vendredi 29 août 2014

L'Italie




Demain, je serai en Italie: Rome, Florence, Les Cinq Terres, Venise etc... Je fais ma valise en chantant... bien décidée à faire flamboyer mes énergies!!!

Michel-ange, j'arrive!

jeudi 28 août 2014

Les trois soeurs Thibault



Trois sauterelles qui s'aiment: Denise, Mimi et Gi

Old Orchard en famille


 Le Pier d'Old Orchard



Jeannie, Alice, Jade, Julia et Michelle



David, Joé et Jacob


"Un beau David!"


La belle Alice et le confort du coeur qu'elle nous donne


Le beau rire d'Anne-Emmanuelle


Joé, prisonnier consentant


Michelle Cyr et Manou


Alice et mamie-Gi



Stéphanie et Marie-Héllène 


Le sourire de vie de Jeannie


Une Julia superbement vivante! Attention, elle prend son envol....


Michelle et la belle face de connivence de Mathieu


Moi, je le dis à la grecque : c'était un magnifique kéfi !

Michelle Cyr le dit à sa manière : C'était du bon temps d'antenne!

Marie-Héllène parlait d'Épiphanie!

Rosalie aurait dit: J'ai même envie de chanter du grégorien!

Merci la Vie! Merci à vous tous!

lundi 18 août 2014

Aimer lire et aimer les livres



Alberto Manguel et sa bibliothèque


C'est beau comme l'abandon après l'orgasme!

"Pendant des années, faute de place, j'ai gardé en caisse la plupart de mes livres. La nuit, j'avais l'impression de les entendre m'appeler. Je reste planté parmi eux un bon moment, inondé d'images, de bribes de textes mémorisés, de citations, de titres, de noms...

Je vais dormir une nuit dans ma bibliothèque afin de m'en approprier véritablement l'espace. Un ami me dit: "ce qui équivaut pour un chien, à pisser dans un coin". 

Il arrive que mes livres se révoltent  et que je doive les changer de place sur l'étagère.

Hubert Nyssen me demande si j'ai jamais pensé que le cerveau ressemble à un codex plié à la mémoire quasi illimitée: le cerveau comme un livre.

Je me sens mal à l'aise quand j'ai chez-moi des livres appartenant à quelqu'un d'autre. J'ai envie soit de les voler, soit de les renvoyer sans attendre. Un livre emprunté c'est un peu comme un visiteur qui s'incruste. Les lire en sachant qu'ils ne sont pas à moi, me donne l'impression d'une chose non terminée, qui ne procure qu'un demi-plaisir. C'est vrai aussi des livres de bibliothèques."

Ces textes sont un miroir. Hallucinant! À part un visage aimé et les splendeurs de la beauté du monde, rien ne me touche davantage qu'un trésor fait de livres vivants placés dans une belle bibliothèque.

Je lis Journal d'un lecteur de Alberto Manguel, un maître pour moi. 

Je l'aime tellement que je l'ai adopté. Il fait partie maintenant de ma famille virtuelle. Et j'aime qu'il ait vécu au Canada et qu'il y revienne. Mais sa belle bibliothèque est ailleurs!!!

J'aimerais le rencontrer, un jour....

dimanche 17 août 2014

Quelques mises au point sur le Moyen Âge...



Jacques Le Goff, écrivain médiéviste français 1924-2014

Les philosophes du XVIII siècle ont vu dans le Moyen Âge une époque obscurantiste à cause de la place qu'y faisait la religion. Les Anglais lui ont attribué un qualificatif qui lui est longtemps resté: "dark age". Attention, "moyen" ne veut pas dire "médiocre". C'est un âge intermédiaire entre deux périodes plus riches, brillantes: l'Antiquité et la Renaissance. Mais ceci n'est pas vraiment vrai car la Renaissance ce n'est pas une Révolution (guerres de religion, peste, ni une période de science). Le Moyen Âge a été traversé par toute une série de mouvements qui furent des renaissances. Celle du XIIe siècle où l'on commence à recopier les oeuvres de l'Antiquité, où l'on remet à l'honneur la pensée d'Aristote, Ciceron... L'absolutisme de la royauté ne peut être considéré comme un progrès. 




Suite au Concile de Latran, tous les chrétiens de plus de 14 ans ont été obligés de se confesser au moins une fois l'an. Un bouleversement extraordinaire: le péché qui n'était qu'une faute objective rachetée par une pénitence, devait être maintenant évalué par les prêtres. Les manuels des confesseurs sont de véritables enquêtes dans les consciences, qui leur permettaient de pénétrer jusqu'au coeur de la pensée individuelle.

Mais il y a aussi les cathédrales avec le personnage le plus important, l'évêque. Mais aussi l'Université, qui demeure la base de l'enseignement non seulement en Occident, mais dans le monde. C'est aussi au sein des villes que naît la mesure exacte de l'heure. Auparavant, il existait des heures canoniques qui scandaient la vie des moines. Ces heures ont laissé comme trace l'Angelus.

L'Église engage une lutte sans merci contre tout ce qui rappelle le paganisme. Pour commencer, la destruction des temples et des idoles puis la superposition des pratiques, des monuments et des personnages chrétiens aux prédécesseurs païens. Les collines dédiées à Mercure seront consacrées à Saint Michel, la création de monstres diaboliques  tués par des saints pour annuler les processions de grands dragons d'osier dans les rues afin d'attirer la bénédiction divine sur les récoltes.

L'Église invente le purgatoire. Pour l'Église traditionnelle, il n'y a que deux endroits dans l'au-delà, l'enfer et le paradis. Avec le purgatoire, un troisième lieu qui ne durera qu'un temps contrairement aux deux autres. La peine, une fois purgée, il n'y a qu'une issue: le paradis. Pour sortir du purgatoire, il faut bien sûr des prières, des messes, des aumônes ce qui renforce le pouvoir et les richesses de l'Église. Évidemment cela donne aussi une nouvelle solidarité aux relations entre les vivants et les morts.

La grande sottise de la chrétienté et surtout de l'Église, ce sont les croisades. Elles ont appauvri l'Occident et elles ont laissé des souvenirs de cruauté qui pèsent encore contre les Occidentaux dans les pays où elles ont été menées.

Je lis  Le Moyen Âge de Jacques Le Goff

Je lui rends hommage à ma façon, c'était un historien émérite, un érudit de l'époque médiévale.


samedi 16 août 2014

Aliénor d'Aquitaine, reine d'Angleterre et mère de deux rois



Alienor d'Aquitaine 1120-1204

Deux mois, après son divorce, Aliénor épousait Henri de Plantagenêt. Mariage d'amour pour Aliénor mais mariage de raison pour Henri. Elle apportait le duché d'Aquitaine dans la corbeille nuptiale. La mort prématurée de son père fit d'Henri le nouveau roi d'Angleterre. En 1154, Aliénor est couronnée reine d'Angleterre en même temps qu'Henri, dans l'abbaye de Westminster.

La moitié de la France restera ainsi sous occupation anglaise pendant trois siècles. Alienor mit au monde huit enfants dont Richard surnommé Coeur de Lion et Jean Sans Terre. Lors de ce règne anglais, elle aura moins de mainmise sur son époux. Elle continua de gouverner son duché d'Aquitaine. Henri avait dix ans de moins que son épouse et homme fougueux, il aura de nombreuses maîtresses et enfants illégitimes.


Aliénor et son fils Jean Sans Terre

Les années passant, la rapacité et le despotisme de Henri II devenaient insupportables. Son empire monstrueux n'était qu'une accumulation incohérente de vastes fiefs. Enivré par son omnipotence, aveuglé par une réussite quasi constante, il commit deux erreurs. La première, sa querelle avec Thomas Beckett. La seconde, sa séparation de fait avec Aliénor. Il n'avait rien à lui reprocher, elle n'avait jamais cessé d'être son alliée et la plus avisée de ses conseillers. Il n'hésita pas à humilier cette femme de grand talent en affichant sa liaison avec la belle Rosamunde. Aliénor devint alors, sa pire ennemie. Elle avait les talents d'un homme d'Etat et il n'a pas su mesurer non plus l'influence qu'elle exerçait sur ses quatre fils.

En 1170, Thomas Beckett était assassiné dans son église de Canterbery. Stupeur et scandale dans toute la chrétienté. Henri n'avait pas ordonné le meurtre de l'archevêque. Il avait déclaré: "Un homme qui a mangé mon pain, qui vient pauvre à ma cour et que j'ai élevé au-dessus de tout, voilà qu'il vient me frapper aux dents et se dresser et avilir mon règne. Personne ne me vengera de ce clerc?"

Quatre cavaliers crurent se rendre aimables en massacrant Thomas. Les conséquences de ce crime furent infinies. Henri dut renoncer aux constitutions de Clarendon qui subordonnaient l'Église anglaise à la Couronne. Il dut reconnaître l'autorité du pape et prendre la croix pour expier ses péchés. Par surcroît, les miracles fleurissaient sur le tombeau de Thomas. Avant que le pape le canonisât, le peuple le considérait déjà comme un saint. Henri ne se releva jamais entièrement du discrédit où il était tombé. De son ancien ami renié, il avait fait un martyr. Il continua à gouverner l'Angleterre et ses possessions françaises, c'est à dire exercer sa tyrannie sur ses sujets et sa propre famille. L'épouse haïssait l'époux, les fils haïssaient leur père et ils s'haïssaient entre eux.

En 1173, Aliénor et ses fils s'insurgèrent contre Henri après avoir obtenu une alliance avec Louis VII. L'insurrection embrasa l'empire entier y compris l'Angleterre. Si le roi de France avait été un roi plus guerrier, le roi Henri II aurait été perdu. Mais ce ne fut pas le cas. Le roi pardonna à ses fils mais pas à Aliénor, il l'envoya en lieu sûr. Elle sera emprisonnée pendant quinze ans jusqu'au décès d'Henri II. Richard Coeur de Lion fut couronné roi d'Angleterre, il libéra sa mère et celle-ci revint en politique et dirigea le royaume pendant que son fils quittait l'Angleterre pour rejoindre la troisième croisade. Elle a alors cinquante ans mais sa vie royale et diplomatique est loin d'être terminée. Elle restera encore plus de trente ans la personnalité politique la plus influente de France et d'Angleterre. À la mort du roi Richard, son autre fils, Jean Sans Terre, devint roi d'Angleterre. Elle est décédée à l'âge de 80 ans.



La gisante, Aliénor. J'adore qu'elle lise ainsi un beau livre pour l'éternité


Je lis Les rois qui ont fait la France, Georges Bondonove

vendredi 15 août 2014

Aliénor d'Aquitaine, reine de France



Élienor d'Aquitaine


La reine Aliénor et le roi Louis VII (1147-1149)


À la mort de son père Guillaume X, Aliénor est la seule héritière du duché d'Aquitaine. Son mariage avec le prince Louis faisait entrer dans la mouvance capétienne un très vaste territoire englobant le Poitou, la Gascogne, le Périgord, l'Auvergne et le Limousin. Mais l'Aquitaine ne s'agrégeait pas totalement à la France, elle gardait son autonomie. Le futur Louis VII avait seize ans, Aliénor, quinze. Ce roi ne connut guère que des échecs.

Le jeune roi était éperdument amoureux de sa femme et celle-ci en profita, s'occupant assidûment de politique. Elle fut la première femme française chef d'État à part entière. Elle obtient la demi disgrâce du vieux conseiller Suger et l'éviction de sa belle-mère. Subjuguant son époux par sa beauté et ses caresses, elle n'hésita pas à le jeter dans une sombre aventure d'adultère au profit de sa soeur ce qui permit au comte Thibault de Champagne, lésé, de lancer un défit  au roi, s'estimant offensé. S'ensuivit une guerre, Louis envahit la Champagne et fit incendier la ville de Vitry, 1300 personnes furent incendiées dans l'église où elles s'étaient réfugiées. Champagne capitula honteusement et il aurait perdu son comté sans l'intervention du pape et de saint Bernard. Et Louis dût remettre les terres acquises. Il avait sacrifié sans profit, des vies humaines et beaucoup d'argent. Le souvenir des brûlés de Vitry le hantera toute sa vie.

Se croyant un grand stratège et rêvant de se couvrir de gloire en devenant un chevalier de légende, il voulut  éblouir sa jeune épouse. Bernard de Clairvaux propose une  croisade. Il prononce une vigoureuse allocution puis fixe une croix de drap rouge sur la poitrine du roi. La reine Aliénor se croise également et après elle, dans l'enthousiasme,  tous les grands du royaume.  Aliénor et le roi gagnent la Terre Sainte.  Ils font une escale à Antioche, le maître d'Antioche est l'oncle d'Aliénor; ils ne se quittaient plus. Jaloux, Louis hâte son départ pour Jérusalem et Aliénor lui oppose un refus. Il amena Aliénor quasi de force, elle, femme d'envergure, cultivée, déterminée et hautaine! La mésentente paraissait d'ores et déjà sans remède. Louis VII et Conrad III empereur d'Allemagne, assiègent Damas. Le siège fut si mal conduit qu'ils échouèrent lamentablement. Conrad repart pour l'Allemagne et Louis pour la France, presque seuls. Il ne restait rien de leur superbe armée. 

À la mort de Suger, un grand homme d'état, tout se dégrada. Il ne restait plus à Louis VII qu'une faute à commettre pour ruiner l'oeuvre de son père et de Suger: la répudiation d'Aliénor impliquant la perte d'Aquitaine, une masse territoriale considérable et... le retour aux anciennes limites. Aliénor ne lui avait donné que deux filles, elle n'avait pas rempli sa mission d'assurer la pérennité de la dynastie des capets. Prétextant la consanguinité, Alienor obtient l'annulation de son mariage. C'est la première fois qu'une reine demande et obtient le divorce. Et la belle Aliénor regagna sa chère Aquitaine.

Deux mois plus tard, puissante et dans toute la beauté de ses trente ans, elle jette son dévolu sur Henri de Plantagenêt, duc de Normandie et comte d'Anjou.

Je lis Les rois qui ont fait la France, Georges Bondonove

mercredi 13 août 2014

Giacometti, et son étrange peur...


L'Homme qui marche







Alberto Giacometti 1901-1966

L'atelier de Giacometti était d'une extrême banalité, où trente-neuf ans durant, il y vécut et travailla, mais n'y mourut pas, préférant pour cela revenir chez lui, en Suisse. Il n'avait rien de remarquable cet atelier et l'artiste en convenait aisément. "Je l'ai trouvé minuscule, un trou" dira-t-il plus tard. Une pièce exiguë, haute de plafond, dont le toit crevé laissait passer la pluie et la neige, un sol de terre battue, souvent inondé. Une seconde pièce tout aussi restreinte servira de chambre à Alberto et à Annette, sa future épouse. "Nous sommes toujours allés prendre nos repas dehors" précisera-t-il. L'étroitesse des lieux ne le préoccupe pas: "Plus le temps passait, plus l'atelier grandissait". Au coeur de ce dépouillement Alberto Giacometti a trouvé sa demeure.

L'automne 1921, est l'occasion d'un événement qui a fait basculer sa vie d'un coup. Il accompagnait un vieil homme hollandais jusqu'à Venise et à leur première étape au Tyrol, celui-ci mourut d'une crise cardiaque. "Ce drame, plus j'y pense, c'est à cause de lui que j'ai toujours vécu dans le provisoire, que je n'ai cessé d'avoir horreur de toute possession. Seul l'art peut se dresser contre le dérisoire et le non-sens de la vie".

Comment reproduire la vision originelle, comment rendre compte très exactement de ce que voit l'oeil? Toute sa vie cette angoisse l'habitera et il s'y confrontera avec un acharnement, une douleur qui donne le frisson.  L'échelle d'une oeuvre, les proportions, la question de la "grandeur nature" n'iront jamais de soi pour lui. "J'ai tenté tous les essais possibles...  jusqu'à l'art abstrait". Ce détachement de la réalité, sans être nécessairement le gage d'un apaisement, amènera ses oeuvres dans un grand dépouillement et, elles seront les déclencheurs de la notoriété de Giacometti. Ses sculptures, exposées en 1928,  seront  toutes vendues en huit jours. Voici le jeune homme solitaire projeté sur la scène parisienne des avant-gardes. Mais un fossé le sépare des surréalistes. En 1934, il est exclu de leur groupe sous prétexte qu'il a recommencé à faire des portraits. Activité réactionnaire entre toutes !!! Giacometti en effet, renouait avec la figure humaine. C'est le retour à ce qu'il qualifia lui-même d'obsession de la figure, d'urgence à rendre compte de quelque chose que l'on ne verrait pas au premier coup d'oeil, quelque chose qui s'enfuit, inlassablement.

Les figures qu'il sculpte rapetissent à vue d'oeil. À peine si, bientôt, ces bustes miniatures atteindront trois centimètres. La disparition de l'oeuvre totale se profile et l'inquiète. Après quatre ans d'absence à Genève, il rapporte tout le contenu de son travail dans une grosse boîte d'allumettes !!! La solution viendra fin 1945, en se risquant à des sculptures plus grandes, il réalise qu'elles ne sont ressemblantes que " longues et minces". Jusqu'en 1965, trois sujets occuperont presque entièrement son oeuvre, un nu féminin, un nu masculin en marche, un buste d'homme. Il vit entouré d'un peuple de marcheurs filiformes, en plâtre, ombres humaines réduites à leur armature et qui ne peuvent manquer d'évoquer l'Histoire récente, "où le destin de notre siècle saigne". (Aragon)

D'après un texte de Valérie Bougault

Ces Hommes qui marchent ressemblent beaucoup à certaines sculptures égyptiennes. Références artistiques inconscientes et étonnantes. Je pense aussi que l'exiguïté de son atelier a peut-être joué dans sa façon filiforme de créer ses personnages... 

lundi 11 août 2014

Rimbaud, Le bateau ivre



Arthur Rimbaud par Fernand Léger


Le bateau ivre de Rimbaud est à la fois l'odyssée d'un bateau et d'un poète âgé de dix-sept ans à la dérive. Passeport pour "la voyance"... un très long poème.


Le bateau ivre

Comme je descendais des Fleuves impassibles
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs:
Des peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs,

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de coton anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans le clapotement furieux des marées
Moi l'autre hiver plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus! Et les Péninsules démarrées
N'ont plus subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes réveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon, j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots!

Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour`
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
fermentent les rousseurs amères de l'amour!

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants: Je sais le soir, 
L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelques fois ce que l'homme a cru voir!

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets
Pareil à des acteurs de drame très antique
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets!

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs!

J'ai suivi, des mois pleins, pareilles aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux océans poussifs!

J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D'homme! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux!

J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan!
Des écroulements d'eau au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant!

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises!
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés de punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums!

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones.
La mer dont le sanglot aisait mon roulis doux
Montaient vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

Presqu'île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds
Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir à reculons!

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseaux
Moi dont les monitors et les voiliers des Hanses
N'aurait pas repêché la carcasse ivre d'eau;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouait le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confitures exquises aux bons poètes,
Des lichens de soleil et de morves d'azur,

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets!

J'ai vu des archipels sidéraux! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts aux vogueurs:
-Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles
Millions d'oiseaux d'or, ô futur Vigueur?

Mais, vrai, j'ai trop pleuré! Les aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer:
L'acre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate! Ô que j'aille à la mer!

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi, plein de tristesses, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames
Enlever leur sillage aux porteurs de coton,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes.
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.


*Léviathan: serpent mytique que l'on trouve dans les récits bibliques. Il incarne le mal.
* Méhémot: créatures mentionnées dans le livre de Job (Ancien Testament)
* Volet: partie d'une aile d'avion
* Bonace: tranquillité avant ou après une tempête
* Dérade: dérive



samedi 9 août 2014

Rimbaud, une âme égarée parmi nous tous...



Rimbaud  1854-1891


À dix-neuf ans, au milieu de son existence, Rimbaud rendit l'âme. Sa muse est morte à ses côtés parmi ses rêves massacrés. Pourtant ce fut un prodige qui en trois ans, avait donné l'impression d'avoir épuisé l'art de générations entières. "Je vis que tous les êtres humains ont une fatalité de bonheur.  L'action n'est pas la vie mais une façon de gâcher quelque chose, un énervement". Et ... il se précipita dans le maelström. À pied, il sillonne l'Europe en tous sens, se fait toujours rapatrier malade ou sans le sou, il occupe une kyrielle d'emplois, apprend plus de douze langues. Et au lieu de faire le commerce des mots, il se livre à celui du café, des épices, de l'ivoire, des peaux, de l'or, des fusils, des esclaves. Sans arrêt, le travail qu'il hait, mais par-dessus tout l'ennui! Il n'entrera jamais dans le royaume de l'amour. 

"Je suis prêt pour la perfection" déclare-t-il. On a tellement insisté sur cette phrase: "... long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens." On a tellement disserté sur sa jeunesse débauchée, sur sa vie de bohème. N'avait-il donc pas conscience qu'il possédait un trésor, qu'il détenait la puissance, qu'il occupait une position inexpugnable, lorsqu'il était poète tout simplement? Il y a des aveuglements inexplicables. On ne peut s'étonner qu'il s'ennuyait à mourir. Il ne pouvait vivre avec lui-même. 

Vers la fin de sa vie, quand il fut "le grand malade", quand sa jambe fut coupée, une formidable tumeur s'épanouissait sur son moignon et, progressaient à travers son corps les germes sournois du cancer. Ce qui me laisse perplexe c'est sa vie, tellement à l'opposée de sa vision. "Raffinons nos doigts, c'est-à-dire tous nos points de contact avec l'extérieur". Une seule chose est claire: la joie ne l'habitait pas. Ce qui nous reste à travers la gorge c'est qu'il ait déserté l'art. "Une âme égarée parmi nous tous", voilà comment il se décrit à plusieurs reprises.

Ce poète me bouleverse profondément, ce personnage d'après me blesse le coeur.

Je lis Le temps des assassins, essai sur Rimbaud par Henry Miller

vendredi 8 août 2014

Rimbaud, l'âme la plus désespérée qui eût jamais voyagé sur terre...



Rimbaud par Fernand Léger


Rimbaud par Picasso

Henry Miller raconte:

C'était un primitif, riche de la noblesse d'un antique lignage. Il est dans notre monde et non de ce monde. Sa mission est de nous rendre insupportable ce monde borné qui nous entoure. Ce symbolisme a été conçu dans le sang et dans l'angoisse. Il est le garant de son génie. Il refusa de devenir différent de ce qu'il était en tant que poète pour assurer sa survie.

Rimbaud comme Van Gogh a vécu dans une extrême modestie dans leur vie matérielle. Un tel ascétisme n'appartient qu'aux saints. Lorsque Rimbaud eut  amassé une somme importante, il apparut qu'il pouvait s'en passer volontiers. À sa mère: "Si vous avez besoin, prenez ce qui est à moi, c'est à vous". L'homme s'évanouit pour faire place à l'oiseau d'or qui s'envole vers l'éternité.

Rimbaud fut querelleur, intransigeant, indocile jusqu'à la dernière heure. C'était l'âme la plus désespérée qui eût jamais voyagé sur terre. Certes, il est mort d'épuisement, mais non sans avoir emprunté toutes les fausses routes. "Je est un autre". Le confesseur à sa mort raconte à Isabelle, sa soeur: "Votre frère a la foi, mon enfant, je n'ai jamais vu de foi de cette qualité". C'est la foi de la dernière heure, de la dernière minute. Il semblait se préparer à recevoir la grâce divine qu'il avait par audace méprisée dans sa jeunesse. On dit qu'à l'âge de douze ans, la piété de Rimbaud était si vive qu'il aspirait au martyre. Trois ans plus tard dans Soleil et chair, il s'écrie: " Chair, Marbre, Fleur, Vénus, c'est en toi que je crois!". Il retourne vers l'innocence païenne. C'est le temps de "l'éblouissement de l'Infini". "Quelquefois, je vois au ciel des plages sans fin couvertes de blanches nations en joie".

"Même si personne ne devait plus parler de moi, même si je faisais de ma vie un désert, sachez tous qu'il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps, Je connaîtrai la vérité, j'en jouirai pour moi-même, dans ce corps et dans cette âme. Toute parole étant une idée, le temps d'un langage universel viendra!... cette langue sera de l'âme pour l'âme, résumant tout, parfum, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée en tirant".

Dans la dernière partie de sa vie, son langage acquiert un sens concret qui fait frémir. Il devient tout ce qu'il avait prédit, tout ce qui l'épouvantait, tout ce qui le mettait en fureur. Il devient l'esclave de ses lubies, de ses caprices. À la fin, il a dû capituler quand son corps n'était plus qu'un "tronçon immobile". Le reste de sa vie devint un purgatoire. A-t-il manqué de courage pour nager dans les abysses? Nous savons seulement que très tôt, il abandonna son trésor comme s'il s'en était accablé.

Sa vie reste aussi mystérieuse que son génie.

jeudi 7 août 2014

Rimbaud après sa courte vie de poète...



Rimbaud par Fernand Léger


Henry Miller raconte:

Les difficultés réelles de Rimbaud apparurent à partir du moment où il commença à gagner sa vie. Tous ses talents, combien nombreux, paraissaient inutiles. Il rejoint l'armée hollandaise à Java et déserte aussitôt. Sur un navire anglais qui refuse de faire escale il saute par-dessus bord mais on le repêche. De Vienne, il est reconduit à la frontière bavaroise par la police, pour cause de vagabondage. Il se retrouve toujours sans argent, sans cesse à pied, l'estomac vide. À Civita Vechia, on le débarque alors qu'il souffre d'une inflammation gastrique due au frottement des côtes sur l'abdomen: il a trop marché. En Abyssinie, ce sera pour  avoir trop fait de cheval. Tout à l'excès! Inhumain envers lui-même! Moi aussi j'ai marché du fin fond de Brooklyn au coeur de Manhattan, par tous les temps, tombant plus ou moins d'inanition. Je n'avais pas comme Rimbaud, une ceinture pleine d'or cachée sous mon lit. "Je n'ai pas d'amis la-bas, écrira souvent Rimbaud. "Je mourrai là où me jettera le destin". Pendant ce temps, la gloire littéraire de Rimbaud battait son plein à Paris. Il l'ignorait. Quelle malédiction! Le poète s'appliquait à enseigner le Coran aux enfants du Harrar, dans leur propre langue. Les gouvernements les vendaient comme esclaves. "Il est des destructions qui sont nécessaires..." dira-t-il.

Il commença par vouloir tout voir, tout sentir, tout épuiser, tout explorer, tout dire". Il n'eut pas à attendre longtemps pour sentir le mors dans sa bouche, les éperons à son flanc, le fouet sur son dos. Petit garçon, il en vient "à considérer comme sacré le désordre de son esprit". À ce moment-même, il était devenu un voyant. 

Comme poète, il avait dit  tout ce qu'il lui était possible de dire. Il en était conscient et c'est pour cette raison qu'il tourna délibérément le dos à l'art. Il était né pour être le poète qui allait électriser notre époque. C'était son destin. Le noyau même de son être était attaqué et le mal progressait comme le cancer de son genou. Il avait échappé de très peu à la folie lorsqu'il était jeune; et il l'évita de  nouveau à sa mort. La seule solution possible pour lui, s'il avait voulu vivre, eut été la contemplation, la voie mystique. Il a peut-être passé ses trente-sept années à s'y préparer. "Rien de rien ne m'illusionne!" s'écriait Rimbaud. Pourtant toute sa vie ne fut qu'une sublime illusion. On peut être reconnu comme un grand rebelle, mais ne jamais être aimé. Une petite lueur vacillait encore lorsqu'il s'éteignit. Il avait abandonné la poésie depuis si longtemps. Cette lueur reprit de la force et de l'intensité à mesure que se propageait la nouvelle de sa mort. (à suivre)




Essai sur Rimbaud: Le temps des assassins



Un essai sur Rimbaud, écrit par Henry Miller, publié la première fois en 1946 et traduit en français en 2000

Je lis Le temps des assassins par Henry Miller



Tout au long de son essai, Miller fait un parallèle entre son parcours d'écrivain et  celui de Rimbaud

Partout où l'on est encore attiré par la poésie et l'aventure, son nom est un talisman. On ne peut citer un autre poète des temps modernes qui ait autant que lui retenu l'attention et sur lequel on ait autant réfléchi. Un simple adolescent a ébranlé le monde. N'y a-t-il pas quelque chose de surprenant, de proprement miraculeux dans la venue de Rimbaud sur terre? comme le furent le réveil de Gautama ou l'acceptation de la croix par le Christ, ou encore l'incroyable mission de délivrance de Jeanne d'Arc.


Rimbaud subit sa grande crise à dix-huit ans, à partir de là sa vie prit l'aspect d'un immense désert. Claudel qualifia Rimbaud de "mystique sauvage". Rien ne pouvait mieux le définir. Nous remarquons surtout son incapacité à tirer les leçons de l'expérience. Ce n'est que l'interminable ronde des mêmes épreuves, des mêmes souffrances. Nous le voyons perpétuel adolescent, refusant d'accepter la souffrance ou de lui accorder un sens. 

Tout écrivain est l'auteur de quelques passages envoûtants, de phrases mémorables, mais Rimbaud en est prodigue, chaque page en est jonchée, comme des gemmes roulant d'un coffre éventré. Dès l'enfance, je fus amoureux des mots, de leur magie, de leur pouvoir d'incantation. C'est ce don qui me lie à tout jamais à Rimbaud; seul don que je lui envie. Il n'avait qu'à goûter une chose pour en connaître les promesses et le contenu. Ainsi sa vie amoureuse avec les femmes fut de courte durée.

En Abyssinie, il prendra une maîtresse mais on le devine, il ne s'agissait guère d'amour. S'il en eût, il le réserva à son boy harari. Lorsque l'on sait quelle vie il mena, il est peu probable qu'il eût été capable d'aimer de nouveau d'un coeur entier. Verlaine aurait dit à Rimbaud qu'il ne s'était jamais donné ni à Dieu ni à diable. Quant à moi, il me semble que nul autre n'aurait pu davantage désirer faire don de lui-même. Tout enfant, il se donna à Dieu; jeune homme, il se donna au monde. Dans les deux cas, il fut abusé et trahi. (à suivre)


mercredi 6 août 2014

Le Christ de Wissembourg



Le Christ de Wissembourg, la Majesté du Christ

Célèbre, le Christ de Wissembourg (Bas-Rhin) est le plus ancien vitrail figuratif intact du monde, conservé en France. Il est daté de 1060. Ses traits, faits de lignes stylisées d'une grande précision, semblent des lignes calligraphiques en raison de leur netteté et de leur expressivité. La figure du Christ dégage une grande intensité spirituelle. Les couleurs, calculées pour être vues en transparence, teintent les rayons du soleil et donnent corps à la mystique de la lumière, caractéristique des théologiens du Moyen Âge.

On le découvrit à la fin du siècle dernier dans le grenier d'une église abbatiale. La tête complétée de pièces colorées modernes vers 1950, a été peinte selon la technique décrite  par le moine Théophile dans son traité concernant la peinture sur verre, vers l'an 1100.

Cette vénérable tête se place en tête d'une révolution dans l'art du vitrail en Alsace.

J'aime bien ce sourire à peine esquissé. La pratique de cette sorte de  sourire me fait tellement de bien. (blog du 9 juillet 2014: Un sourire à peine esquissé)