dimanche 15 septembre 2013

Oscar Wilde, lettres écrites en prison...



Oscar Wilde(1854-1900)


André Gide: "... le sanglot d'un blessé qui se débat. je n'ai pu l'écouter sans larmes; je voudrais pourtant en parler... 


Extraits de lettres d'Oscar Wilde lors de sa captivité et de sa sentence aux travaux forcés.

"Les dieux m'avaient presque tout donné. Je possédais du génie, un nom illustre, une haute situation sociale, de la gloire, de l'éclat et l'audace de la pensée. J'ai enseigné aux hommes une manière de penser différente et donné aux choses d'autres couleurs. J'éveillai la fantaisie de mon siècle, de sorte, qu'autour de moi, mythes et légendes se formèrent. Je vivais jadis entièrement pour le plaisir. Jusqu'au bord j'emplissais ma vie de plaisirs, comme on emplit jusqu'au bord une coupe de vin. Il ne me reste plus qu'une chose: l'humilité absolue. Ce quelque chose, caché au plus profond de moi, comme un trésor dans un champ, l'humilité! Le point de départ d'un développement nouveau. J'espère être capable de recréer ma faculté créatrice.

Il me faut rendre bon pour moi tout ce qui m'est arrivé. Le lit de planches, la nourriture nauséabonde, les durs cordages qu'on déchiquette en étoupe, les viles corvées avec lesquelles commencent et finissent les journées, les durs commandements que la routine paraît nécessiter, l'horrible vêtement qui rend la douleur grotesque à voir, le silence, la solitude, la honte, il me faut les transformer en expériences spirituelles. Il n'est pas une seule dégradation du corps qui ne doive contribuer à spiritualiser l'âme. Après n'avoir, pendant la première année de mon emprisonnement, fait autre chose à mon souvenir que de me tordre les mains en un désespoir impuissant et m'écrier: Quelle fin! Quelle effroyable fin! J'essaie maintenant de me dire sincèrement: Quel commencement! Quel merveilleux commencement! L'un des premiers points auxquels je doive atteindre est de ne pas être honteux d'avoir été puni, ne pas avoir honte de mon châtiment. Ensuite, il me faudra apprendre à être heureux, mais le bonheur m'est souvent extrêmement difficile à percevoir. Ils ont pris mon âme: je ne sais pas ce qu'ils en ont fait... Tout dans ma tragédie a été hideux, mesquin, repoussant, dénué de style.

La permission n'a été que peu ou pas donnée à mes amis de me rendre visite; par contre, mes ennemis ont pu trouver pleinement l'accès vers moi. Les deux fois où je fus publiquement transféré d'une prison à l'autre, j'ai été, dans des conditions indiciblement avilissantes, donné en pâture aux quolibets de la foule. Je fus complètement isolé, mis à l'écart de tout ce qui eût pu m'être de quelque consolation. J'ai dû supporter l'insupportable peine du dénuement et des remords que ma mère évoquait en moi. Le temps a quelque peu cicatrisé cette blessure et voici qu'au nom de la loi, on s'empare de mes deux fils. Ceci me cause une peine infinie, un soucis sans nom; la loi  décide qu'il ne m'appartient plus d'être auprès de mes propres enfants. Cette pensée a pour moi quelque chose d'épouvantable. Auprès de ceci, l'opprobre de la prison n'est plus rien.


Gide: Ceux qui n'ont approché Wilde que dans les derniers temps de sa vie imaginent mal, d'après l'être affaibli, défait, que nous avait rendu la prison, l'être prodigieux qu'il fut d'abord.

Oscar Wilde, In Memoriam (Souvenirs) écrit par André Gide

Pathétiquement triste....


Les restes d'Oscar Wilde sont transférés au Père Lachaise, à Paris en 1909. Son tombeau, sculpté par Jacob Epstein, s'inspire du taureau ailé assyrien  du British Museum. Le monument a été classé monument historique en 1997 et restauré en 2011 grâce à la famille Wilde et du gouvernement irlandais. Des vitres en plastique de deux mètres de hauteur ont été apposées sur les parois de pierre pour empêcher que ses admirateurs ne déposent le baiser traditionnel laissés sur ce haut lieu du romantisme. La pierre du monument était couverte de rouge à lèvres.

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