mercredi 15 septembre 2010

Glenn Gould


Glenn Gould 1932-1982

Je lis Prodige de la main de Giovani Calabrese

Ce livre est fort beau. Hellen Keller dira de Mark Twain : " Je perçois le clignement de son oeil dans l'étreinte de sa main." Calabrese dira que la main humaine est la projection de l'âme et de l'esprit. Avec la main, la conscience est née.

Mais surtout, cet auteur nous raconte Glenn Gould à travers sa fixation sur ses mains.

L'image de Glenn Gould assis sur sa fameuse chaise bancale, le forçant à une inclination des coudes et des épaules qui va jusqu'à briser la ligne du cou, est la plus connue. Les photos prises alors qu'il avait 24 ans, nous permettent de voir la transformation de la posture à travers le temps. Cette position préférée qui le contraignait à des soins de psychothérapie constants favorisait selon lui, une certaine netteté dans l'attaque et permettait plus de puissance dans le développement de l'oeuvre. Gould n'a jamais cessé de rechercher une touche parfaite. Il est resté lié toute sa vie pour ainsi dire physiquement, à son clavier. Le jeu de Gould le montre souvent, emporté intérieurement par un ravissement qui le mène dans un espace séparé, coupé des contingences du monde et dans cet espace, ses mains transformées, ses bras et ses épaules deviennent l'expression de cet émerveillement. Le regard est tourné vers l'intérieur, ses yeux sont fermés et la fusion avec l'instrument est absolue. L'instrument n'est au bout du compte que l'extension de ses mains. Dans son corps transporté, nous avons accès à notre propre ravissement, nous savons que l'émotion de la musique traverse les corps.

L'histoire du soin que Glenn Gould portait à ses mains, sa crainte du froid autant que son appréhension de tout contact physique, son conflit avec le technicien de la compagnie Steinway qui lui avait donné une tape amicale sur l'épaule et dont il prétendit qu'il avait ruiné sa capacité de jouer pour toujours, tous ces éléments vont bien au-delà de l'anecdote. Ils nous donnent accès à d'autre chose: derrière le ravissement, il y a l'angoisse de perdre, la détresse du manque.

Très tôt dans sa vie, le pianiste avait pris conscience de son génie, il avait une incroyable faculté mémorielle et il avait dû s'habituer à vivre une vie d'exception faite de solitude et de phobies de toute nature. Pour le génie, les mains sont à la fois le dépôt de la mémoire et la connexion naturelle avec la musique du clavier. Gould commença à souffrir de tensions et de douleurs dans les bras et les épaules et devenir un consommateur chronique de médicaments de toutes sortes. Il apprit à souffrir de toutes les blessures, de toutes les pertes qui touchent ceux pour qui l'art repose sur leur propre corps. Glend Gould est mort à 50 ans. Les dernières images nous montrent le corps d'un adolescent prématurément vieilli. Mais ses mains sont intactes. Toute sa vie, il les avait protégées de tout contact autre que la musique. Il aurait souffert d'une forme d'autisme appelée Asperger. C'est l'un des plus grands pianistes du XXe siècle.



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