'Église d'Angleterre


Henry VIII

Henri VIII  destitue Wolsey et le remplace. C'est  Thomas More qui est nommé chancelier du royaume d'Angleterre. Henry VIII ne lâche pas prise. Une comédie sordide est montée pendant l'été 1529 par le roi, qui se fait convoquer (!) avec la reine par un tribunal ecclésiastique nommé par ses soins pour juger en faveur de la nullité de son mariage. Bien que la reine se soit jetée à ses pieds en le suppliant:" Quand tu m'as prise pour la première fois, Dieu m'en est témoin, j'étais une vraie pucelle qu'aucun homme n'avait jamais touchée, et ta conscience me dira si je mens." Catherine s'était d'ailleurs mariée selon les usages des noces des vierges, vêtue de blanc, les cheveux épars, ce que le roi avait confirmé dans une lettre à son neveu espagnol Charles Quint. Henri VIII ose affirmer:" Tous les bons chrétiens savent quelle douleur et quel déchirement étreignent celui qui souffre en sa conscience. Je vous jure sur ma foi que cette affaire a tellement perturbé mon âme que je ne puis plus m'attacher à mon royaume et au bien de mon peuple." 

Le Parlement anglais reconnaît Henry VIII comme seul et suprême Lord de l'Église d'Angleterre. Les évêques anglais s'inclinent. La situation est paradoxale: c'est le roi qui va détenir le pouvoir spirituel alors que le pape ne garde qu'un pouvoir temporel. More est scandalisé. Le roi franchit une nouvelle étape en décidant de nommer les évêques sans l'accord préalable de Rome. Henry VIII se fait reconnaître "Chef Suprême de l'Église d'Angleterre". Thomas More demande à être déchargé de ses fonctions de chancelier. Le roi fait annuler son mariage avec la reine Catherine par l'Église d'Angleterre. L'archevêque marie en secret Henry VIII et Anne Boleyn, enceinte de la future Élisabeth première. Henry VIII et l'archevêque sont excommuniés par le pape qui déclare nul ce second mariage. Anne Boleyn boudé par la population londonienne est couronnée reine à l'abbaye de Westminster. More refuse d'assister au couronnement d'Anne Boleyn, ce qu'elle ne lui pardonnera pas. Élisabeth naît le 7 septembre et Mary Tudor, fille de la reine Catherine et du roi, est expulsée du manoir royal et traitée en bâtarde. More est convoqué pour signer l'Acte de Succession déclarant illégitime Mary Tudor et donnant priorité aux enfants d'Anne de Boleyn; il refuse. Thomas More refuse aussi le serment reconnaissant le roi, un laïque, chef de l'Église. Après ce double refus, More est mis sous résidence surveillée. Il refuse une fois encore le serment: "Ce serment, je ne peux le prêter sans hasarder mon âme en la damnation ". More est envoyé à la Tour de Londres et emprisonné pendant quinze mois.

Thomas craint la torture physique qui pourrait le faire revenir sur son engagement. Cette période est reconnue comme la plus révélatrice du cheminement  vers la sainteté de Thomas More. Il a écrit des centaines de pages rédigées dans des conditions les plus difficiles. Le Dialogue du Réconfort est considéré comme un chef d'oeuvre équivalent à L'Utopie, une somme de la sagesse humaine et chrétienne. 

Je lis Thomas More, au risque de la conscience de Jacques Mulliez

lundi 1 juillet 2013

Thomas More et Henry VIII



 Thomas More, chancelier du roi d'Angleterre (Hans Holbein)


Henry VIII, roi d'Angleterre


Henry VIII devient roi d'Angleterre. Il vient d'épouser Catherine d'Aragon, la veuve de son frère aîné. La validité de ce mariage sera au coeur de la vie politique et religieuse anglaise vingt ans plus tard. La carrière de More se déploie; il est député, donne des cours de droit, lors d'une mission en France, il apprend parfaitement le français, il devient un talentueux diplomate et dans ses temps libres il écrit Utopie où il remet en cause l'ordre établi. Le roi le nomme Conseiller Royal et lui alloue une pension annuelle. Tout semble réussir à More. En 1511, pour une raison inconnue, sa femme décède. Le mariage de Thomas More avec Alice Middleton quelques semaines plus tard seulement fera couler beaucoup d'encre. Thomas est un jeune veuf de trente-trois ans, en charge d'une maison avec quatre jeunes enfants de cinq à deux ans avec un besoin de mener une vie conjugale normale. Il adopte la fille de sa femme, il adopte aussi une autre fille dont la mère Margareth More est décédée prématurément.

La "Grande affaire du Roi"

La vérité historique interdit de parler de ce roi uniquement comme d'un Barbe Bleue aux six femmes, dont une répudiée et deux légalement assassinées. En 1518, Henry VIII règne depuis neuf ans. Sa connaissance du latin, de la théologie et des textes anciens laissaient présager que l'Angleterre serait un royaume idéal. Le faste déployé par le nouveau roi émerveille la population. Il s'entourait d'hommes de valeur, son chancelier Thomas Wolsey, Thomas More, nommé secrétaire du roi etc... 

Henry VIII est de plus en plus irrité par l'opposition papale à l'annulation de son mariage avec Catherine d'Aragon; il rend le chancelier Wosley responsable de cet échec. Il lui retire sa charge et la confie à Thomas More. C'est la première fois, en Angleterre, qu'un laïc non issu de la noblesse, est nommé à un tel poste.

En 1502, Arthur, fils aîné du roi Henri VII, meurt à 16 ans de la tuberculose. Marié depuis plus de trois mois, le jeune prince laisse une veuve de dix-sept ans, Catherine d'Aragon. Pour ne pas remettre en cause l'alliance entre l'Angleterre et l'Espagne, il est naturellement envisagé que le frère cadet d'Arthur, Henry, âgé de onze ans, épouse la veuve de son frère. Le mariage est célébré en 1509, quelques semaines après la mort du roi, son père. Le couronnement a lieu juste avant les dix-huit ans du nouveau roi Henry VIII. La nouvelle reine a 25 ans. De ce mariage naissent six enfants, dont cinq morts prématurément. Seul reste une fille Mary, la future reine, Mary Tudor. Ce mariage politique semble être heureux dans les premières années.

Henry VIII regrette pourtant de ne pas avoir d'héritier mâle pour lui succéder, même si les femmes peuvent légalement régner en Angleterre. Comme, de plus, l'alliance avec Charles Quint a été rompue, ce dernier n'ayant pas voulu épouser Mary, fille Henry VIII et de Catherine d'Aragon, le mariage avec la reine n'a plus de justification diplomatique. Mais l'idée de demander l'annulation de ce mariage répond aussi à d'autres motivations, en particulier celle d'épouser une dame d'honneur de la reine, Anne Boleyn. Jeune personne de bonne noblesse, Anne Boleyn élevée à la cour de France, est ambitieuse, voire intrigante. Sa soeur, Mary, est  déjà la maîtresse du roi, mais Anne vise plus haut: elle veut devenir reine et fait miroiter aux yeux du roi que, beaucoup plus jeune que la reine (elle a vingt ans alors que la reine en a trente-huit) elle lui donnera le fils qu'il veut avoir. Henry, jeune homme passionné, très amoureux d'Anne Boleyn, est prêt à tout pour atteindre son objectif.

Le roi, Défenseur de la Foi, connaît les textes de la Bible et pense avoir trouvé une raison morale et théologique pour justifier sa volonté de faire annuler son mariage. Cette raison repose sur deux textes du Lévitique: "Tu ne découvriras pas la nudité de la femme de ton frère" (LV 18-) et "Si un homme prend la femme de son frère, c'est une impureté; il a découvert la nudité de son frère: ils seront sans enfants."(LV 20-21) Cette phrase signifie pour Henry VIII qu'il est puni de son péché en n'ayant pas de fils. À partir de là, une longue controverse juridico-théologique commence. (Àsuivre)

Thomas Moore, au risque de la conscience, Jacques Mulliez