Félix Leclerc, 1914-1988
Je lis La voix de mon père écrit par sa fille Nathalie Leclerc. Suivent quelques extraits...
- Vous vous rendez compte? j'ai 73 ans et j'apprends encore des mots nouveaux!
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- Qu'a fait ton père aujourd'hui?
- Il a regardé.
Un poète. Une splendeur. Un regard différent qui illumine la journée, même si celle-ci est mauvaise. Même si elle lui demande un peu plus de force pour marcher, pour se déplacer. Parce qu'il y a le merle qui chante vers midi ou la découverte de cette rose qui aura enfin éclos sur la tête du rosier.
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Mon héros cherche son souffle maintenant, il ne chante plus comme le violoncelle, mais il écoute le frémissement de la rigole avec la même intensité qu'un air de Schubert. Il devient cette terre qu'il aime, ces chênes inébranlables devant notre demeure, son camp du bout du monde.
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Deux adultes et un enfant sortent d'une voiture. Ils offrent une bible à mon père. Il les regarde quelques minutes et leur dit dans un chuchotement, avec tout le respect du monde: ''Vous me dérangez, j'étais en train de prier''. Les étrangers reculent à petits pas, confus, étonnés, et quittent notre champ splendide. Le silence après leur départ est aussi majestueux qu'une matinée de début de vacances d'été.
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- Attends!
C'est la voix de mon père. Il traverse le salon en robe de chambre, prêt à aller se coucher. Le frottement de ses pantoufles sur le plancher devient battement du coeur. Il me prend dans ses bras.
- N'oublie jamais que je t'aime.
Bouleversée par cette phrase, je soulève ma tête et je plonge mon regard dans le sien. Ses yeux gris fatigués m'apportent une bonté infinie. Au volant de ma Renault 5, je pleure. Je pleure cet éclat invisible mais ineffaçable qu'il m'a transmis dans cet instant comme si quelque chose d'indescriptible prenait fin.
Il est mort le lendemain matin. L'arbre tombe....
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Le poète a écrit Moi mes souliers, qui a fait le tour de la francophonie et qui encore aujourd'hui, est fredonnée un peu partout.
Des hommes, des femmes et des enfants déposent sur sa pierre tombale une paire de souliers. Bien au-delà du simple soulier usé, il y a une grande beauté dans ce geste. C'est un dernier hommage pour un homme infini. ''C'est un énorme bouquet de souliers'' dira Raymond Devos.
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Merci à Jean Royer, pour m'avoir dit: Écris!''
Merci à mon père pour tout.
Félix Leclerc, c'est un intouchable. Ma famille cosmique, avec cet homme magnifique, n'en est que plus sacrée ...
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