mardi 8 juillet 2014

Camus, la folie de Nietzsche et le mythe de Sisyphe



Friedrich Nietzsche, philosophe allemand

En Italie, Camus donna des conférences en 1954. Il s'est rendu au domicile de Nietzsche à Turin. À cet endroit, le philosophe avait enlacé le cou d'un cheval frappé par son cocher. Cette empathie formidable avec l'humanité souffrante marquait son entrée dans le monde de la folie. Camus avoue n'avoir jamais lu le récit de cette folie sans pleurer, probablement parce qu'il savait la fragilité qui sépare la raison de la déraison. 

À plusieurs reprises, mais aussi le jour de son discours à Uppsala, en Suède, Camus rapporte cette anecdote d'un Niezsche qui, après la rupture douloureuse avec Lou, allumait des incendies de feuilles sèches et de branches sur les hauteurs du golfe de Gênes. Camus concluait:" Leur lueur a dansé derrière toute ma vie intellectuelle".

Amor fate  enseignait Nietzsche: Aime ton destin.

Dans "Le mythe de Sisyphe", Camus raconte cette histoire d'un Sisyphe condamné de façon absurde à rouler son rocher au sommet de la montagne en sachant qu'il dévalera à nouveau la pente avant de la remonter. Sisyphe "juge que tout est bien" formule nietzschéenne à souhait. On connaît l'ultime phrase de ce livre: "Il faut imaginer Sisyphe  heureux". 

Camus n'a pas encore trente ans et cette leçon sur la douleur et la souffrance lui permet d'accepter la sienne. Nietzsche contracte très jeune une syphilis dans un bordel, il hérite en plus d'une complexion familiale favorable aux maladies psychiques. Conséquemment, le philosophe allemand développe une pathologie qui débouche sur dix années de folie avant la mort, à l'âge de cinquante-quatre ans.


Albert Camus, philosophe français né en Algérie

Pudique, Camus ne s'est guère penché sur sa tuberculose. Depuis son surgissement à l'âge de dix-sept ans, cette maladie déterminera sa vision du monde: savoir qu'on vivra une vie brève, régulièrement altérée, avec des paliers et des rémissions mais aussi des rechutes.

Pour le jeune homme qui nage et court sur les plages, aime danser avec les filles et jouer du football, fêter avec les copains et  fumer, le poumon atteint c'est la mort en soi, visible au quotidien avec essoufflements, crachats de sang, fièvres, transpirations, crises qui risquent de l'emporter. 

À quoi bon vivre puisque qu'il faut mourir? Camus a connu la tentation du suicide. Il a séduit des femmes, il a joué la comédie au théâtre, il s'est habillé et comporté en dandy, il a expérimenté le voyage en Europe, il a aspiré à changer le monde, écrit des livres et constaté que rien de tout cela ne comblait le vide absolu. "Amor fate, aime ton destin".

Je lis  Les consciences réfractaires de Michel Onfray

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