vendredi 8 août 2014

Rimbaud, l'âme la plus désespérée qui eût jamais voyagé sur terre...



Rimbaud par Fernand Léger


Rimbaud par Picasso

Henry Miller raconte:

C'était un primitif, riche de la noblesse d'un antique lignage. Il est dans notre monde et non de ce monde. Sa mission est de nous rendre insupportable ce monde borné qui nous entoure. Ce symbolisme a été conçu dans le sang et dans l'angoisse. Il est le garant de son génie. Il refusa de devenir différent de ce qu'il était en tant que poète pour assurer sa survie.

Rimbaud comme Van Gogh a vécu dans une extrême modestie dans leur vie matérielle. Un tel ascétisme n'appartient qu'aux saints. Lorsque Rimbaud eut  amassé une somme importante, il apparut qu'il pouvait s'en passer volontiers. À sa mère: "Si vous avez besoin, prenez ce qui est à moi, c'est à vous". L'homme s'évanouit pour faire place à l'oiseau d'or qui s'envole vers l'éternité.

Rimbaud fut querelleur, intransigeant, indocile jusqu'à la dernière heure. C'était l'âme la plus désespérée qui eût jamais voyagé sur terre. Certes, il est mort d'épuisement, mais non sans avoir emprunté toutes les fausses routes. "Je est un autre". Le confesseur à sa mort raconte à Isabelle, sa soeur: "Votre frère a la foi, mon enfant, je n'ai jamais vu de foi de cette qualité". C'est la foi de la dernière heure, de la dernière minute. Il semblait se préparer à recevoir la grâce divine qu'il avait par audace méprisée dans sa jeunesse. On dit qu'à l'âge de douze ans, la piété de Rimbaud était si vive qu'il aspirait au martyre. Trois ans plus tard dans Soleil et chair, il s'écrie: " Chair, Marbre, Fleur, Vénus, c'est en toi que je crois!". Il retourne vers l'innocence païenne. C'est le temps de "l'éblouissement de l'Infini". "Quelquefois, je vois au ciel des plages sans fin couvertes de blanches nations en joie".

"Même si personne ne devait plus parler de moi, même si je faisais de ma vie un désert, sachez tous qu'il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps, Je connaîtrai la vérité, j'en jouirai pour moi-même, dans ce corps et dans cette âme. Toute parole étant une idée, le temps d'un langage universel viendra!... cette langue sera de l'âme pour l'âme, résumant tout, parfum, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée en tirant".

Dans la dernière partie de sa vie, son langage acquiert un sens concret qui fait frémir. Il devient tout ce qu'il avait prédit, tout ce qui l'épouvantait, tout ce qui le mettait en fureur. Il devient l'esclave de ses lubies, de ses caprices. À la fin, il a dû capituler quand son corps n'était plus qu'un "tronçon immobile". Le reste de sa vie devint un purgatoire. A-t-il manqué de courage pour nager dans les abysses? Nous savons seulement que très tôt, il abandonna son trésor comme s'il s'en était accablé.

Sa vie reste aussi mystérieuse que son génie.

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