jeudi 15 mai 2014

Henry Miller, le romancier sulfureux....



Henry Miller, 1891-1980

Henry Miller répond aux questions de Georges Belmont:


À l'adolescence, j'adressais à Dieu cette prière: "Dieu, faites de moi un écrivain."

J'étais arrogant, je méprisais les autres, je voulais changer le monde. Mais en écrivant j'ai changé mes idées. Aujourd'hui, je n'ai aucune idée de changer le monde et quand je suis serein, bien avec moi-même, calme, tranquille, je me dis: peut-être après tout que le monde est bien comme il est. J'ai accepté la condition humaine, pour ainsi dire. J'espère que c'est par sagesse que je dis cela. C'est une grande faute de vouloir changer le monde.

L'ennemi est dedans, il ne vient pas du dehors. J'ai bien compris ça. Je suis mon propre ennemi. Aussi, c'est très important d'accepter l'autre qui n'est pas avec vous. C'est pourquoi j'aime tellement saint François d'Assise... parce qu'il acceptait tout, même les athées. Il a fait mieux que Jésus à mon avis, dans un sens.

Je ne parle que de mes amours sexuelles. Le vrai amour, le grand amour, je n'en parle pas. Peut-être un peu pour ce qui est de Mona. Il y a des femmes dont je ne fais pas du tout mention dans mes livres. Je ne le veux pas. Il y a là quelque chose de sacré. Les liaisons, c'est autre chose. Et puis, aussi, j'aime bien me présenter plutôt sous the evil side, le côté méchant. Le diable au lieu de l'ange.

Je n'aime aucune religion, je n'en accepte aucune. Pour moi toutes les religions sont des idioties, elles sont mauvaises pour l'homme. En même temps, je crois en une chose, qui ressemble à une religion: je crois à une vie entre moi-même et Dieu, à un lien avec le cosmos; je crois à une intelligence suprême et que nous ne  pénétrerons jamais le mystère de la vie. Il faut l'accepter.

William Blake dit: "Les tigres de la colère sont plus sages que les chevaux du savoir". Si l'on suit le coeur, il y aura des conflits de passion certes, mais peu importe, c'est beaucoup mieux que de mener une vie dans la tête, par la raison, la logique etc... C'est idiot de penser qu'on puisse arriver à la perfection sans vivre des conflits. C'est la vie morte. C'est pourquoi on n'aime pas le paradis, on choisit toujours l'enfer! William Blake a écrit: "C'est par l'enfer qu'on arrive au paradis". Je ne peux pas m'imaginer une vie de paradis.

Je crois que dans toute l'histoire de l'homme, celui-ci n'a jamais commencé à vivre comme un homme. Il lui faudra un grand choc pour devenir un homme et surmonter cette condition dans laquelle il vit maintenant et depuis des siècles. Il lui faut un grand psychanalyste.


Anaïs Nin

En 1970, la radio française diffuse la voix d'un auteur les plus décisifs du XXe siècle: Henry Miller. Gosse des trottoirs de New-York, autodidacte contestataire, Miller abandonne très vite la sécurité pour se consacrer entièrement à l'écriture. Il débarque à Paris où il mène une vie de vagabond, sans toit ni pain, puis de bohème hédoniste et sulfureux, dans le sillage d'Anaïs Nin. De ces 10 années vécues à Paris entre 1930 et 1940, Miller conserve une connaissance quasi parfaite de la langue française. Il est toujours resté en contact avec son ami Blaise Cendrars pour lequel il avait une immense admiration. Il accorde une grande place aux remous des passions.

En 1961, la censure contre ses livres Les  Tropiques et la Crucifixion est levée. Ses livres étaient catalogués pornographiques. En 1973, sa santé se détériore, il perd progressivement l'usage de son oeil droit. Il meurt en 1980.

Extraits du livre les  Grandes Heures, entretiens menés par Georges Belmont


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