Jean Daniel Benzaïd est un écrivain et journaliste français, fondateur du Nouvel Observateur
Je lis Miroirs d'une vie de Jean Daniel
Peut-on vivre après la Shoah? Sans cette distance qui réussit à mettre les intempéries entre parenthèses, nous ne saurions jamais être que des survivants ballottés par l'instant. Or, aucune de ces agressions, aucune de nos épreuves n'a réussi à me détourner d'une gourmandise irrépressible de la vie, de la volupté procurée par la mer, de la somptuosité d'un paysage méditerranéen et de la gloire des femmes. Rien ne m'a jamais fait cesser d'attendre les oranges sanguines de février et les raisins muscats de septembre. Les forces de l'esprit, la vigueur animale des sens et la nature des choses nous abritent de la mort.
Né en Algérie française et juif descendant probablement des Berbères il y a des siècles, je n'ai vraiment commencé à découvrir ma terre natale qu'avec les grands textes littéraires qui lui étaient consacrés dans la langue française. C'est Pierre Loti qui le premier m'en a dit les tristesses et les charmes et qui m'a appris à connaître l'humiliation. C'est Gide qui a chanté les sortilèges de Blida où je suis né. C'est Montherlant qui a découvert à Alger qu'il y avait encore des paradis. Et il m'a fallut attendre Camus pour que Noces me révèle une magie tantôt païenne, tantôt panthéiste qui m'habitait sans que j'en eusse conscience. Quant aux Arabes, qui étaient en réalité des Kabyles, me semblaient trouver leur vérité qu'au travers de la France. Et l'histoire des Berbères me passionnait.
Je ne parlais pas arabe, mes parents ne pariaient pas sur un avenir arabe. Mon Algérie était pénétrée, colorée et irriguée par la France. Je ne savais pas non plus l'hébreu sauf quelques prières. J'ai été élevé dans un univers où l'on considérait avec bonne conscience que la civilisation arabe était inférieure et qu'il fallait tout faire pour la hisser jusqu'à nous. C'est en Tunisie, dans la compagnie des artistes et des écrivains de Sidi Bou Saïd que j'ai eu mes premiers vrais amis arabes. Mais c'est dans un hôpital, où j'ai été soigné à leurs côtés, qu'il m'a semblé découvrir, à travers la tendresse des Tunisiens, une des faces secrètes de l'énigme de l'âme arabe, celle du don.
Je veux faire à qui j'aime le plus précieux des présents où le soleil part...
Alors je te ferai don d'un palmier pour que ses palmes te soient louanges (Charles Roy)
Je veux faire à qui j'aime le plus précieux des présents où le soleil part...
Alors je te ferai don d'un palmier pour que ses palmes te soient louanges (Charles Roy)
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