jeudi 7 août 2014

Essai sur Rimbaud: Le temps des assassins



Un essai sur Rimbaud, écrit par Henry Miller, publié la première fois en 1946 et traduit en français en 2000

Je lis Le temps des assassins par Henry Miller



Tout au long de son essai, Miller fait un parallèle entre son parcours d'écrivain et  celui de Rimbaud

Partout où l'on est encore attiré par la poésie et l'aventure, son nom est un talisman. On ne peut citer un autre poète des temps modernes qui ait autant que lui retenu l'attention et sur lequel on ait autant réfléchi. Un simple adolescent a ébranlé le monde. N'y a-t-il pas quelque chose de surprenant, de proprement miraculeux dans la venue de Rimbaud sur terre? comme le furent le réveil de Gautama ou l'acceptation de la croix par le Christ, ou encore l'incroyable mission de délivrance de Jeanne d'Arc.


Rimbaud subit sa grande crise à dix-huit ans, à partir de là sa vie prit l'aspect d'un immense désert. Claudel qualifia Rimbaud de "mystique sauvage". Rien ne pouvait mieux le définir. Nous remarquons surtout son incapacité à tirer les leçons de l'expérience. Ce n'est que l'interminable ronde des mêmes épreuves, des mêmes souffrances. Nous le voyons perpétuel adolescent, refusant d'accepter la souffrance ou de lui accorder un sens. 

Tout écrivain est l'auteur de quelques passages envoûtants, de phrases mémorables, mais Rimbaud en est prodigue, chaque page en est jonchée, comme des gemmes roulant d'un coffre éventré. Dès l'enfance, je fus amoureux des mots, de leur magie, de leur pouvoir d'incantation. C'est ce don qui me lie à tout jamais à Rimbaud; seul don que je lui envie. Il n'avait qu'à goûter une chose pour en connaître les promesses et le contenu. Ainsi sa vie amoureuse avec les femmes fut de courte durée.

En Abyssinie, il prendra une maîtresse mais on le devine, il ne s'agissait guère d'amour. S'il en eût, il le réserva à son boy harari. Lorsque l'on sait quelle vie il mena, il est peu probable qu'il eût été capable d'aimer de nouveau d'un coeur entier. Verlaine aurait dit à Rimbaud qu'il ne s'était jamais donné ni à Dieu ni à diable. Quant à moi, il me semble que nul autre n'aurait pu davantage désirer faire don de lui-même. Tout enfant, il se donna à Dieu; jeune homme, il se donna au monde. Dans les deux cas, il fut abusé et trahi. (à suivre)


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