mercredi 9 janvier 2013

Les impacts du deuil à retardement...



Marie de Hennezel a travaillé dix ans dans la première  unité de soins palliatifs de France. Elle est officier de la Légion d'honneur.



Je lis La Consolation de Jacques Attali


Marie de Hennezel, psychologue, raconte: Mon père s'est donné la mort à 81 ans. Nous n'avions pas pu, dans le fond, accompagner sa vieillesse. Ce drame m'a apporté cette sensibilité et cette compassion qui m'ont permis d'être particulièrement attentive quand j'ai commencé à travailler dans l'unité des soins palliatifs. Je veillais à ce que des familles ne passent pas à côté de l'occasion qui leur était offerte de dire ce qu'elles avaient à dire, d'avoir les gestes qu'elles avaient envie d'avoir. Et ça, je sais que je le dois à mon père.

J'ai vécu un deuil à retardement. Sur le moment c'était un évènement tellement violent que je l'ai mis de côté et je me suis engouffrée dans l'activité. J'ai voulu éviter la souffrance du deuil, j'ai essayé de refouler et j'ai été rattrapée plus tard. Un jour, une conjonctivite très violente a commencé à l'oeil gauche, puis s'est communiquée à l'oeil droit. Je me suis retrouvée dans mon lit durant trois jours, ne pouvant plus rien voir. Alors, j'ai réalisé que nous étions le 12 janvier, date anniversaire de la mort de mon père, lequel s'était tiré une balle dans la tempe gauche qui lui a traversé  les deux yeux. La façon dont je souffrais, des années plus tard, était directement en lien avec sa mort. C'est quelque chose de très courant en psychologie: les somatisations faisant partie du travail du deuil sont en rapport avec  la manière dont la personne est morte. Quand j'ai réalisé ce qui se passait, je me suis autorisée à pleurer pendant trois jours sous ma couette. J'ai alors compris, vraiment compris, de l'intérieur, que, si un chagrin n'était pas vécu sur le moment, il restait là, tapi en nous, pour rejaillir un jour. Quoi qu'il arrive.


C'est pour cette raison que vous avez des personnes très âgées qui, en s'approchant de la mort, sont souvent, et cela surprend beaucoup leur entourage, assaillies par des chagrins extrêmement anciens, des chagrins d'enfant, des chagrins d'adolescent liés à la mort d'une personne qu'elles ont connue et d'un deuil qu'elles n'ont pas pu vivre au moment où c'est arrivé.

Intéressant tout ça!

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