mercredi 13 août 2014

Giacometti, et son étrange peur...


L'Homme qui marche







Alberto Giacometti 1901-1966

L'atelier de Giacometti était d'une extrême banalité, où trente-neuf ans durant, il y vécut et travailla, mais n'y mourut pas, préférant pour cela revenir chez lui, en Suisse. Il n'avait rien de remarquable cet atelier et l'artiste en convenait aisément. "Je l'ai trouvé minuscule, un trou" dira-t-il plus tard. Une pièce exiguë, haute de plafond, dont le toit crevé laissait passer la pluie et la neige, un sol de terre battue, souvent inondé. Une seconde pièce tout aussi restreinte servira de chambre à Alberto et à Annette, sa future épouse. "Nous sommes toujours allés prendre nos repas dehors" précisera-t-il. L'étroitesse des lieux ne le préoccupe pas: "Plus le temps passait, plus l'atelier grandissait". Au coeur de ce dépouillement Alberto Giacometti a trouvé sa demeure.

L'automne 1921, est l'occasion d'un événement qui a fait basculer sa vie d'un coup. Il accompagnait un vieil homme hollandais jusqu'à Venise et à leur première étape au Tyrol, celui-ci mourut d'une crise cardiaque. "Ce drame, plus j'y pense, c'est à cause de lui que j'ai toujours vécu dans le provisoire, que je n'ai cessé d'avoir horreur de toute possession. Seul l'art peut se dresser contre le dérisoire et le non-sens de la vie".

Comment reproduire la vision originelle, comment rendre compte très exactement de ce que voit l'oeil? Toute sa vie cette angoisse l'habitera et il s'y confrontera avec un acharnement, une douleur qui donne le frisson.  L'échelle d'une oeuvre, les proportions, la question de la "grandeur nature" n'iront jamais de soi pour lui. "J'ai tenté tous les essais possibles...  jusqu'à l'art abstrait". Ce détachement de la réalité, sans être nécessairement le gage d'un apaisement, amènera ses oeuvres dans un grand dépouillement et, elles seront les déclencheurs de la notoriété de Giacometti. Ses sculptures, exposées en 1928,  seront  toutes vendues en huit jours. Voici le jeune homme solitaire projeté sur la scène parisienne des avant-gardes. Mais un fossé le sépare des surréalistes. En 1934, il est exclu de leur groupe sous prétexte qu'il a recommencé à faire des portraits. Activité réactionnaire entre toutes !!! Giacometti en effet, renouait avec la figure humaine. C'est le retour à ce qu'il qualifia lui-même d'obsession de la figure, d'urgence à rendre compte de quelque chose que l'on ne verrait pas au premier coup d'oeil, quelque chose qui s'enfuit, inlassablement.

Les figures qu'il sculpte rapetissent à vue d'oeil. À peine si, bientôt, ces bustes miniatures atteindront trois centimètres. La disparition de l'oeuvre totale se profile et l'inquiète. Après quatre ans d'absence à Genève, il rapporte tout le contenu de son travail dans une grosse boîte d'allumettes !!! La solution viendra fin 1945, en se risquant à des sculptures plus grandes, il réalise qu'elles ne sont ressemblantes que " longues et minces". Jusqu'en 1965, trois sujets occuperont presque entièrement son oeuvre, un nu féminin, un nu masculin en marche, un buste d'homme. Il vit entouré d'un peuple de marcheurs filiformes, en plâtre, ombres humaines réduites à leur armature et qui ne peuvent manquer d'évoquer l'Histoire récente, "où le destin de notre siècle saigne". (Aragon)

D'après un texte de Valérie Bougault

Ces Hommes qui marchent ressemblent beaucoup à certaines sculptures égyptiennes. Références artistiques inconscientes et étonnantes. Je pense aussi que l'exiguïté de son atelier a peut-être joué dans sa façon filiforme de créer ses personnages... 

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