mardi 14 mai 2013

Les premiers esclaves pascuans





 Les navires qui, au cours du XIXe siècle, font escale à l'île de Pâques ont des intentions carrément dévastatrices. En 1805, la goélette américaine Nancy jette l'ancre et le malheur ne tarde pas à s'abattre sur l'île. Dès qu'ils débarquent, ses marins font la chasse indistinctement aux hommes et aux femmes: vingt-deux Rapanui sont enlevés et mis aux fers. En pleine mer, trois jours plus tard, alors que le navire s'approche des îles Juan Fernandez, les prisonniers sont dégagés de leurs fers et à peine ont-ils accès au pont supérieur qu'ils se jettent à l'eau. Sans doute, périront-ils noyés. Les femmes, elles, ne reviendront jamais.  Sur cette île déserte, la chasse aux phoques, leur dépouillage, requièrent de la main d'oeuvre. La chasse à la baleine aussi.
Le pire est à venir, pendant un demi siècle, les îles de la Polynésie subiront des razzias de la part des explorateurs européens. Hormis les captures d'esclaves, ceux-ci commettront de multiples viols sur des femmes qui ensuite seront jetées à la mer.

Les marins de passage ne sont pas tous en bonne santé. Parmi d'autres maladies contagieuses, la petite vérole et la syphilis font des ravages dans toutes les îles du Pacifique. Au XIXe siècle, l'effondrement démographique y est spectaculaire.

Le guano (excréments d'oiseaux  et de chauve-souris), exporté comme engrais, est une véritable mine d'or pour le Pérou. La main d'oeuvre s'épuise et s'intoxique, elle sera donc renouvelée régulièrement. En décembre 1812, des mercenaires à la solde des négriers péruviens sont envoyés sur l'île de Pâques. L'esclavage étant aboli, ils sont porteurs de contrats en bonne et due forme, peu compréhensibles pour ceux qui ne parlent pas leur langue, certains Pascuans accepteront de plein gré. Mais les esclaves manquent, alors les négriers reviennent. Sans états d'âme, ils embarquent de force plus de la moitié des autochtones. Mille quatre cents d'entre eux seront déportés, dont les scribes, les prêtres, le roi Kamakoi et son fils Maurata. Le drame est sans précédent. En une seule année, plus de trente-trois bateaux-négriers vont ainsi se servir sur la plupart des îles de la Polynésie. Apprenant le sort des Rapanui, Mgr Jaussen, évêque de Papetee, fait appel à Edmond de Lesseps, ambassadeur de France à Lima. Intervenant auprès du gouvernement péruvien, il réussit à faire rapatrier une centaine de survivants. Atteignant l'île de Pâques, après une traversée longue de plusieurs semaines, quinze sont encore vivants, mais porteurs de la variole.

"Il n'y a rien sur l'île que l'on put voler ou vendre, sauf le corps de ses habitants". (Luis Mizon) Ce qui fut fait!

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