Albert Camus
Un jour funeste, le 16 octobre 1957, Camus se trouve à Stockholm pour recevoir son prix Nobel. Il rencontre des étudiants et répond à une multitude de questions. L'un d'entre eux l'interroge sur l'Algérie et lui reproche de ne rien faire pour l'Algérie et continue de l'agresser.
"J'ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s'exerce aveuglément dans les rues d'Alger et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice mais je défendrai ma mère avant la justice". Cette phrase va le tuer, il ne le sait pas encore.
Ce qu'il faut entendre par cette phrase dite est: S'il faut choisir entre la justice des terroristes et ma mère qui pourrait mourir de cette prétendue justice, je choisis ma mère et les miens. Camus a improvisé, cette parole a été lâchée dans la fatigue et l'épuisement, la lassitude du marathon infligé à chaque récipiendaire du Nobel.
L'occasion était trop belle de fausser le sens de cette parole. Le Monde titra: "Le philosophe emblématique de la justice se moque de la Justice - il préfère sa mère". Tous les ennemis de Camus jubilent à Paris. Cette version faussée a longtemps fait autorité. Encore aujourd'hui.
Camus trouve la mort le trois janvier 1960 dans un accident d'auto. Il a quarante-sept ans. L'Algérie devient indépendante en 1962. Il ne vit pas l'expulsion d'un million de pieds-noirs une fois le FLN au pouvoir. Il ne sut jamais qu'après l'indépendance, le FLN a massacré entre 30 000 et 150 000 Harkis (ils avaient soutenu la France). Il n'aura pas pu lire cette page écrite par Simone de Beauvoir qui a tant contribué, avec Sartre, à construire la légende d'un Camus incapable de lire et de comprendre les philosophes et les petits-bourgeois de droite, penseurs du colonialisme. Il ignora que le jeune homme qui l'avait violemment interpelé à Stockholm alors qu'il n'avait encore rien lu de lui, s'y mis ensuite et commença par Misère dans la Kabylie et reçut un choc. Il a tout lu de lui. Enthousiaste, il a voulu le rencontrer - avant d'apprendre que Camus était mort. Il fit le voyage à Lourmarin, au petit cimetière où repose le philosophe, pour fleurir sa tombe.
Camus souhaitait que les deux peuples puissent vivre dans le même pays en paix. Et il condamnait le régime colonial. Il n'épargnera pas les patrons, les employeurs, qui versaient des salaires de misère, affamant les ouvriers, de ce fait moins performants et, pour cette même raison, bien moins payés. Il condamnait toute violence, tout crime, tout assassinat, toute mise à mort. Il est intervenu plus d'une centaine de fois pour sauver de la guillotine des terroristes du FLN. Sartre voulait la guerre, pas Camus.
Guy porte encore au coeur la douleur de cette guerre, sa famille dut tout abandonner et quitter cette terre aimée à tout jamais.
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