mercredi 28 mai 2014

Henry de Monfreid, l'aventurier fabuleux



Henry de Monfreid 1879-1974



Henry de Monfreid sur la Mer Rouge

De Henry de Monfreid, l'image qui surplombe toutes les autres, est celle d'un homme au corps sec, au torse dénudé et tanné par le soleil, aux yeux vifs et au visage émacié, les cheveux encerclés d'un turban oriental qu'adoptent les marins des mers du Sud. Ces mers, Henry de Monfreid les a parcourues à bord d'équipages locaux et bigarrés, pour y faire commerce de perles et trafic de haschich, et de morphine même, y croiser des pirates, esclaves et eunuques et surtout y puiser la matière de la considérable oeuvre romanesque qu'il a laissé à tous ses lecteurs affamés d'aventures.

Depuis sa propriété de l'Indre, celui qui s'est rebaptisé Abd-el-Haï, "l'esclave du vivant" n'a cessé d'entretenir le souvenir sulfureux et magique de ses pérégrinations. Le lecteur est propulsé au coeur de terres peuplées de crabes géants et de cimetières d'éléphants.  "Le hasard - Dieu pourrait-on dire! - m'a mis à même de me révéler alors que je m'ignorais. Pour moi, cette aventure, ça été le désir de me sentir un homme. J'ai toujours eu une sorte de honte à appartenir à un troupeau où je n'étais rien. J'ai voulu me lancer vers des pays lointains. J'ai toujours eu dans ma vie de terribles aventures parce que j'ai entrepris des tâches qui étaient au-dessus de mes forces.

J'ai décidé de quitter l'Europe et je suis parti à Djibouti, en Afrique, parce qu'un de mes amis m'avait offert une place de commis pour acheter du cuir et du café, mais j'avais la hantise des petits voiliers que je voyais mouiller dans la rade. On savait qu'ils achetaient des armes pour les porter dans des pays où personne n'était allé. Et je me suis mis dans la tête d'y aller. Seulement il fallait être accepté, gagner leur confiance. Les Européens étaient tellement méprisants! Révolté par le mode de vie colonial, je me suis fait musulman, je me suis fait circoncire, je me suis presque habillé comme eux. J'ai acheté un petit bateau et je suis parti avec trois hommes de la mer Rouge pour vendre une douzaine de fusils que j'avais achetés. Peu à peu, j'ai fini par m'infiltrer dans leur milieu, j'ai appris leur langue et en plus difficile, il me fallait vivre pieds nus. Il y a une vieille légende qui raconte que des gens ont mis des clous aux pieds de leur Dieu et depuis, paraît-il, en punition du Ciel, ils ne peuvent plus marcher, il leur faut des chaussures particulières.

Je ne songeais pas du tout à écrire mais lors de ma rencontre avec Joseph Kessel  celui-ci m'a poussé à décrire ces pays étranges où personne n'était jamais allé. Alors j'ai pris des notes, j'ai fait des journaux de bord, ce sont de véritables petits livres que j'ai accumulés. Celui qui lira cela plus tard revivra un peu ce que j'ai vécu. Son cerveau vibrera comme a vibré le mien. C'est une manière d'immortalité au fond. Je me souviens de cette prière de mon ami Teilhard de Chardin: "Mon Dieu, donnez-moi d'entendre toujours et de faire entendre aux autres l'immense musique des choses".



Monfreid meurt en France à l'âge de 95 ans

Son premier ouvrage Les mystères de la Mer Rouge rencontre un succès immédiat. Il écrira soixante-quinze livres, traduit en plusieurs langues. Il deviendra un écrivain célèbre, un des grands écrivains aventuriers du XXe siècle. Il fut un ami de Gauguin, de Teilhard de Chardin et l'abbé Breuil, deux célèbres paléontologues et archéologues. En 1926, il participe à l'assassinat de l'homme qui l'avait trahi, Joseph Heybou. Il fit un bref séjour en prison. À quarante-quatre ans, il vend à l'Égypte douze tonnes de haschich à la barbe des Anglais. Il investit la somme dans une usine électrique et une minoterie.

Joseph Kessel fasciné par le personnage de Henry de Monfreid a écrit Fortune carrée. Ce roman met en scène un aventurier inspiré de Henry de Monfreid, celui-là même qui accompagna Kessel dans sa mission d'enquête sur le trafic des esclaves en mer Rouge.

Hergé aurait dessiné sous les traits de Henry de Monfreid le capitaine qui sauve  Tintin et Milou de la noyade en Mer Rouge dans Les cigares du Pharaons.


Je lis  Les grandes Heures. Les entretiens ont été réalisés par Paul Guimard

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